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Message Publié : 12 Juin 2010 19:49 
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Pierre de L'Estoile
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Bonjour à tous,
- je parle de l'Occident mais un parallèle avec l'Orient et sûrement possible -
depuis l'Antiquité, les relations entre les hommes sont souvent flanquées d'esclavage de servage. Or, depuis les révolutions de XVIIIe siècle on a connu une relative démocratisation de la volonté de liberté. En effet, un peuple comme les Anglais ne peut plus concevoir d'entraves arbitraires à cette liberté sacrée (habeas corpus) ; ce n'est qu'un exemple mais la plupart des pays dits libres sont dans le même état d'esprit. C'est le constat.
Si l'on en revient à l'ancien régime, depuis le début de nos études, on nous invite à oublier notre univers mental contemporain pour mieux comprendre ce qui se passait dans la tête des gens de l'époque. Bien sûr, un homme baigné depuis sa plus tendre enfance dans un environnement où sa famille et ses proches sont asservis par un seigneur ne pourra, jusqu'à concevoir, la notion de liberté pour lui-même. Si l'on double cet état de fait d'une omniprésence religieuse ; et que l'on sait que la plupart des inégalités sont fondés sur cette dernière alors la conclusion est sans appel.
Cependant, malgré tout cela, je ne peux me résigner à admettre que ces gens modestes qui ont su faire preuve de tant de bon sens n'aient pu entrevoir à un certain moment les failles de ce système (par exemple sous l'inquisition). Comment ces opprimés n'ont-ils pu relever le fait que les ordalies n'étaient pas la volonté de Dieu mais des hommes de Dieu ? Je pense que cette nuance a été sentie, mais que pour les raisons que tous les historiens savent, on n'en a pas la trace dans les sources.
Alors bien sûr, je sais que la piétaille était littéralement conditionnée pour penser que les hommes du clergé et les nobles détenaient des savoirs qu'ils n'avaient pas et que pour toutes ces raisons... Mais ces petits éléments de réflexion sont un bon prétexte à débat duquel tout le monde - en tout cas moi - tirera de positif. J'oubliais, Spartacus et ses acolytes ne concevait-il pas l'idée de liberté ?
Bien à vous.

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Message Publié : 12 Juin 2010 20:18 
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Pierre de L'Estoile
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A partir du moment où vous prenez comme principe que l'Eglise et le clergé manipulaient sciemment le menu peuple, vous commencez assez mal la reflexion. Vous allez d'ailleurs à l'encontre de ce que vous disiez : "depuis le début de nos études, on nous invite à oublier notre univers mental contemporain pour mieux comprendre ce qui se passait dans la tête des gens de l'époque."

Dans la société d'Ancien Régime où chacun avait ses privilèges, le menu peuple n'avait pas besoin de la noblesse et du clergé pour être opprimé. La cupidité et la jalousie suffisaient à retourner un tel contre son frère et un tel contre son voisin. Quant aux ordalies et autres croyances populaires, le peuple n'avait pas besoin non plus du clergé pour y croire. Il en était le principal responsable et créateur.


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Message Publié : 12 Juin 2010 21:17 
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Pierre de L'Estoile
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Inscription : 09 Juin 2010 14:22
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Bonsoir Châtillon,
vous parlez de cupidité et de jalousie. C'est un fait, mais si on n'y réfléchit bien, à quoi peut-on les attribuer ? À l'envie d'apparaître sous un meilleur jour devant le seigneur ou le prêtre (cela ne peut qu'améliorer ma situation), si je nuis à mon voisin la concurrence n'en sera que plus faible... Mais à la limite peu importe, comme nous sommes dans le portail « histoire des idées » c'est bien plus leur rapport à la liberté qui peut m'intéresser : dans quelle mesure les revendications de liberté pouvaient s'exprimer. Existaient-elles simplement ? S'ils croyaient aux bienfaits de l'ordalie quelle en étaient les causes ? L'endoctrinement bien sûr, mais a-t-on des idées sur la proportion de familles victimes de cette pratique qui, dans la colère, l'ont remis en cause ? Ceux qui devaient s'aventurer à faire cela en public devaient très vite être accusés de blasphème. Peut-être aura-t-on la trace dans les archives paroissiales. Si on voit qu'à une ordalie sur deux ou trois un membre de la famille est accusé de blasphème alors on peut supputer que le verre ronge le fruit. Enfin, c'est juste une piste...

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Message Publié : 12 Juin 2010 21:47 
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Pierre de L'Estoile
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Inscription : 19 Mars 2005 18:17
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Localisation : Paris
A vrai dire, je ne comprends pas trop votre raisonnement. Au XVIe siècle, l'Eglise ne considérait-elle pas l'ordalie comme un blasphème ? Avoir recours à l'ordalie c'était contraindre Dieu à donner un jugement. Le clergé ne pouvait donc que condamner ces pratiques. Je ne sais pas ce qu'il en est des siècles précédents. Il me semblait que le roi Louis IX les avait également vivement remis en cause. Enfin, j'ignorais que le fait de remettre en cause une ordalie pouvait amener des sanctions pénales ?! J'ai l'impression que vous avez une vision très manichéenne des puissances publiques d'autrefois.


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Message Publié : 12 Juin 2010 22:14 
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Fustel de Coulanges
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Inscription : 15 Nov 2006 17:43
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Localisation : Lorrain en exil à Paris
J'ai l'impression que vous partez sur des raisonnements et une vision de l'Histoire un peu biaisés.



Yongle a écrit :
Bonjour à tous,
- je parle de l'Occident mais un parallèle avec l'Orient et sûrement possible -
depuis l'Antiquité, les relations entre les hommes sont souvent flanquées d'esclavage de servage.


C'est un peu une tautologie de le dire, notre époque où tout être humain, de par sa nature même d'être humain étant considéré comme un individu libre (en droit), est plutôt l'exception au regard des siècles. Cependant, il faut bien comprendre qu'en effet ce que vous appelez la liberté n'est que la version actuelle de ce mot, dans une définition née plus ou moins à la fin du XVIIIe s. en effet. Et dites-vous que l'esclavage à l'antique recouvre des réalités très différentes, tout comme le statut d'homme libre. Si l'homme libre est en effet valorisé chez les Grecs par exemple, et que politiquement tout citoyen peut participer à un fonctionnement démocratique, ce n'est qu'un des pans de la liberté. En cela, certains esclaves bien placés, comme les pédagogues, pouvaient avoir un rang social bien plus enviable... et je pense que participer directement, par le vote, à la vie de la cité, ne leur importait guère. Bref.


Citer :
Si l'on en revient à l'ancien régime, depuis le début de nos études, on nous invite à oublier notre univers mental contemporain pour mieux comprendre ce qui se passait dans la tête des gens de l'époque. Bien sûr, un homme baigné depuis sa plus tendre enfance dans un environnement où sa famille et ses proches sont asservis par un seigneur ne pourra, jusqu'à concevoir, la notion de liberté pour lui-même.


Tout à fait, surtout quand même au niveau des intellectuels ce concept tel que vous l'entendez n'existe tout simplement pas.


Citer :
Si l'on double cet état de fait d'une omniprésence religieuse ; et que l'on sait que la plupart des inégalités sont fondés sur cette dernière alors la conclusion est sans appel.


Cela veut dire quoi "l'on sait que"? Qui sait cela? LEs gens qui réfléchissent trop vite ou les idéologues. L'Eglise, quelle que soit l'époque où elle se situe, est un corps vivant vraiment pas monolithique. Et l'omniprésence religieuse des époques suivantes, en particulier du XVIe s. sera à la fois facteur de guerres atroces dans toute l'Europe mais aussi de progrès aussi bien au niveau des libertés (religieuses notamment dans certains pays) et de l'égalité, certains groupes d'extrémistes religieux prônant un égalitariste par la violence.
Donc attention, tout est beaucoup plus subtil que le tableau que vous brossez. Sans compter que vous mélangez beaucoup de choses en partant de l'idée de liberté et en bifurquant à celle d'égalité, ce qui n'est, à mon avis, pas la même chose.


Citer :
Cependant, malgré tout cela, je ne peux me résigner à admettre que ces gens modestes qui ont su faire preuve de tant de bon sens n'aient pu entrevoir à un certain moment les failles de ce système (par exemple sous l'inquisition).


En quoi l'Inquisition est une faille du système et en quoi favorise-t-elle plus qu'autre chose l'absence de liberté ou l'inégalité? Au contraire, malgré ses excès, l'Inquisition est historiquement le premier exemple de mise en place d'une véritable procédure judiciaire institutionnalisée. De ce point de vue, c'est une période très importante.


Citer :
Comment ces opprimés n'ont-ils pu relever le fait que les ordalies n'étaient pas la volonté de Dieu mais des hommes de Dieu ? Je pense que cette nuance a été sentie, mais que pour les raisons que tous les historiens savent, on n'en a pas la trace dans les sources.


On vous a très bien répondu sur cette question, et j'approuve la réponse qui vous a été faite.


Citer :
Alors bien sûr, je sais que la piétaille était littéralement conditionnée pour penser que les hommes du clergé et les nobles détenaient des savoirs qu'ils n'avaient pas et que pour toutes ces raisons...


Bof. Vous sous-estimez l'intelligence du petit peuple. Qui ne s'est jamais, au grand jamais, privé de critiquer et de railler les plus puissants. Simplement, les choses étaient ainsi, certains étaient fait pour régner et d'autres pour travailler durement de leurs mains. Sans compter que, toute proportion gardée, une certaine ascension sociale pouvait exister dans les sociétés d'Ancien Régime. Bien plus facilement que dans l'Antiquité.



Citer :
Mais ces petits éléments de réflexion sont un bon prétexte à débat duquel tout le monde - en tout cas moi - tirera de positif. J'oubliais, Spartacus et ses acolytes ne concevait-il pas l'idée de liberté ?
Bien à vous.


Je serais bien incapable de vous répondre pour Spartacus, mais quelle que soit l'idée que l'on se fait de la liberté, du moins au début de l'époque contemporaine, il s'agit de liberté pour le groupe que l'on représente. Après tout, les pères fondateurs de l'Amérique ont fondé leur nation sur l'idée même de liberté. Pour eux. Pas tellement pour les esclaves, les indiens, etc...

Il ne faut surtout pas supputer que l'idée de liberté, même présente, était identique à celle que l'on connaît aujourd'hui et qui se veut un objectif universel.

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"[Il] conpissa tous mes louviaus"

"Les bijoux du tanuki se balancent
Pourtant il n'y a pas le moindre vent."


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Message Publié : 13 Juin 2010 14:24 
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Pierre de L'Estoile
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Inscription : 09 Juin 2010 14:22
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Bonjour à tous,
vaste programme que de répondre à toutes les contestations.
Tout d'abord, je suis tout à fait d'accord avec vous qu'il convient d'être précis si l'on veut réfléchir dans les meilleures conditions. Ainsi, pour ce qui est de l'ordalie, s'est effectivement au concile de Latran 4 le 11 novembre 1215 que cette pratique judiciaire et proclamée hérétique. Cependant, il n'en demeure pas moins qu'avant cette date la pratique était usitée par l'église : j'en prends pour référence : Harouel, Barbey, Bournazel, Thibaut-Payen, Histoire des institutions de l'époque franque à la Révolution, où l'on apprend que c'est au VIe siècle que chez les Burgondes puis chez les francs on finissait par recourir au « duel judiciaire » (classé dans les typologies de l'ordalie) lorsque le serment était remis en cause. On pourrait bien sûr en discuter éternellement en avançant l'argument de la pratique du duel jusqu'à Richelieu mais l'église n'était plus l'instigatrice...
Ainsi, le problème n'est que déplacé, ce qui demeure c'est bien le rapport à la liberté ; si l'on déplace (encore une fois) le problème de la liberté sur le champ de l'égalité : si le bas peuple se sent floué et revendique l'égalité avec les privilégiés (plus libre à leurs yeux et objectivement). Cela demeure une volonté de liberté. Alors, à défaut de déplacer le problème auriez-vous des informations sur des velléités de liberté qui transparaissaient à travers les sources ?
En ce qui concerne l'inquisition, on a, par exemple, le livre de Bartolomé Benassar l'inquisition espagnole. Dans ce livre, il est très clair : la justice civile en Espagne, sous les rois catholiques, renvoyait à un cadre plus équitable pour les judeo - converses (de loin les premières victimes) que la Sainte inquisition. D'ailleurs, ce fait est plus dû à Ferdinand qu'au pape sixte 4 (qui avait fait appel au pape en 1478 mais qui après, avait les mains relativement libres). Mais une fois encore ce qui m'intéresse, dans « histoire des idées et des moeurs » c'est la notion de liberté et donc le sentiment d'injustice face à l'oppression arbitraire. En effet, comment expliquer que des soi-disant crypto - judaïsants soient allés en personne au Vatican défendre leur cause si, pour eux, c'était comme ça et puis c'est tout ? Alors, bien sûr, ce problème est beaucoup plus délicat car si ces anciens juifs (bien que beaucoup s'étaient convertis I siècle plus tôt) avaient une réelle foi catholique - ce n'est qu'une hypothèse - elle était bien moins ancrée profondément. Ce qui pourrait justifier leur propension à remettre en cause l'infaillibilité de jugement religieux.
Le problème reste donc entier : je repose la question, des aspirations à moins d'arbitraire se font-elles sentir dans les archives ?
Bien à vous.

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Message Publié : 17 Juin 2010 11:37 
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Votre gros problème est que vous analysez hier avec les yeux d'aujourd'hui. Vous ne pouvez aboutir que dans une impasse.

L'exemple de l'ordalie en est un exemple, elle cesse au moment où l'Eglise se sent assez forte pour l'interdire, qu"elle se mêle de la vie politique. Avez vous remarqué que son influence est peu prégnante des Mérovingiens à l'an mil ? Vous êtes vous demandé pourquoi ? Pourquoi son influence grandit, qu'elle se fait plus présente, qu'elle essaie d'imposer ses vues à compter de 1050 environ.

En histoire, tout est nuance, tout est interaction, il ne faut pas avoir de préjugés, et surtout, comprendre le vécu, le ressenti, les croyances des gens de l'époque.

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Message Publié : 17 Juin 2010 13:56 
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Pierre de L'Estoile
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Inscription : 09 Juin 2010 14:22
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Bonjour à tous,
pour vous répondre sur ma démarche, c'est précisément l'escamotage des préjugés que je recherche. Alors peut-être que mon « doute méthodique » est trop cartésien et que je devrais admettre que les hommes d'hier soient de nature fondamentalement différente de la nôtre ; c'est une propédeutique incontournable pour une meilleure compréhension de l'histoire. Cependant, je suis têtu, et je suis persuadé que c'est en défendant ma position et par l'échange avec des gens comme vous, que j'intégrerai cet état d'esprit car je l'aurais bien compris. Pour autant, qui peut nous dire que des aspirations à plus de liberté ne nous soient pas inconnues - car réservées aux discussions familiales - et que certaines idées qui deviendront plus tard communes ne puisent leurs racines plus loin que les archives paroissiales ne veulent bien le laisse entendre. Pour affirmer cela, il faut des éléments concrets, je n'en ai pas ; d'où la bouteille à la mer qu'est cette question posée sur ce forum. Donc, comme vous le voyez, avec vous, j'essaie d'imaginer des « interactions » possibles de l'histoire.
En ce qui concerne la montée en puissance de l'église vers le milieu du XIe siècle (je pense que vous faites allusion à la l'émancipation de la papauté et la réforme grégorienne) j'imagine que de nombreux facteurs en sont à la source : un islam conquérant contre lequel l'église doit rivaliser, la simonie et l'apparition d'hérésies qui la décrédibilisent, l'influence clunisienne, la place des grands laïcs trop importante etc. j'en oublie sûrement bon nombre et notamment, je pense, celles auxquelles vous pensez... J'imagine, reprenez-moi si je me trompe, que ladite montée en puissance détermine au moins en partie l'évolution des mentalités de l'époque. La quasi désuétude de l'ordalie au tournant du millénaire en est, pour sûr, l'un des nombreux fruits.
Cependant, je ne comprends pas en quoi cela dénote mon imperméabilité à la nuance. Quand vous m'aurez démontré que j'ai tort, alors je n'en sortirai que plus riche.
Bien à vous

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Message Publié : 17 Juin 2010 15:11 
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Non, l'Islam est en Europe depuis le début du VIIIème siècle, ce n'est donc pas une cause de la montée de la Papauté deux siècles après, il ne faut pas se focaliser là dessus.

Il est quand même des avancées significatives, qui mettront du temps à s'imposer, mais qui feront date, la trêve de Dieu interdisant en partie les guerres privées, l'institution du mariage, qui éviteront la répudiation des femmes et par là leur paupérisation, l'évolution de l'esclavage vers le servage, qui me paraît essentiel, et j'en oublie certainement.

Vous concevez la liberté comme individuelle, or l'individu n'existe que peu à cette époque, il est quasiment indissociable de la communauté dans laquelle il vit. Les communautés vivent, discutent, votent (y compris bien souvent les femmes), tranchent leur différents. Elles dépendent certes d'une autorité supérieure, mais arrivent avec le temps à faire mettre par écrit leurs obligations, à avoir un cadre juridique. Hors d'une communauté, l'individu n'est pas grand chose.

Nous sommes à l'époque de l'individualité, du moi, je, alors qu'autrefois, c'était le nous.

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Message Publié : 17 Juin 2010 15:31 
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Pierre de L'Estoile
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Citer :
En ce qui concerne la montée en puissance de l'église vers le milieu du XIe siècle (je pense que vous faites allusion à la l'émancipation de la papauté et la réforme grégorienne) j'imagine que de nombreux facteurs en sont à la source : un islam conquérant contre lequel l'église doit rivaliser, la simonie et l'apparition d'hérésies qui la décrédibilisent, l'influence clunisienne, la place des grands laïcs trop importante etc. j'en oublie sûrement bon nombre et notamment, je pense, celles auxquelles vous pensez...


Le bouquin de Gouguenheim "la réforme grégorienne" offre une approche assez synthétisé de la réforme grégorienne. Je lui adjoindrai Gauchet dans un registre plus philosophique et sur la très longue durée.

Pourriez vous préciser vos hypothèses pour que nous puissions les discuter. Même si rapidement pour l'Islam je ne vois pas de rapport avec la réforme grégorienne. A la base il y a un désir du (très haut) clergé de prendre ou reprendre son autonomie vis à vis du pouvoir temporel car il considère que le message évangélique s'est perdu. Je fais très très rapide.

Citer :
la notion de liberté et donc le sentiment d'injustice face à l'oppression arbitraire
Quelle est la notion de liberté au Moyen Âge selon vous ? Mais je vous rassure, l'éclosion du droit moderne au Moyen Âge répond d'une façon nouvelle au désir de justice qui n'est pas absent des époques précédentes. Il me semble un peu hardi de parler d'arbitraire sans le qualifier précisément dans le monde médiéval. Ce droit médiéval reflète par sa complexité le désir d'organiser bien des aspects de la vie de la société médiévale et fait surgir un désir de justice en chaque chose.
C'est pourquoi je suis assez circonspect quand vous parlez d'oppression arbitraire.

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Message Publié : 17 Juin 2010 15:45 
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En fait, il s'agit là d'une vision très IIIème République du Moyen-Age.

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Message Publié : 17 Juin 2010 15:50 
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Pierre de L'Estoile
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Vous parlez de mon message Jean-Marc ?

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Message Publié : 17 Juin 2010 15:56 
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Jean-Pierre Vernant
Jean-Pierre Vernant

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Il me semble que c'est plutôt adressé à Yongle, non ?


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Message Publié : 17 Juin 2010 16:30 
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Inscription : 27 Avr 2004 17:38
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Localisation : Région Parisienne
Isidore a écrit :
Vous parlez de mon message Jean-Marc ?


Bien sûr que non, allons.

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Message Publié : 17 Juin 2010 19:14 
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Pierre de L'Estoile
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Inscription : 09 Juin 2010 14:22
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Bonsoir à tous,
tout d'abord, je tiens à rappeler que mes propos ne tiennent que de l'hypothèse, mais pour le plaisir de l'échange je vais donc maintenir ma position :
en ce qui concerne l'implantation de l'islam en Europe, qui certes dure depuis plus de deux siècles, je ne crois pas qu'il soit fondamentalement anachronique de se « focaliser sur l'Islam ». En effet, si l'on se recadre dans la mentalité pontificale de l'époque, il semble que ce soit un euphémisme léger de dire que « le fléau mauresque » soit plus qu'une épine dans le pied de la Chrétienté. Après, de là intervenir directement dans la réforme grégorienne, je vous l'accorde, rien n'est moins sûr... Pour ce qui est du travail de Gouguenheim sur le monde arabe médiéval voici quelques avis critiques, certes relativement loin de notre sujet qui nous préoccupe ce soir, mais intéressant tout de même : http://www.canal-u.tv/themes/sciences_h ... ue_grecque
j'en viens donc à la question de l'arbitraire médiévale et plus généralement juridique ; pour cela je prendrai appuie sur un article de Gabriel Monod paru dans la revue historique (non, je déconne). Je m'appuie sur un article de Yan Thomas paru dans la revue française d'anthropologie en juillet 2005 et intitulé Les artifices de la vérité en droit commun médiéval. Je rappelle simplement que l'auteur a été directeur de recherche à l EHESS ; pardonnez du peu. En voici un bref résumé :
«
La fiction juridique se distingue de toutes les autres fictions (littéraire, philosophique, cinématographique, etc.) en ce que son énoncé comporte toujours et nécessairement la mention qu'elle suppose non pas le vrai, mais le faux. Cette explicitation de ce que le faux est pris comme vrai est un trait essentiel de la culture juridique européenne, dans ses strates antique et médiévale. Une telle technique manifeste assez clairement que le droit, loin de se référer au monde réel, produit un autre monde, un monde faux selon la nature mais vrai selon le droit, qui se désigne lui-même comme artefact.

La critique néoconservatrice du droit, aujourd'hui, manifeste son ignorance de cette manière traditionnelle de faire. Manière traditionnelle décrite ici à travers les opérations des juristes du Moyen Âge, glossateurs du corpus du droit romain (Digeste, Institutes et Code de Justinien) et du corpus du droit canonique classique (Décret de Gratien, Décretales de Grégoire IX et Sexte de Boniface VIII). »
Cet article vous permettra peut-être de mieux concevoir l'arbitraire médiéval dont, semble-t-il, vous faites un déni. Alors, un historien du XXe siècle n'a aucun mal à le voir mais un serf XIIe siècle ? C'est un pas, que vous vous en doutez, je ne franchirai pas.
Cependant, je maintiens qu'il n'est pas absurde de réfléchir sur le fait que s'ils ne l'ont pas admis et exprimé en tant que tel, peut-être que leur proximité avec la nature leur a fait au moins sentir ce «monde faux selon la nature mais vrai selon le droit ».
PS : le lien incorporé plus haut n'intervient pas dans mon argumentation car hors sujet, mais je le répète fort intéressant.
Bien à vous

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