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nature du concept et passe à l'inacceptable, la suppression des hommes qu'il décrète inférieurs, ce qui n'avait jamais été envisagé par personne et révèle sa nature criminelle
Cher alain, on ne peut pas dire que cela n'ait jamais été envisagé par personne: relisez les citations de FN que j'ai données en début de fil sur l'élimination des faibles et des "biologiquement ratés" , elles sont sans ambiguité: FN écrit explicitement que se débarrasser de ces catégories est hautement souhaitable.
En voici une autre allant dans le même sens: "la vie ne reconnaît pas de solidarité, pas de droits égaux entre parties saines et parties dégénérées d'un organisme, on doit couper ces dernières, ou l'ensemble périra".
Recommandation expéditive que l'on ne trouve ni chez Gobineau, hostile à toute politique de sélection et d'eugénisme raciste, ni chez Darwin, pour les auteurs que vous citez que je connais.
Est-ce que la "cote" de FN auprès des nazis ne viendrait pas du fait qu'il serait le seul à préconiser de telles pratiques d'élimination des "socialement inutiles" et à légitimer l'usage de méthodes très brutales pour réaliser cet objectif?
Et plus généralement, ne viendrait-elle pas du fait qu'il est, à ma connaissance, le seul penseur
majeur, à non seulement légitimer mais à glorifier et à "glamouriser" la violence, posée chez lui comme bonne pourvu qu'elle soit exercée par les individus appartenant à la race des maîtres (race étant pris dans un sens non strictement ethnique chez lui) et pourvu qu'elle soit mise au service d'entreprises qualifiées par le philosophe de nobles , supérieures , culturelles, spirituelles, créatrices etc.
Chez Nietzsche, les principes qui ont été les plus dévastateurs aux mains des nazis sont, selon moi, d'une part le rejet de l'éthique commune d'inspiration chrétienne et le rejet de la notion d'égalité des droits entre individus et d'autre part la supériorité attribuée à certains individus
du fait même qu'il rejettent ces normes d'éthique communes et créent leurs propres règles et leurs propres valeurs (ce qui préfigure le culte du chef dans le nazisme et le fascisme).
Certes, il n'y a chez FN aucune apologie de la force en soi; le pouvoir de l'homme supérieur est toujours décrit comme une force sublimée, qui intègre l'élément primitif en le transcendant, opération qui reflète le schéma nietzschéen de la sublimation du dyonisiaque par l'apollinien.
Et donc, ce qui constitue essentiellement un individu comme supérieur chez lui, ce n'est pas sa force physique mais son mental: sa volonté de puissance, sa capacité de s'affranchir de toutes les contraintes, de repousser les limites, tant les limites extérieures que les siennes propres, le mouvement qui l'entraîne dans un dépassement de soi permanent--toujours plus haut, toujours plus loin--et sa démarche fondamentalement créatrice.
D'où la distinction nietzschéenne entre la force matérielle, la violence (Kraft et Gewalt) et pouvoir sublimé et créateur (Macht). Certes, cette distinction est faite mais ces individus qui s'élèvent au-dessus des hommes ordinaires parce qu'ils sont "plus complets" sont aussi "des bêtes plus complètes" rappelle FN. Si l'on comprend bien: leurs instincts primitifs sont aussi plus intenses que chez l'homme ordinaire.
Et surtout ces qualifications permettant de reconnaître l'homme supérieur sont extrêmement vagues--il est noble, spirituel, sublimé, autonome, créateur etc. Ce ne sont pas des critères précis mais des jugements de valeur: finalement, il est supérieur parce qu'il est supérieur. Du fait du caractère subjectif de ces critères, la désignation d'un individu comme supérieur se fait selon une logique circulaire/tautologique et essentiellement sur la base d'une affirmation de la part de Nietzsche.
Il y a quand même à ses yeux une preuve concrète de la supériorité: elle se révèle par le combat, qui est l'épreuve de vérité, le test par excellence car c'est la guerre qui fait sortir du lot l'individu supérieur et qui crée l'aristocratie. Et dans ce combat, la violence n'est plus nécessairement sublimée, elle est, si besoin est, physique.
Bien sûr, ce n'est pas le recours à la violence en soi qui pose l'individu comme appartenant à la race des maîtres, c'est sa volonté de puissance, mais l'exercice concret de la volonté de puissance passant nécessairement par l'usage de la violence, la nuance est largemement symbolique, et en pratique ça revient au même. Logique circulaire de nouveau, si un individu démontre sa valeur spirituelle, morale etc parce qu'il gagne dans un affrontement, il s'ensuit que le fait de gagner, au besoin par la violence, sera le signe reconnaissable de la (plus grande) valeur morale. D'où auto-proclamation de supériorité inévitable par le vainqueur qui ouvre évidemment la porte à toutes les dérives: n'importe quelle brute ou tyran mégalomaniaque réussissant à imposer sa loi par des moyens violents peut s'autoproclamer représentant de la race des maîtres et poser dans la foulée que les buts qu'ils poursuit sont supérieurs, nobles , etc--personne n'osera lui dire le contraire.
On peut dire avec vous alain, que FN n'aurait pas pu, du fait du style indélébilement plébéien d'AH, voir en lui un représentant de cette élite naturelle, mais il n'était plus là pour le dire; de fait, en posant grosso modo l'équation victoire = supériorité morale et supériorité morale = légitimité à utiliser la violence et à rejeter toutes les contraintes éthiques, il a mis entre les mains des nazis (et de tous les aspirants postérieurs à la tyrannie) une arme de destruction idéologique massive, leur fournissant des rationalisations propres à justifier toutes les atrocités.
C'est ce cocktail qui est potentiellement dangereux parce que les qualifications qui précisent ce qui fait le surhomme étant de purs jugements de valeur, et les restrictions introduites par Nietzsche étant concrètement inapplicables, en pratique, c'est celui qui a gagné qui décide--de qui est moralement supérieur, comme de qui est juif
.
Le nombre de brutes ou d'imbéciles qui peuvent tirer de Nietzsche la notion que transgresser les normes de la morale commune et se conduire en "barbares" est glorieux et fait d'eux des surhommes est potentiellement illimité; de ce point de vue, on peut voir FN , par l'intermédiaire de certains philosophes français nietzschéens récents (vous voyez à qui je pense) comme à l'origine du n'importe quoi transgressif qui a sévi il y a une trentaine d'années.
C'est ce qui fait de FN, selon moi et beaucoup d'autres, un philosophe "à ne pas mettre entre toutes les mains", car mortel s'il tombe entre les mains d'imbéciles, d'irresponsables ou de sociopathes, un peu comme un médicament toxique à certaines doses et pour certains individus qui serait vendu sans ordonnance et sans avertissement sur la boite.