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 Sujet du message : Re: Premiers non-croyants
Message Publié : 18 Juin 2008 21:25 
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Hérodote
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Alfred Teckel a écrit :
Prouvez-le! Je vous trouve bien péremptoire d'affirmer ainsi que nos ancêtres de 3 millions d'années n'avaient aucune croyance ou idée religieuse.


Mmh, je n'en ai évidemment pas la preuve, mais cela me semblait aller de soi. Il faut quand même un certain niveau intellectuel pour concevoir le religieux.
Après, cela dépend évidemment de la définition du religieux que nous adoptons, mais je pense que pour faire sortir australopithecus de son athéisme, il nous faudra une définition très large...

Citer :
Citer :
Plus récemment, j'avais lu un document anonyme datant du XI ou XIIeme siècle où les auteurs affirmaient clairement leur athéisme et leur anticléricalisme. Ce texte est assez connu mais j'en ai oublié le titre...

Un document de quelle origine? Juste un profession de non-foi?


Oui, juste une profession de non-foi.
Le document est bien celui cité par Jézabel, donc en fait bien plus tardif que ce que je croyais. Enfin, la date de sa rédaction semble peu claire mais il n'y a pas vraiment de preuve d'une antériorité au XVIeme siècle, donc disons que je n'ai rien dit.

Citer :
puis il est finalement devenu banal dans certains milieux avec le déclin du sentiment religieux aux XVIIIeme et XIXeme siècle.

Attention, le sentiment religieux fait un grand retour en force au cours du premier XIXe s., avant de ne décliner réellement qu'à la fin du siècle.[/quote]
Oui, vous avez raison, il ne s'agit bien sûr pas d'une constante décroissance.

Shinji:
J'avais mal lu le premier post, il s'agit d'"athéisme chrétien", donc rien à voir avec l'"athéisme païen" dont je parlais.
Néanmoins, j'ai l'impression que l'analyse de Paul Veyne est surtout vraie en ce qui concerne la masse, mais il y a toujours eu des gens pour aller au fond des choses, pour se poser plus de questions.

J'ai trouvé quelques éléments intéressants (pas sur le christianisme néanmoins).

Une citation de Polybe:
Citer :
« Il me semble que... la crainte superstitieuse sauvegarde les intérêts de Rome... En développant ce sentiment, on songeait surtout au peuple. Dans un Etat qui ne serait composé que de sages, cette précaution ne serait peut-être pas nécessaire; mais comme toute foule est pleine d'inconstance, de passions déréglées, de colères violentes et irréfléchies, on ne peut la tenir que par la crainte d'êtres invisibles et par toute espèce de fictions. »]

Polybe parle clairement de "fictions" (mais quel est le mot grec ?).

Selon A.Aymard et J.Auboyer, dans un ouvrage pas très récent (Rome et son Empire):
Citer :
Au IIIeme siècle [av. JC] il s'était trouvé des dirigeants pour afficher leur incroyance dans l'exercice même de leurs fonctions et pour passer outre aux avis des augures (...) Pourtant, on chercherait en vain une piété réelle derrière cette impressionnante façade. Dans l'aristocratie dirigeante, il n'existait, au moins à notre connaissance, aucun adepte des cultes proprement orientaux: on les abandonnait au peuple. Il existait au contraire des athées. Il existait surtout des disciples de doctrines philosophiques interprêtant les dieux traditionnels comme des symboles ou des attributs (...) Sagesse politique, d'une part, et interprétation philosophique, de l'autre: la foi avait disparu de la religion officielle.


Finalement, je pense que la question de l'athéisme en général est plus intéressante que la question initiale "quand sont apparus les premiers non-croyants en Dieu de la Chrétienté". Il me semble en effet que les premiers non croyants au christianisme sont apparus en même temps que le christianisme, à cause de cette caractéristique du christianisme qu'a montré Shinji à l'aide de Paul Veyne: soit l'on est chrétien et l'on croit soit on ne l'est pas et l'on ne croit pas, il y a nécessité de faire un choix entre paganisme et christianisme.
A la limite, l'autre sujet intéressant serait "l'histoire de l'athéisme au sein de la culture chrétienne".


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 Sujet du message : Re: Premiers non-croyants
Message Publié : 18 Juin 2008 21:36 
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Fustel de Coulanges
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Babarberousse a écrit :
Alfred Teckel a écrit :
Prouvez-le! Je vous trouve bien péremptoire d'affirmer ainsi que nos ancêtres de 3 millions d'années n'avaient aucune croyance ou idée religieuse.


Mmh, je n'en ai évidemment pas la preuve, mais cela me semblait aller de soi. Il faut quand même un certain niveau intellectuel pour concevoir le religieux.
Après, cela dépend évidemment de la définition du religieux que nous adoptons, mais je pense que pour faire sortir australopithecus de son athéisme, il nous faudra une définition très large...


Je pense exactement l'inverse. D'une part, je n'aurais pas l'outrecuidance de dire que nos ancêtres étaient limités intellectuellement, c'est assez brutal comme jugement. Mais admettons qu'ils aient eu des idées et raisonnement plus simplistes. Cela n'en fait qu'une raison de plus pour qu'ils aient une croyance en des divinités! Le recours à une divinité est tout de même le moyen le plus simple d'expliquer un monde inexplicable. D'où vient la pluie, le soleil, l'orage, etc? Quand on ne peut l'expliquer scientifiquement, on invente un dieu pour tel ou tel phénomène, que cela s'appelle animisme ou polythéisme, il s'agit bel et bien d'une croyance. Que nos ancêtres lointain n'aient pas élaboré de théologie ou de cosmogonie, sans nul doute. Qu'ils n'aient pas cru en des divinités, j'ai un énorme doute. Le passage de l'animal à l'être humain est sans doute même à ce moment précis où l'on se demande pourquoi telle ou telle chose se produit et qu'on tente de lui apporter une solution, qu'elle soit ou non satisfaisante.

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"[Il] conpissa tous mes louviaus"

"Les bijoux du tanuki se balancent
Pourtant il n'y a pas le moindre vent."


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 Sujet du message : Re: Premiers non-croyants
Message Publié : 18 Juin 2008 21:40 
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Fustel de Coulanges
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Il faut quand même un certain niveau intellectuel pour concevoir le religieux.
Tout dépend de ce que vous entendez par "concevoir". Il semble que l'homme, même avec un niveau intellectuel moyen, ait eu assez tôt l'intuition de quelque chose qui le transcendait et échappait à son pragmatisme quotidien. Il ne s'agissait probablement pas de ce que nous appelons aujourd'hui le "religieux" (mais peut-être simplement de "magico religieux").
Le seul fait que les paléontologues homologuent l'humain (distinct des autres animaux) à partir de l'existence de sépultures (et donc d'une hypothétique vie au-delà de la mort) militerait en faveur d'un "sentiment magico religieux" dès l'émergence de l'homme...
Dans ce contexte aussi lointain et aux vestiges aussi ténus, où trouver un indice permettant d'identifier un "non-croyant" préhistorique individuel distinct d'un "croyant" préhistorique clanique ?

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"Le doute est le premier pas vers la conviction" (al-Ghazali, mort en 1111).


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 Sujet du message : Re: Premiers non-croyants
Message Publié : 18 Juin 2008 23:16 
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Salluste
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Babarberousse a écrit :
Une citation de Polybe:
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« Il me semble que... la crainte superstitieuse sauvegarde les intérêts de Rome... En développant ce sentiment, on songeait surtout au peuple. Dans un Etat qui ne serait composé que de sages, cette précaution ne serait peut-être pas nécessaire; mais comme toute foule est pleine d'inconstance, de passions déréglées, de colères violentes et irréfléchies, on ne peut la tenir que par la crainte d'êtres invisibles et par toute espèce de fictions. »]

Polybe parle clairement de "fictions" (mais quel est le mot grec ?).

Dans le texte grec le mot est τραγῳδία, qui désigne à l’origine le chant religieux dont on accompagnait le sacrifice d’un bouc aux fêtes de Bacchus et par la suite le chant en général ou le drame héroïque, la tragédie. Polybe désigne ici ce qu'il a décrit précédemment, à savoir la théâtralité des pratiques religieuses (non l'existence des divinités elles-mêmes qui serait une fiction). Je ne crois pas que cet extrait de Polybe puisse servir à analyser un athéisme antique, parce qu'il applique simplement à son analyse de la politique romaine une conception de la religion comme nécessaire pour le peuple qui est déjà bien connue, depuis le Ve siècle ; cette conception ne dit pas que tout cela est vanité, elle dit seulement que la religion est une force pour la société. D'ailleurs Polybe souligne à la fin de l'extrait les dangers qu'il y a à rejeter toutes ces croyances (c'est dans son Histoire, livre VI, ch. 7, § 56, 6-12, éd. et trad. Pierre Waltz) :

Polybe, Histoire, livre VI, ch. 7, § 56, 6-12, éd. et trad. Pierre Waltz a écrit :
Une des plus grandes supériorités de la constitution romaine, c'est sa conception de la divinité. Une chose qu'on blâme chez les autres hommes, je veux dire la superstition, fait la force de l'empire romain. Cette forme de la religion a pris à Rome, dans la vie privée et publique, l'importance et l'influence les plus considérables qu'on puisse imaginer. Bien des gens pourront s'en étonner ; mais je crois, pour ma part, qu'en développant ce sentiment on songeait surtout au peuple. Dans un Etat qui ne serait composé que de sages, cette précaution ne serait peut-être pas nécessaire ; mais comme toute foule est pleine d'inconstance, de passions déréglées, de colères violentes et irréfléchies, on ne peut la tenir que par la crainte d'êtres invisibles et par toute espèce de fictions. Aussi n'est-ce pas à la légère et sans raison, à mon avis, que les anciens ont répandu parmi le peuple toutes ces idées sur les dieux et ces croyances relatives aux enfers ; c'est plutôt de nos jours qu'on manque de discernement et de prudence en les combattant.

Μεγίστην δέ μοι δοκεῖ διαφορὰν ἔχειν τὸ Ῥωμαίων πολίτευμα πρὸς βέλτιον ἐν τῇ περὶ θεῶν διαλήψει. καί μοι δοκεῖ τὸ παρὰ τοῖς ἄλλοις ἀνθρώποις ὀνειδιζόμενον, τοῦτο συνέχειν τὰ Ῥωμαίων πράγματα, λέγω δὲ τὴν δεισιδαιμονίαν· ἐπὶ τοσοῦτον γὰρ ἐκτετραγῴδηται καὶ παρεισῆκται τοῦτο τὸ μέρος παρ´ αὐτοῖς εἴς τε τοὺς κατ´ ἰδίαν βίους καὶ τὰ κοινὰ τῆς πόλεως ὥστε μὴ καταλιπεῖν ὑπερβολήν. ὃ καὶ δόξειεν ἂν πολλοῖς εἶναι θαυμάσιον. ἐμοί γε μὴν δοκοῦσι τοῦ πλήθους χάριν τοῦτο πεποιηκέναι. εἰ μὲν γὰρ ἦν σοφῶν ἀνδρῶν πολίτευμα συναγαγεῖν, ἴσως οὐδὲν ἦν ἀναγκαῖος ὁ τοιοῦτος τρόπος· ἐπεὶ δὲ πᾶν πλῆθός ἐστιν ἐλαφρὸν καὶ πλῆρες ἐπιθυμιῶν παρανόμων, ὀργῆς ἀλόγου, θυμοῦ βιαίου, λείπεται τοῖς ἀδήλοις φόβοις καὶ τῇ τοιαύτῃ τραγῳδίᾳ τὰ πλήθη συνέχειν. διόπερ οἱ παλαιοὶ δοκοῦσί μοι τὰς περὶ θεῶν ἐννοίας καὶ τὰς ὑπὲρ τῶν ἐν ᾅδου διαλήψεις οὐκ εἰκῇ καὶ ὡς ἔτυχεν εἰς τὰ πλήθη παρεισαγαγεῖν, πολὺ δὲ μᾶλλον οἱ νῦν εἰκῇ καὶ ἀλόγως ἐκβάλλειν αὐτά.

Donc j'en resterais à une conception très prudente de l'athéisme antique, dès lors que la religion est plus souvent analysée en terme de respect des dieux (et ses conséquences politiques) qu'en terme de vérité (je renvoie à Paul Veyne).

Concernant la préhistoire, je ferais la distinction entre croyance et sentiment religieux... Le culte des morts relève d'une croyance, mais est-ce pour autant une croyance religieuse ? On peut croire différentes choses, principalement irrationnelles, dès lors qu'on n'en comprend pas le fonctionnement d'un fait, mais est-ce pour autant de la religion ? Je pense par exemple à un enfant qui croise les doigts pour provoquer un événement (pas un adulte, qui emploie juste l'expression devenue courante, sans faire réellement le geste et sans penser une seconde que son geste peut influencer le futur), un enfant qui ne comprend pas encore un certain nombre de rapports de causalité, et qui est prêt à envisager différentes choses que la causalité directe et matérielle, par exemple une causalité télépathique, "magique", etc. Ce n'est pas un acte religieux pour autant...

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« Que de choses ont été vécues sans avoir été dites ! » Paul Veyne.


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 Sujet du message : Re: Premiers non-croyants
Message Publié : 19 Juin 2008 0:17 
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Mmh, pensez-vous qu'australopithèque soit bien plus intelligent que les grands singes modernes ?
Son volume crânien est approximativement le même que celui du chimpanzé. Même si ce n'est pas le seul facteur d'intelligence, je ne vois pas vraiment ce qui peut nous permettre de penser qu'il soit "croyant". Même sans parler de divinité, en se limitant à de simples "forces surnaturelles" transcendantes, des sortes de numens, je ne vois pas vraiment ce qui vous met sur cette voie.

Citer :
Le seul fait que les paléontologues homologuent l'humain (distinct des autres animaux) à partir de l'existence de sépultures (et donc d'une hypothétique vie au-delà de la mort) militerait en faveur d'un "sentiment magico religieux" dès l'émergence de l'homme...


Mais les australopithèques n'ont pas produit de sépultures à ma connaissance... ou alors je me trompe lourdement ?

Shinji:
Merci pour ces informations. Il semble en effet qu'il n'existe pas vraiment de preuves apodictiques d'un athéisme au sens moderne, ou du moins pas d'un athéisme qui ait une réelle ampleur. Néanmoins, la preuve contraire me semble encore moins exister. Si j'admets sans aucun problème que l'athéisme grec n'a sans doute pas bien plus qu'une poignée de représentants, je suis très sceptique au sujet de Rome.
Veyne dit "Chose frappante, pendant huit bons siècles, l'incroyance consistera à nier l'utilité de la religion, plus souvent qu'elle ne niera l'existence des dieux eux-mêmes" - ce qui ne signifie pas que l'on a jamais nié l'existence des dieux. Et s'il est vrai que le romain moyen n'est pas assez philosophe pour se poser la question de l'existence des dieux, il existe néanmoins divers courants philosophiques qui éloignent des dieux (notamment l'épicurisme), et si j'en crois l'ouvrage que j'ai cité précédemment, l'aristocratie romaine dans son ensemble prend de moins en moins au sérieux toute la clique religieuse. Je pense que ce serait sous-estimer grandement les philosophes romains que de voir en eux des gens ignorant la métaphysique, et donc les interrogations sur l'existence même des dieux.

Il y a également autre chose qui me dérange: si les anciens ne se posaient réellement jamais la question de la vérité, à quoi correspond alors les accusations "d'athéisme", essentiellement en Grèce antique ? L'athée au sens grec est-il toujours un croyant ?


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 Sujet du message : Re: Premiers non-croyants
Message Publié : 19 Juin 2008 9:03 
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Salluste
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Babarberousse a écrit :
Il y a également autre chose qui me dérange: si les anciens ne se posaient réellement jamais la question de la vérité, à quoi correspond alors les accusations "d'athéisme", essentiellement en Grèce antique ? L'athée au sens grec est-il toujours un croyant ?

Ces accusations d'athéisme sont effectivement monnaie courante en Grèce. La première trace écrite que nous en avons est celle portée contre Socrate et rapportée par Platon. Les Grecs reprocheront aussi beaucoup aux Juifs leur athéisme, puisqu'avec leur Dieu exclusif, ils refusent les dieux des Grecs. Or, Socrate défendait l'existence de daimones, de divinités ; de même les Juifs croyaient en un Dieu. Dès lors, l'accusation d'athéisme nécessite-t-elle une profonde incroyance aux dieux/à Dieu, ou est-ce qu'elle renvoie à une originalité religieuse non majoritaire, une école de pensée non adoptée par la cité, et qui, si elle est exclusive, est dangereuse pour la cité (le risque étant d'abandonner les anciens dieux, or si ce sont eux qui sont les bons, on court à la catastrophe) ? Que ces accusés d'athéisme grecs croient réellement à leur dieu, leur daimon, leur Adonaï ou tout ce qu'ils voudront ne semble pas beaucoup préoccuper les tribunaux ; en revanche qu'ils ne croient pas en les mêmes dieux que tout le monde est le problème.

Correspond exactement à cette description d'originalité religieuse ou d'école de pensée le mot "hérétique", qui existe en contexte grec mais ne désigne rien de plus qu'un groupe, une secte, une école de pensée, et qui devient péjoratif à l'époque chrétienne. L'accusation de délit religieux se spécialise alors : est hérétique celui qui croit grosso modo en la bonne divinité, mais colporte des bêtises sur son compte, se trompe sur le chemin de la vérité (selon celui qui porte l'accusation d'hérésie) ; est athée celui qui ne croit même pas en la bonne divinité, mais en d'autres choses (qu'il ne vaut même pas la peine d'analyser). Les païens sont souvent appelés "les athées" chez Eusèbe de Césarée par exemple, ainsi que leur religion est appelée "l'erreur athée" ; le terme "hérétique", lui, est réservé aux chrétiens et aux Juifs.

Bon en tout cas, mais ce n'est plus en contexte grec, il est sûr qu'il y a un certain essoufflement du paganisme au IIIe siècle apr. J.-C., qui ne répond pas convenablement aux attentes intellectuelles et métaphysiques de certains. On se tourne beaucoup vers la philosophie néoplatonicienne, on analyse différemment les mythes et les récits religieux, comme les chrétiens commencent à le faire de leurs Ecritures avec leurs deux écoles exégétiques historique et allégorique, bref on s'interroge et on évolue, mais on n'abandonne pas les anciens dieux, loin de là. Le Sénat, institution élitiste s'il en est, reste farouchement païen jusqu'à la fin du IVe siècle, se bat pour sa statue de Victoire, etc.

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 Sujet du message : Re: Premiers non-croyants
Message Publié : 19 Juin 2008 10:46 
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Shinji a écrit :
Bon en tout cas, mais ce n'est plus en contexte grec, il est sûr qu'il y a un certain essoufflement du paganisme au IIIe siècle apr. J.-C., qui ne répond pas convenablement aux attentes intellectuelles et métaphysiques de certains. On se tourne beaucoup vers la philosophie néoplatonicienne, on analyse différemment les mythes et les récits religieux, comme les chrétiens commencent à le faire de leurs Ecritures avec leurs deux écoles exégétiques historique et allégorique, bref on s'interroge et on évolue, mais on n'abandonne pas les anciens dieux, loin de là. Le Sénat, institution élitiste s'il en est, reste farouchement païen jusqu'à la fin du IVe siècle, se bat pour sa statue de Victoire, etc.

Je complète avec un extrait de mon bon vieux Paul Veyne du moment, qui va dans votre sens ;) :
Paul Veyne, op. cit., p. 89 a écrit :
La question chrétienne se posait d'autant plus que, dans la classe lettrée, le paganisme était en crise depuis six ou sept siècles [Je me demande quand même où Paul Veyne va chercher ses estimations chronologiques pluriséculaires... Où le confort du prestige et de la reconnaissance dispense de la rigueur froide et précise...]. Il comportait trop de fables et de naïvetés ; tout païen pieux et lettré ne savait plus ce qu'il devait et pouvait croire. Quelle idée fallait-il se faire des dieux ? Quels rapports entre une divinité philosophiquement acceptable et les "dieux de la cité", ceux de la religion établie ? Incertain sur lui-même, le paganisme n'existait plus que sur le mode interrogatif. Dans la foule des simples gens, il était coutumier et donc solidement enraciné ; il aurait pu duré indéfiniment. Auprès des lettrés, il était respecté à titre de tradition nationale, mais sans cesse se posait pour eux une question lancinante : "Qu'y a-t-il au juste de vrai là-dedans ?" Les tentatives d'apologie ou de renouvellement se bornaient à ce respect global d'un passé, gage de stabilité en tous les domaines, se sophistiquaient en allégories et théurgies mystico-magiques ou se sublimaient en une haute technicité philosophique.

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 Sujet du message : Re: Premiers non-croyants
Message Publié : 19 Juin 2008 13:44 
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Alceste a écrit :
Yoda a écrit :
Huyustus a écrit :
De plus la croyance semble assez peu compatible avec les comportements interdits par la religion.


Si on suit votre raisonnement Ben Laden et Saint Dominique (inventeur de l'Inquisition sont des athées). Mais il y a toujours des façons de rectifier le mal de l'action
par la pureté de nos intentions.
(Tartuffe)

Parfaitement, il est d'ailleurs assez notable qu'à leurs propres yeux (ou du moins en suivant leurs discours) ces individus ne font rien qui semble incompatible avec leur religion.
Vous semblez, et votre paragraphe suivant le confirme, faire une confusion entre ce qui est moral à nos yeux et ce qui est autorisé par la religion, et ce qui est immoral et interdit par la religion.

Je ne vois pour ma part rien d'immoral à manger du cochon, et pourtant je me dis que quelqu'un qui croit vraiment que cela lui vaudra l'enfer s'abstiendra.
D'ailleurs, comme vous le dites si justement, faire quelque chose de moral pour aller au paradis n'est pas si moral que ça... mais clairement religieux, ce dont nous parlons ici même (la morale, c'est bien plus flou, et c'est pas le propos).

Alceste a écrit :
Je suis d'accord avec vous que l'athéisme n'est pas plus moderne que la religion même s'il a souvent été contraint de cacher. Si la religion est si forte c'est parce qu'elle est une culture qui manifeste une appartenance au groupe.

Je parle d'incroyance en général, pas forcément de l'athéisme qui est beaucoup plus fort, qui est l'affirmation selon laquelle Dieu n'existerait pas. L'incroyance est plus générale, c'est aussi ceux qui se posent des questions, qui doutent, les sceptiques de tout poils. Qui ne vont pas forcément nier la religion, mais qui vont se dire "l'enfer, chuis pas sûr que ça existe, alors pourquoi ne pas faire ci ou ça ?". Ou même l'incroyance du conducteur ivre, qui sait parce qu'on lui a démontré par des statistiques les risques qu'il prend, mais qui est incapable d'intégrer cela à son cas personnel jusqu'au premier accident...

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On ne peut jamais se reposer sur l'amour - et c'est pourtant sur lui que tout repose. - Jean Rostand


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 Sujet du message : Re: Premiers non-croyants
Message Publié : 20 Juin 2008 7:19 
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Philippe de Commines
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Deshays Yves-Marie a écrit :
l'existence de sépultures (et donc d'une hypothétique vie au-delà de la mort)

Yves-Marie,
ça fait plusieurs fois, depuis qu'on se connait, que je lis ce "donc" là sous votre plume (votre clavier).
Désolé, mais cette causalité ne me semble pas évidente, sauf si la sépulture contient des signes, des objets destinés à cette vie, ce qui n'est pas toujours le cas.
En effet, la sépulture contient la "partie" manifestement morte de la personne, et l'hypothétique vie concerne une tout aussi hypothétique partie qui n'est "donc" plus là.
Ne peut-on imaginer que la sépulture soit (parfois, ne généralisons pas) un simple signe de respect (ou d'amour) envers la personne décédée, même si (éventuellement) ce décès est définitif (ce qui est la caractéristique de tout décès selon le croyant en "Riendutout") ?

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 Sujet du message : Re: Premiers non-croyants
Message Publié : 20 Juin 2008 7:50 
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Fustel de Coulanges
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Ce "donc" n'est pas de moi : il conclut les investigations des paléontologues qui voient dans le fait d'enterrer les morts (avec ou sans objets plus explicites), l'intuition que, aux yeux des [sur]vivants, le parcours invisible des défunts prolonge leur parcours visible. Cela ne contredit en rien votre observation sur l'amour et le respect manifestés aux disparus mais semble postuler que cette "disparition" n'est pas totale...

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 Sujet du message : Re: Premiers non-croyants
Message Publié : 23 Juin 2008 9:09 
On pourrait faire référence à Al Maari: http://fr.wikipedia.org/wiki/Abu-l-Ala_al-Maari

Mais je ne sais pas si on peut réellement parler d'atheisme.

Les habitants de la terre se divisent en deux,
Ceux qui ont un cerveau mais pas de religion,
Et ceux qui ont une religion mais pas de cerveau.

Al Maari 973-1057


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 Sujet du message : Re: Premiers non-croyants
Message Publié : 23 Juin 2008 9:46 
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Philippe de Commines
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Localisation : village des Pyrénées
Citer :
Le seul fait que les paléontologues homologuent l'humain (distinct des autres animaux) à partir de l'existence de sépultures (et donc d'une hypothétique vie au-delà de la mort)

Citer :
Ce "donc" n'est pas de moi : il conclut les investigations des paléontologues qui voient dans le fait d'enterrer les morts (avec ou sans objets plus explicites), l'intuition que, aux yeux des [sur]vivants, le parcours invisible des défunts prolonge leur parcours visible.

j'ai hésité plusieurs jours avant de répondre, ne souhaitant pas, surtout pas, une polémique pour le plaisir de la polémique avec vous. (ni avec personne).
Je pense que vous faites un raccourci rapide, car je doute fort que tous les paléontologues tirent ces conclusions de tous les cas de sépultures. Et pour ceux qui le font, j'aimerais bien lire les arguments logiques autres que leur titres de paléontologues.
Il est bien évident qu'on peut définir "l'humain" à partir de la conscience, et entre autres la conscience de la mort, et de la détresse qui en découle, détresse que personne ne pourra éteindre. Que le fantasme d'une partie de nous qui "s'envolerait" pour vivre "ailleurs" soit une réponse à cette détresse, bien sûr. Que (bien plus tard) on ait fait une relation entre cet "ailleurs" et les actes commis dans la vraie vie, c'est le début du marketing moralo-religieux. Mais prétendre que cette "vie après" est universelle depuis le début de l'humain, c'est tout de même un peu fort.

De toutes façons, toute la discussion est biaisée par son titre : tout le monde aurait cru, jusqu'aux premiers "non croyants". Si on demandait "premiers croyants", on dirait qu'à l'origine, personne ne croyait, jusqu'à ... Tout aussi stupide et simplificateur.

(quant au mot "homologuent", il n'existe pas dans mon vocabulaire, il est possible que je sois trop anarchiste pour ça. Et si des gens "homologuent" ou non, je m'en bats ... l'œil lol )

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 Sujet du message : Re: Premiers non-croyants
Message Publié : 23 Juin 2008 10:06 
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Dédé a écrit :
Et pour ceux qui le font, j'aimerais bien lire les arguments logiques autres que leur titres de paléontologues.

Il me semble que le meilleur argument logique, c'est que ces premiers Homo ne sont pas enterrés seuls, mais bien souvent avec des outils ou ornements, ce qui montre que la sépulture n'a pas seulement un but pratique contre les mauvaises odeurs, mais qu'apparemment il y a une croyance comme quoi le mort pourrait avoir besoin de ces objets... donc dans un au-delà...

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 Sujet du message : Re: Premiers non-croyants
Message Publié : 23 Juin 2008 10:26 
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Philippe de Commines
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c'est exactement ce que j'ai écrit ci-dessus :
Citer :
sauf si la sépulture contient des signes, des objets destinés à cette vie, ce qui n'est pas toujours le cas.


Citer :
mais bien souvent

"parfois", "des fois oui", "des fois non", dans certains endroits ou époques oui, d'autres non, etc.
ou comment généraliser un cas (parfois vrai, certes, mais parfois faux).

Anecdote personnelle : mon père, tout aussi croyant que moi, a placé dans le cercueil de son propre père son canif et sa blague à tabac, objets qui ne le quittaient jamais. En disant : "tu n'en auras plus besoin, mais nous non plus". Les "Paléontologues" de l'an 10000 en concluront que mon pépé (celui qui est en photo à gauche, ici même) casse la croute dans l'au-delà avec son Opinel rouillé ?

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 Sujet du message : Re: Premiers non-croyants
Message Publié : 23 Juin 2008 13:04 
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Dédé a écrit :
"parfois", "des fois oui", "des fois non", dans certains endroits ou époques oui, d'autres non, etc.
ou comment généraliser un cas (parfois vrai, certes, mais parfois faux).

Par le principe du rasoir d'Occam. On sait que ces hommes enterraient leurs morts, et pour une bonne partie d'entre eux, on sait qu'il y avait des motifs religieux. Pour les sépultures plus récentes (historiques), on sait encore que les raisons sont religieuses. Il est plus simple d'imaginer que celles pour lesquelles on ne sait rien témoignent également d'un sentiment religieux plutôt que d'une cause indépendante. Plus simple ne signifie pas forcément vrai, mais c'est souvent ce qui est admis.

A mon avis, le sentiment religieux est indissociable de la pensée humaine. A partir du moment où l'homme à les capacités cérébrales de s'interroger sur le monde qui l'entoure, il va se trouver des réponses magiques, divines. Ce qui ne signifie pas que tous les hommes préhistoriques croyaient à des forces surnaturelles, mais que certains y croyaient. Et ce d'autant plus que nous avons un cerveau qui est assez bien configuré pour cela, nous avons une tendance naturelle à faire des liens entre des évènements qui se suivent ou à remarquer les coïncidences. Je ne connais personne qui n'ait de temps en temps sa part d'irrationnel.

J'irais même plus loin : si une croyance est répandue (efficacité de la prière, chance offerte par un trèfle à 4 feuilles, rituel magique de guérison), qu'un individu A souscrit à cette croyance et que ça marche, il y croira d'autant plus. Si un individu B agit de même mais que ça ne marche pas, sa croyance va être affaiblie et on va avoir des sceptiques. Je pense donc qu'à tout moment de l'histoire de l'humanité, croyance et scepticismes se sont vite côtoyés...

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