Vous le savez peut-être, la grande résistante et ethnologue Germaine Tillion fête demain ses 100 ans.
Je trouve qu'il est juste de lui rendre hommage, tant elle a su incarner, dans sa vie et dans son oeuvre, une certaine exigence morale de l'intellectuel(le).
Rappel des principaux points de son étonnante biographie:
Née à Allègre (dans la Haute-Loire) en 1907, Germaine Tillion suit une formation en archéologie avant de s'intéresser à l'ethnologie et de suivre les cours de Marcel Mauss. En 1934, elle obtient une bourse pour partir étudier les populations des Aurès en Algérie, travaillant jusqu'en 1940 dans ce pays.
En 1940, elle est parmi les membres fondateurs du "Groupe du Musée de l'Homme", l'un des tous premiers groupes de résistance en France. Elle est arrêtée en 1942, puis déportée à Ravensbrück d'octobre 1943 à avril 1944.
Dès 1947, cette femme d'études se replonge dans le travail et entreprend d'analyser le système concentrationnaire avec un ouvrage sur Ravensbrück.
Envoyée en mission d'études et d'information en Algérie dès l'époque des premiers troubles en 1954. Elle tente à plusieurs reprises, notamment avec Camus, de favoriser des négociations pour mettre fin aux violences. Elle dénonce également vigoureusement les tortures et au terrorisme
Revenue à l'ethnologie dans les années 1960, elle effectue de nombreux séjours dans une Afrique arabe et noire en pleine mutation.
Parallèlement, elle s'engage toujours de multiples façon, pour la paix, contre la torture et la peine de mort, pour les droits de l'Homme.
Toujours critique face aux totalitarismes, elle dénonce les crimes stalinien dès l'après-guerre, ce qui lui vaut en 1992 d'être invité en Russie par des anciens déportés du Goulag.
Elle continue jusqu'à une période récente à s'engager intellectuellement, le plus souvent à gauche (Sans-papiers, contre la guerre en Irak), mais nous excédons la limite chronologique de ce forum...
Le grand talent de la longue vie de Germaine Tillion est d'avoir su concilier une triple exigence et les confondre en une seule vie: l'exigence du témoignage, l'exigence de l'historien (et de l'ethnologue), et l'exigence d'honnêteté dans ses engagements.
Son oeuvre nous invite en permanence à la découverte d'un travail intellectuel de haute volée et qui est source de réflexion (ce qui est bien le moins pour un auteur de sciences humaines), mais aussi à la résistance au mal "sans se prendre pour une incarnation du bien" (T. Todorov).
_________________ "[Il] conpissa tous mes louviaus"
"Les bijoux du tanuki se balancent Pourtant il n'y a pas le moindre vent."
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