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Message Publié : 15 Juil 2007 9:39 
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Pierre de L'Estoile
Pierre de L'Estoile

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Comment peut-on expliquer que le marxisme ait connut un tel succès, alors que Karl Marx n'a pas eut une vie reluisante, que ses écrits étaient d'un abord difficile et que ses prédictions se sont révélés fausses ?

_________________
Le souvenir ne disparait pas, il s'endort seulement.
Epitaphe trouvée dans un cimetière des Alpes

La science de l'histoire est une digue qui s'oppose au torrent du temps.
Anne Comnène, princesse byzantine (1083-1148)

Le passé fait plus de mal que le présent
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Message Publié : 15 Juil 2007 9:55 
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Marc Bloch
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Le besoin, inné chez l'homme, d'espoir.

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Message Publié : 15 Juil 2007 11:32 
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Marc Bloch
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Ou alors cet aphorisme de Gustave Le Bon (je crois ):
"On croit que l'Homme a soif de Vérité. Non, il a soif d'Illusion" :cobra:

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Message Publié : 15 Juil 2007 13:52 
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Plutarque
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Parce que la philosophie marxienne est l'héritière d'un des systèmes philosophiques les plus grisants et les plus puissants, celui de Hegel, et de son concept fondamental de dialectique, finalement applicable à toute chose, comme une clé universelle de compréhension du monde.
Parce que Marx, par de nombreux écrits polémiques, a participé à la dénonciation des maux de l'industrialisme et plus en profondeur, a su dégager quelque chose qu'on résume par le concept d'"aliénation" et qui est en quelque sorte le fait pour le travailleur d'être privé du résultat de son travail, de son oeuvre (à chacun d'en évaluer la vérité et l'actualité). Il a su miser sur une population en devenir (les ouvriers), a prôné la prise en main par les hommes de leur destin collectif (comme aux plus grands moments de l'histoire universelle, au hasard la Réforme ou la Révolution), le primat de la révolution démocratique sur la révolution politique ("bourgeoise").
Bref il a su flatter les espoirs, canaliser les colères et les rêves. Le, ou plutôt les marxismes, se sont nourris de ses écrits pour élaborer ou perpétuer un grand espoir, une nouvelle religion, celle de l'"humanité", qui venait à point nommé dans un monde bouleversé par les bonds de la technique, de la science, par le déclin des religions et des solidarités traditionnelles, par les bouleversements sociaux et politiques. C'est ici (pour l'aspect "religieux") que sa vie peut entrer en jeu : reluisante ou pas, elle est finalement celle d'un martyr (le miséreux de Londres) et d'un prophète (l'annonciateur de l'avènement du règne de l'homme). On est en pleine religiosité.
En dehors des marxismes proprement dits, il ne faut pas non plus avoir peur de reconnaître à Marx son puissant génie, qui est d'abord celui d'un philosophe (lire là-dessus Michel Henry).
J'espère ne pas avoir pris parti.
Pour finir ne pas oublier le mot de Marx, à prendre là encore comme on le veut : "En tout cas, moi, je ne suis pas marxiste."

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"L'insécurité, voilà ce qui fait penser."
Albert Camus


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Message Publié : 15 Juil 2007 16:01 
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Plutarque
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D'autant plus que le mot est seulement attribué à Marx, comme je viens de le relire. De quoi se dire qu'il faut décidément être prudent sur des sujets pareils... :roll:

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Message Publié : 16 Juil 2007 8:07 
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Salluste
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Plus oultre a écrit :
Parce que la philosophie marxienne est l'héritière d'un des systèmes philosophiques les plus grisants et les plus puissants, celui de Hegel, et de son concept fondamental de dialectique, finalement applicable à toute chose, comme une clé universelle de compréhension du monde.

La dialectique, un concept ? Je dirais que non. Je dirais que chez Hegel, la dialectique est le mouvement de l'Esprit, qui se se réalise dans l'histoire.

Autant, chez Aristote et son engeance (scolastique, Lumières) la logique est une méthode qu'on applique aux choses mais qui y reste étrangère, autant chez Hegel c'est la réalité qui est dialectique (ou Logique).

Kierkegaard a traité la philosophie hégélienne comme si, chez Hegel, l'existence était dialectique. Résultat : chez Kierkegaard l'existence est dialectique aussi, mais il s'agit d'une dialectique ambiguë et paradoxale. Là ou, chez Kierkegaard, la vie est faite de ruptures, de déchirements, de tensions et de sauts, chez Hegel elle va vers la continuité (genre le long fleuve tranquille), la conciliation, le mariage heureux de toutes choses. Schelling, dans sa période proprement hégélienne, déclare [i]« Si dans la nuit même une lumière se levait, si un jour nocturne et un jour diurne pouvaient nous embrasser tous, ce serait le but suprême de tous les désirs. »[/i] Comme tu dis, c'est un système grisant, puissant. Je dirais triomphant (c'est d'ailleurs le mot de Wahl dans les Études kierkegaardiennes). Kojève n'innovera pas dans son interprétation de Hegel (cf. Introduction à la lecture de Hegel), il dira que dans la philosophie hégélienne, c'est l'existence (ou la réalité) qui est dialectique, etc, etc.


Cette petite nuance pour pouvoir enfin répondre à la question initiale : je pense que si le marxisme a connu un tel succès, c'est parce qu'il a pris la figure d'un remède aux Lumières alors sur le point de s'éteindre. La scolastique et son enfant (les Lumières) était dans l'incapacité de toucher au concret de manière générale, ils s'étaient perdu dans les méandres de la spéculation. Là dessus, un Hegel ou un Marx qui prétendent marier existence et dialectique (= la logique formelle n'est plus une méthode étrangère à la réalité et à laquelle la réalité échappe comme la nourriture échappait à Tantale, ce qui était le cas chez Aristote, la scolastique et les Lumières). Marx prétend nourrir le peuple qui est Tantale : l'existence est dialectique ou Logique, les deux ne sont plus étrangères, l'esprit (avec un petit e) a toute sa place dans la réalité. En fait, le marxisme, c'est la philosophie de la pensée magique.

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« Suffering also has its worth. Through sorrow, pride is driven out, and pity felt for those who wander in samsara; Evil is avoided, goodness seems delightful. »

Shantideva


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Message Publié : 16 Juil 2007 9:38 
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Hérodote
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Peut-être l'envie, la jalousie, la volonté de revanche (n'appelait-on pas les rouges les "partageux" ?).
L'égalité comme fil directeur de l'organisation de la société.


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Message Publié : 16 Juil 2007 11:59 
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Jean Mabillon
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Sans doute aussi le désir fondamental chez l'être humain de revenir à un état--que certains qualifieraient d'infantile-- de non-responsabilité personnelle pour sa survie matérielle.
Dans le mode de production/société communiste/marxiste, l'individu est totalement pris en charge, un certain nombre de risques, de responsabilités et de prises de décisions qui ont un caractère individuel dans une société capitaliste sont transférés à la collectivité incarnée par l'Etat.
Si vous avez vécu dans des sociétés capitalistes dures, comme aux Etats-Unis, vous avez pu vous rendre compte qu'un des principes à la base du consensus social dans ces sociétés est que l'individu y est considéré comme essentiellement responsable de ce qui lui arrive, et que les pesanteurs culturelles, de classe etc et leurs conséquences sur le sort des individus. y sont niées ou minimisées.
La prise en charge économique des besoins individuels par l'Etat--''De chacun selon ses capacités, à chacun selon ses besoins '' est un slogan bien connu du marxisme--qu'il s'agisse de revenus salariaux, protection sociale etc-- y est minimale. C'est le règne du supposé laisser faire autorégulateur du darwinisme libéral, avec pour corollaire la loi du plus fort et l'acceptation d'une certaine injustice sociale tempérée par l'espoir souvent illusoire de faire partie de la minorité des gagnants du système.
Dans la philosophie marxiste, grosso modo, l'individualisme économique est dénoncé comme un leurre idéologique, et l'Etat assume des rôles, de producteur, de régulateur, et de répartiteur des richesses économiques, laissés à l'initiative privée dans un système capitaliste dur.
Cette reposante déresponsabilisation, ces vacances que semble en quelque sorte offrir le communisme marxiste par rapport à l'épuisante lutte individuelle pour la survie capitaliste, associée à une affirmation de moralisation collective par la promesse de plus de justice sociale, ont pu en séduire beaucoup.
Comme philosophie antidarwiniste, et antinietzchéenne--le marxisme a pu séduire les gens que la brutalité, le stress et l'immoralité de la lutte quotidienne pour la survie effraient. (:8:)


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Message Publié : 16 Juil 2007 12:00 
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Plutarque
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Je te suis évidemment Alcibiade. D'ailleurs pour citer Kojève qui n'avait pas vu faux là-dessus :
Citer :
La dialectique [...] n'est pas une méthode. La dialectique est la nature propre, véritable des choses elles-mêmes, et non un art extérieur aux choses : la réalité concrète est elle-même dialectique.

C'est justement dans l'Introduction à la lecture de Hegel, p. 38.
Pour rectifier : si pour Hegel la dialectique n'est pas un concept, on peut la considérer comme telle réappropriée par les Jeunes Hégéliens et déclinée par eux, notamment par Marx (cf. la "lutte des classes" appelée à devenir un dogme, qui découle de ce schéma fondamental ; avec la théorie du prolétariat la dialectique n'a plus rien d'immanent : le prolétariat n'a aucune réalité concrète, pas plus que la société dont Marx dénonce l'hypostase systématique : c'est une antithèse à construire pour que la "lutte finale" soit possible, et sa synthèse heureuse, le règne de l'histoire. A ce stade on peut parler de "concept", il me semble).
A partir de là, sans faire de l'histoire des idées au rabais, on peut dire qu'il y a héritage et instrumentalisation de la dialectique hégélienne par Marx, en tout cas à mon avis.
Mais le marxisme et son succès, pour revenir au sujet, sont sûrement bien moins constitués par ces spéculations philosophiques que par des constructions théoriques ultérieures, elles-mêmes enracinées dans une réalité sociale bien différente de celle du XIXème.
Et les doctrines marxistes, comme armatures idéologiques, n'ont pu que profiter des radicalisations et des manichéismes du XXème siècle, fascisme/bolchevisme, Ouest/Est (au risque d'être réducteur) et tout ce que ça sous-tend...

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Message Publié : 16 Juil 2007 16:11 
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Salluste
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Inscription : 23 Juin 2007 13:21
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Localisation : Lille ... bureau au fond à droite
sans doute parce que :
- La mondialisation a bien eu lieu
- les crises de sur-production comme 29 ont bien eu lieu
- La potentielle guerre entre les Etats "impérialiste" a bien eu lieu
- Parce que la fusion des grand "trust" et les licenciments une fois tous les marchés de planète conquis ont bien eu lieu
- le détachement total du système boursier par rapport au productif à bien eu lieu ...

Et que son analyse de l'économie reste (je ne parle pas des conclusions c'est un autre débat) est encore et toujours enseignée (Plus value, travail salarié etc....).
parce que les archéologues adorent sont approche historique (sans forcément être marxiste et d'accord avec tout) car elle est une des premières a enfin de consacrer au matériel au social au lieu de faire de l'évenementiel uniquement.
Etc...
Je pense que ça doit être ça.
Bon puis y avait aussi le poid d'un parti qui paradoxalement n'avait rien compris à ses écrits...

_________________
"Celui qui est prét à saccrifier un peu de liberté pour sa sécurité ne mérite ni l'une ni l'autre"


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Message Publié : 18 Juil 2007 18:18 
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Polybe
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Tonnerre, le marxisme est tout sauf anti-darwiniste. Encore faut-il comprendre ce qu'est le darwinisme et ne pas sortir des non-sens comme le "darwinisme libéral". Le darwinisme est une théorie viologique de l'évolution. Pas une théorie sociologique ou économique. Je vous conseille la lecture de S Jay Gould, biologiste darwiniste de haute volée. Et marxiste sur les bords. oui c'est possible. Vous y verrez notamment que Marx et Engels ont échangé sur les écrits de Darwin et qu'ils y voyaient une confirmation du matérialisme historique.

En outre le marxisme vise à la disparition de l'Etat. Il n'est pas question de tout "étatiser" ou "nationaliser", mais de "collectiviser". en gros, l'idéal est que les unités de production soient entre les mains des travailleurs et non entre les mains de "bourgeois" uniquement propriétaires des "moyens de production". Il n'est donc à aucun moment question de laisser l'individu sans responsabilité. Sans vouloir vous froisser, vous êtes dans la caricature.


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Message Publié : 18 Juil 2007 21:19 
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Jean Mabillon
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pikou, sans vouloir vous froisser, :) ce que j'écris ne vous apparait caricatural parce que vous ne l'avez manifestement pas compris.
D'abord, quand je parle de ''darwinisme libéral'', il devrait être clair que c'est une autre appelation, courante en anglais, du darwinisme social de Spencer, porte-parole du libéralisme anglais, de Galton, et autres; darwinisme social largement répandu dans la culture anglophone avant d'atterrir en Europe avec Alexis Carrel, Gustave Le Bon et leurs rejetons fascistes.
Ce darwinisme libéral n'a bien évidemment pas grand chose à voir avec Darwin, qui n'a jamais prétendu que ses theses concernant le domaine biologique étaient transposables dans l'ordre social.
Par ailleurs, je suis au courant des rapports et supposées parentés théoriques entre marxisme et darwinisme, rapports soulignés par Marx et Engels eux-mêmes, et qui consistent essentiellement selon eux, dans un décodage matérialiste du réel commun aux deux doctrines; initialement, Marx a ainsi pu voir le darwinisme comme une caution scientifique du marxisme, son socle théorique et son prolongement en quelque sorte.
Autre point commun selon Engels--Marx a fait la thèorie de l'èvolution dans l'ordre social, tandis que Darwin énonçait une thèse du même ordre dans le domaine biologique.
L'engouement de Marx pour Darwin alla même jusqu'à une demande de préface pour le Capital. Moins convaincu que Marx de leurs convergences, Darwin refusa...
Cependant, Marx revint sur cette opinion positive initiale, prit conscience des différences considérables entre ces deux approches et devint nettement critique envers certains aspects des idées de Darwin, qu'ils considérait, à tort ou à raison, on peut débattre là-dessus, comme antimarxistes. Il alla même jusqu'à taxer Darwin de malthusianisme, ce qui est discutable.
Si je ne suis pas d'accord avec toutes les critiques antidarwinistes des marxistes, je suis néanmoins d'avis que l'analyse que M et E. avaient du darwinisme est devenue plus juste des lors qu'elle est devenue plus critique.
Une des critiques les plus intéressantes que fait Marx à Darwin est celle ci--il lui reproche que nombre de ses concepts-cles, comme la survie du plus apte, relèvent en fait de la projection sur la nature d'un modèle social, celui de la société anglaise de son époque, avec ''sa concurrence, ses ouvertures de nouveaux marchés et sa malthusienne lutte pour la vie''.
personnellement, les plus gros problèmes que je vois avec la position marxiste initialement favorable sur Darwin est que
- Marx ne semble pas poser clairement l'irréductibilité fondamentale du social au biologique--sauf erreur et pour ce que j'ai lu du moins.
par contre, non seulement Darwin n'a jamais donné la moindre application sociale à ses thèses mais en posant que la civilisation, dans son fonctionnement social, va par définition à l'encontre de la sélection naturelle, il semble avoir aperçu bien plus nettement que Marx l'hétérogénéité fondamentale de ces deux sphères.
- les raisons pour lesquelles le prolétariat triomphera n'ont strictement rien à voir avec le modèle darwinien de la survie du plus apte.

Donc je maintiens que le darwinisme scientifique, celui de Darwin, est bel est bien, sinon un antidarwinisme, du moins radicalement étranger au marxisme, relevant d'un autre ordre en quelque sorte, hormis pour ce qui est du matérialisme précité.
Ne serait-ce que parce que, faut-il le rappeler, il n'y a pas, et il ne peut pas y avoir de science marxiste, plus que de science libérale d'ailleurs. D'ailleurs Darwin, en plus, n'était même pas athée! :)
Quand au darwinisme libéral, philosophie fondamentalement individualiste et élitiste, c'est une évidence qu'il est, lui, absolument et parfois délibérément anti-marxiste.


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Message Publié : 19 Juil 2007 19:43 
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Grégoire de Tours
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Tonnerre a écrit :
Ce darwinisme libéral n'a bien évidemment pas grand chose à voir avec Darwin, qui n'a jamais prétendu que ses theses concernant le domaine biologique étaient transposables dans l'ordre social.
[...]
Autre point commun selon Engels--Marx a fait la thèorie de l'èvolution dans l'ordre social, tandis que Darwin énonçait une thèse du même ordre dans le domaine biologique.
[...]
Il alla même jusqu'à taxer Darwin de malthusianisme, ce qui est discutable.
[...]
Une des critiques les plus intéressantes que fait Marx à Darwin est celle ci--il lui reproche que nombre de ses concepts-cles, comme la survie du plus apte, relèvent en fait de la projection sur la nature d'un modèle social, celui de la société anglaise de son époque, avec ''sa concurrence, ses ouvertures de nouveaux marchés et sa malthusienne lutte pour la vie''.


Il ne me semble pas évident, Tonnerre, de comprendre ici votre position. Mais dans tous les cas, ce qui n'est plus discuté aujourd'hui, c'est que ce n'est pas le libéralisme ou le spencerisme qui transfère la théorie darwinienne dans le champs sociologico-économique, c'est Darwin qui s'est inspiré des thèses de Malthus et en a transposé le principe dans le champ zoologique.
Donc la critique de Marx à l'égard de Darwin, s'il y a -j'avoue l'apprendre- est totalement justifiée d'après ce que l'on sait aujourd'hui de la genèse de l'oeuvre darwinienne.

J'ajouterais également que ni le darwinisme ni le nietzschéisme n'accordent de la réalité au Sujet. Ce me semble donc mal venu de les opposer au marxisme sous l'angle de l'accountability, ou responsabilité individuelle. D'ailleurs, vous faites du darwinisme et du spencerisme des avatars du libéralisme, et l'ambiguité sus-mentionnée est de nature, je crois, à montrer justement qu'on les assimile à tort. En revanche, je pense que le libéralisme au sens où on l'entend trop souvent, et qui intègre effectivement l'évolutionnisme en tant que philosophie de l'histoire, est effectivement bien plus proche du marxisme qu'on ne veut le dire -au moins pour cette raison qu'elle conçoit une histoire téléonomique.

Enfin, vous tendez ici à faire du marxisme l'idéal-type du modèle holiste, qui s'opposerait à un modèle individualiste. Bon, c'est un argument classique, on ne peut pas vous en vouloir. Mais le fait est qu'il a été suffisament montré que ce critère n'était pas vraiment pertinent : On a pu proposer des interprétations de la doctrine de Marx qui réponde au holisme tout autant qu'à l'individualisme méthodologique. En fait, on peut même conclure que c'est là une grande ambiguité dans la doctrine marxiste, qui tient sans doute à l'intégration de modèles antinomiques : Les principes de l'économie politique d'un côté, la philosophie de l'histoire de l'autre.
De fait, les anglo-saxons, puisque vous en parlez, ont plutôt tendance à lire Marx à travers la grille de l'IM, comme un économiste et un théoricien de l'action sociale. En revanche, en France, il est vrai que l'interprétation de Marx a été relativement influencée par Althusser, qui en a proposé une interprétation radicalement holiste. Mais ce n'en est qu'une parmi d'autres.
Vous qui avez une lecture plutôt politiste de Marx, Tonnerre, le débat Poulantzas-Miliband, qui confronte ces deux modèles interprétatifs, est fait pour vous :wink:


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Message Publié : 21 Juil 2007 10:22 
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Jean Mabillon
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Inscription : 04 Juin 2006 12:47
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Citer :
Il ne me semble pas évident, Tonnerre, de comprendre ici votre position. Mais dans tous les cas, ce qui n'est plus discuté aujourd'hui, c'est que ce n'est pas le libéralisme ou le spencerisme qui transfère la théorie darwinienne dans le champs sociologico-économique, c'est Darwin qui s'est inspiré des thèses de Malthus et en a transposé le principe dans le champ zoologique.


Merci de vos commentaires Bergame. :)
Certes, Darwin 'l'écrit lui même, il reconnait l'influence qu'ont exercé les thèses de Malthus sur la formation des siennes. Je cite ici une phrase où il reconnait cette influence:

''In October 1838, that is, fifteen months after I had begun my systematic inquiry, I happened to read for amusement Malthus on Population, and being well prepared to appreciate the struggle for existence which everywhere goes on from long- continued observation of the habits of animals and plants, it at once struck me that under these circumstances favourable variations would tend to be preserved, and unfavourable ones to be destroyed. The results of this would be the formation of a new species. Here, then I had at last got a theory by which to work".

Pour mémoire, Malthus était un économiste préoccupé par des problèmes exclusivement humains--le déclin éconmique de l'Angleterre et la raréfaction de ses ressources suite à un développement démographique trop rapide, lui même lié à ''l'irresponsabilité'' des clases défavorisées ; et le titre complet du livre de Malthus auquel fait référence Darwin ci-dessus est ''Essai sur le principe de population''.
Dans cet ouvrage, Malthus observe que les animaux dans la nature tendent à produire un grand nombre de jeunes, dont seuls quelques-uns survivent. Selon lui, les mêmes phénomènes sont observables chez l'homme.
Darwin pousse bien plus loin théoriquement les conséquences de ces observations--selon lui, dans la nature, il y a disparition des plus faibles, et seuls les plus forts survivent, au cours d'un processus constant de compétition et d'élimination qui comporte des conséquences génétiques.
Malthus voit dans la croissance incontrôlée des populations humaines une source de misère et de famine. Il suggère donc que la croissance des populations économiquement défavorisées--qu'il voit de ce fait même comme incompétentes à assurer efficacement leur survie--soit limitée et que le nombre d'enfants qu'elles peuvent avoir soit légalement prescrit, de façon à ce qu'elles ne produisent pas plus d'enfants qu'elles ne puissent en nourrir.
Donc, la logique compétitive/éliminatoire de l'économiste Malthus concerne non seulement les groupes animaux ET humains mais de plus, selon lui, la société humaine, par ses institutions et ses lois, doit prolonger et renforcer le principe de compétition/élimination à l'oeuvre dans la nature.
C'est tout le contraire pour Darwin qui pose au contraire, dans un ouvrage plus tardif de 1971 , ''La descendance de l'homme'', que le propre et la grandeur de la civilisation humaine est d'aller à rebours du processus de compétition/élimination naturels, auquel vient heureusement s'opposer le développement progressif de la rationalité et des instincts sociaux de sympathie et d'altruisme, autrement dit le sens moral.
Darwin est donc fondamentalement anti-malthusianiste, en ce que non seulement il s'oppose explicitement et expréssément à toute transposition de la logique sélective naturelle au domaine social mais il affirme de plus que les sociétés humaines modernes tendent a devenir antisélectives, et qui plus est, ont vocation à s'opposer aux lois naturelles--''la sélection naturelle n'est plus, à ce stade d'évolution, la force principale qui gouverne le devenir des groupes humains...''; la force nouvelle qui gouverne ce nouveau devenir étant l'éducation.
il constate donc que la sélection naturelle, par un renversement intéressant, a ainsi abouti à son propre affaiblissement progressif chez les humains.
Contre Malthus, il est évidemment pour la protection collective des faibles et des inaptes, car c'est selon lui ''le degré d'institution de l'altruisme qui définit le degré de civilisation'' d'un groupe.
Enfin, Darwin n'aimait pas Spencer, et il a dénoncé vigoureusement l'esclavage qu'il avait rencontré lors de son voyage au Brésil.


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Message Publié : 21 Juil 2007 11:13 
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Polybe
Polybe

Inscription : 09 Juil 2006 14:11
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Citer :
Darwin pousse bien plus loin théoriquement les conséquences de ces observations--selon lui, dans la nature, il y a disparition des plus faibles, et seuls les plus forts survivent, au cours d'un processus constant de compétition et d'élimination qui comporte des conséquences génétiques.


Je ne suis pas sûr de moi, mais Darwin ne préférait-il pas le terme de plus ou moins "adaptés" à celui de "plus fort/plus faible". Il ne s'agit pas de pinailler, il y a une différence fondamentale. En outre, je crois qu'il est difficile de dire que Darwin envisageait les conséquences "génétiques" de la "lutte pour la vie". Il s'agit plutot de conséquences "biologiques", car la génétique ne nait vraiment qu'au XXe, non ?


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