peche a écrit :
Si Tacite parle d'un peuple concernant les Germains c'est qu'il a bien conscience d'avoir à faire à un peuple (malgré ses divisions).
Et invariablement je vous répéterais qu'il s'agit d'une transposition de sa perception de Romain face à une réalité multiforme qui lui échappe ; ils n'ont cessé de tracer des lignes, d'ériger des entités qui n'existaient pas dans les cadres qu'ils souhaitaient leur voir prendre. En y collant par dessus votre analyse de moderne c'est encore plus faux et sans l'aspect ignoble bien évidemment vous agissez de la même manière que les historiens nationalistes allemands... L'Antiquité est un univers qu'il convient d'analyser avec beaucoup de pincette. Par commodité j'ai ici déposé une traduction du latin. Or cette langue a des mots biens précis pour définir des notions. Ils sont déjà galvaudés par rapport à la réalité du terrain alors si vous interprétez cela à travers une nouvelle langue sans essayer de comprendre profondément ce que l'auteur avait dans la tête vous ne faites que sur-interpréter.
peche a écrit :
Quand César cherche à établir une frontière il veut que ce soit le Rhin. S'il la pose là c'est qu'il veut soumettre la Gaule, pas se frotter aux Germains.
Il ne veut pas se frotter aux Germains? C'est étrange c'est à cause d'un peuple germanique qu'il intervient en Gaule... peuple qui est déjà depuis quelque temps installé de l'autre coté du Rhin. Je le répète également quid des Belges? De "purs" Germains ou de "purs" Celtes ou alors un mélange des deux? A tient dans le dernier cas les Germains se sont mélangés...
peche a écrit :
Tacite ne peut vous dire que ce qu'il sait, pas ce qu'il ne sait pas
. De plus il est vrai qu'à cette époque les germains étaient peu avancés technologiquement par rapport aux Romains... ce que fait Tacite là, Kant le fera aussi... déterminer un caractère ethnique par le milieu qui l'abrite n'est pas idiot non plus.
C'est très pertinent ; d'ailleurs s'il fait chaud je me sent plus malin.
Cet axe de compréhension des Autres procède d'une conception du monde où Rome est le centre vertueux du monde, le meilleur équilibre entre ardeur guerrière, intelligence, modération... Est-ce une transposition de la réalité? Non, c'est une projection culturelle fruit du succès de Rome et qui est analysé comme le résultat d'une prédisposition particulière de cette cité à la domination du monde. Il y a là derrière tout un schéma de pensé bien au delà de simple critère techniques dont les Romains n'avaient pas grand chose à faire dans la construction de cette pensée ; elle est avant tout morale et a un aspect très important dans la question du concept de civilisation.
peche a écrit :
Ca pour le savoir il nous faudrait des témoignages de Germains de l'époque, or on n'en a pas ; et ce qu'on a nous parle bien d'un ensemble de tribus qui s'appellent germains.
Et s'ils avaient parlé de dragons ou de lutins vous croiriez dur comme fer qu'ils en avaient vu? Qu'ont véritablement les Germains en commun? Une langue? Elles se ressemblent certainement beaucoup mais de là à ce qu'ils puissent tous se comprendre il y a un monde. Une culture? C'est encore moins évident. Si on prend le sujet cetique on en arrive aujourd'hui à remettre en question les grands mouvements migratoires que l'on pensait voir auparavant. Pourtant on retrouve des langues celtiques de la Grande Bretagne jusqu'en Turquie au plus fort de la diffusion. Ce qui apparait probable c'est que la diffusion d'une culture à de loin dépassé les mouvements de populations. Cela signifie donc que des peuples sont devenus celtes après avoir été autre chose en schématisant. L'unité du groupe apparait moins évidente d'un coup... De toute façon ce que nous faisons là n'est encore que reprendre en substance la définition moderne de ce qu'est une nation. Qu'en pensaient les mentalités antiques et à plus forte raison celle des Germaines? Ils s'en foutaient comme de leur première paire de soquette. Leur politique interne dans chaque entité politique suit des intérêts locaux. Ils s'associent très souvent avec les Romains pour régler leur compte à d'autres Germains. Les Francs vont rester très longtemps associés à l'autorité romaine et ce même quand celle-ci devient très défaillante au Ve siècle. Qu'est-ce qui les retient alors et pourquoi étripent-il leurs "frères" germains alors qu'ils pourraient s'associer à eux? Où est donc passé leur conscience d'appartenance à un tout? De la même façon que sont ces Juthunges dont Ammien Marcellin nous dit qu'ils sont une branche de la ligue des Alamans et qui suivent tantôt leur propre voie et parfois suivent le mouvement? D'ailleurs au sein même des tribus on retrouve des aristocrates pro-romains et d'autres qui s'opposent à eux. Les Germains ne vont pas non plus cesser d'entrer dans l'armée romaine et combattre encore leurs fameux frères... Que font-ils pour se sentir unis? Les Gaulois au moins avaient les druides qui se réunissaient à l'échelle de la Gaule... Et encore parler de peuple gaulois à partir de cette seule manifestation est parfaitement inexact.
Jefferson a écrit :
On est là dans l'histoire des représentations - c'est sans doute intéressant de savoir comment les Allemands du XIXème siècle voyaient les Germains ; savoir ce qu'étaient vraiment les Germains n'apportera pas grand chose, je pense.
Ils les idéalisaient pour certains, un peu comme en France avec nos glorieux ancêtres les Gaulois, si vaillant à lutter contre l'envahisseur. Pour d'autres ils n'étaient que des barbares et ils ne déploraient que l'échec de la conquête par les Romains.
peche a écrit :
Certes, mais vous notez bien le germanique à la fin du nom.
Notez aussi que ce vocable est tardif et n'apparait qu'au XVe siècle ; jusque là on parlait de Saint Empire Romain...
Citer :
Bien sûr, un historien ne doit accorder qu'une valeur historique très réduite à cette réinvention du passé surdéterminée par des enjeux politiques, et elle ne relève que de l'histoire des représentations.
Vous avez raison de souligner que nombre de penseurs allemands du XIXème insistent sur l'homogénéité du peuple allemand et le fait qu'il n'ait pas subi de métissages, mais c'est une erreur de prendre cette assertion au pied de la lettre, et un anachronisme de supposer sur la base d'interprétations fantaisistes que (si j'ai bien compris) les Germains du temps de César avaient déjà d'eux mêmes la représentation d'une race pure.
Complétement ; je regrette un peu d'avoir donné ces citations qui, je le vois continue à donner les mêmes interprétations que par le passé...
Citer :
Enfin, la discussion de la réinvention du passé allemand dans ce sens pangermaniste et d'unité raciale par les intellectuels du XIXè siècle est tout à fait à sa place sur ce fil; par contre discuter de ce qu'étaient vraiment les Germains au temps d' Arminius n'a rien à y faire. Si ça vous intéresse, peche, ouvrez un fil ad hoc svp.
Désolé d'avoir entretenu la digression mais je ne pouvais pas décemment laisser penser qu'il existait une quelconque unité au sein de l'ancienne Germanie de Tacite.