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Message Publié : 21 Avr 2011 11:56 
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Jean Mabillon
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C'est la raison pour laquelle je pense que le "replie" de l'Allemagne autour de son territoire et des territoires de langue allemande dans un esprit de fort nationalisme et même de pangermanisme chez certains a participé à cette définition raciale biologique centrée sur la "race allemande".


Je ne sais si l'on peut valider concrètement cette hypothèse, mais je la trouve intéressante.
En outre du morcellement politique extrême, l'absence d'empire colonial allemand peut avoir joué un rôle dans cette obsession du sang et de la race définis biologiquement: contrairement aux autres grands peuples d'Europe (Français, Anglais, Russes) les allemands ne sont pas confrontés à des altérités exotiques qui leur permettraient de définir clairement leur identité en s'opposant à elles.
Le seul "autre" auquel les Allemands soient confrontés n'est pas un autre externe mais interne: les juifs.
Ce qui différencie l'antisémitisme moderne, on l'a souligné, c'est le recours à un argumentaire scientifique (biologique) pour justifier une infériorité qui devient de ce fait, et contrairement à l'antijudaisme, irrémédiable.
Comme telle, et suivant un schéma typique des pensées conservatrices modernes, une différence culturelle (essentiellement la religion) est naturalisée (la race). Le fossé devient ainsi infranchissable.
Or ce besoin de rendre le fossé entre allemands et juifs infranchissable par l'inscription biologique apparait à peu près au moment où les juifs, politiquement émancipés, sont désormais en mesure de le franchir: gratifiés à peu près des mêmes droits que les autres citoyens, ils commencent à se fondre dans leurs sociétés d'accueil, se convertissent, s'enrichissent, pénétrent dans toutes les couches de la société , y compris la noblesse et les cours princières (la figure du "juif de cour" ,banquier du prince, dont le fameux juif Süss est le plus célèbre représentant).
Pendant longtemps, les chrétiens ont exigé des juifs qu'ils se convertissent, c'est à dire qu'ils abandonnent leur singularité culturelle et deviennent des chrétiens comme eux.
Quand de nombreux juifs sont enfin libres de le faire, et tentent sincèrement de s'assimiler, on leur referme au nez la porte qu'on leur intimait auparavant de franchir. La célébration de la race allemande au sens étroitement biologique est une tentative de verrouiller cette fermeture et d'assurer l'étanchéité de la société allemande à la pénétration juive en posant que, vu les conditions biologiques exigeantes désormais requises pour être un vrai allemand, les juifs ne pourront jamais être que des faux.
Il y a cette phrase de Goebbels qui évoque assez bien ce que j'essaie de décrire: "Un juif qui parle allemand, il ment".
Je me posais aussi la question du respect confinant à la vénération des allemands pour la science (et pour l'autorité sous sa forme scientifique) qui a pu jouer un rôle dans cette dimension biologique plus marquée.


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Message Publié : 21 Avr 2011 12:09 
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Eginhard
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Je suis loin de maitriser le sujet autant que la plupart d'entre vous, mais ne pensez-vous pas que cette spécificité de l'Allemagne puisse être fort simplement expliquée par la rencontre entre la situation de l'Allemagne au XIXème siècle et les thèories raciales qui fleurissaient dans toute l'Europe.

Il suffit de relire Fichte, Von Herder ou même Hegel pour saisir l'importance en Allemagne (dès le début du XIXème siècle) du "Volk", de "l'esprit du peuple", du sang. Von Herder parle du peuple allemand comme une "force organique" - la rencontre entre ce terreau intellectuel, nationalisme puis pangermanisme, et les théories raciales suffirait sans doute à expliquer les spécificités de ce "culte de la race" que Tonnerre évoque dans le post d'origine.

Mais peut-être mes connaissances sur le sujet sont-elles trop embryonnaires.

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Message Publié : 21 Avr 2011 12:48 
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Jean-Pierre Vernant
Jean-Pierre Vernant
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Il y a très certainement de cela Jefferson je pense aussi.

J'aimerais vraiment également pouvoir "quantifier" l'impact de l'Histoire dans cette définition de la germanité à travers des recours, comme en France, aux grands "héros historiques de la nation", Arminius en tête trônant au dessus de la forêt de Teutberg. Mais justement, là aussi, c'est un phénomène connu en France via l'exemple phare de Lavisse sans que cela débouche sur une expression scientifique de la race française distincte des Autres. Mais quelle place a pu avoir les textes de Tacite, ceux concernant les "Grandes Invasions" par exemple sur les mentalités des élites de l'époque dans un contexte où l'enseignement de l'Histoire reste assez fondamental? Quel impact également les récits des conquêtes des empereurs du Saint Empire et des chevaliers teutonique sur la "destiné" des Allemands à soumettre les Slaves et à s'étendre vers l'Est?

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Scribant reliqua potiores, aetate doctrinisque florentes. quos id, si libuerit, adgressuros, procudere linguas ad maiores moneo stilos. Amm. XXXI, 16, 9.


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Message Publié : 21 Avr 2011 13:01 
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Jean Mabillon
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Il suffit de relire Fichte, Von Herder ou même Hegel pour saisir l'importance en Allemagne (dès le début du XIXème siècle) du "Volk", de "l'esprit du peuple", du sang. Von Herder parle du peuple allemand comme une "force organique" - la rencontre entre ce terreau intellectuel, nationalisme puis pangermanisme, et les théories raciales suffirait sans doute à expliquer les spécificités de ce "culte de la race" que Tonnerre évoque dans le post d'origine.


On a beaucoup parlé du mouvement völkisch sur ce forum, et c'est une des spécificités allemandes, mais cela n'explique pas l'accent sur le biologique.
L' "esprit du peuple" , comme le concept de Nation, peut très bien ne renvoyer qu'à un contenu essentiellement culturel d'une part, comme chez d'autres nationalismes, et d'autre part, le fait que vous rappeliez l'existence d'une dimension organique de l'esprit du peuple chez Herder est une constatation, mais ce n'est pas une explication.
Ni le nationalisme ni le pangermanisme -ou tout autre pan...isme--ne sont intrinsèquement et nécessairement liés avec le racisme au sens moderne du terme. Car ils existent indépendamment de toute référence raciste chez de nombreux peuples.
De plus, l'essor du pangermanisme est communément daté de 1890.


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Message Publié : 21 Avr 2011 14:35 
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Eginhard
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Le sujet étant "le culte de la race au XIXeme siècle en Allemagne", je pensais que Fichte et Herder pouvaient expliquer cette spécificité de la pensée raciste en Allemagne pour le siècle qui a suivit leur écrits. Ce sont des hommes du XVIIIeme siècle, après tout.

Avant eux, ou avant Napoleon, l'Allemagne n'est pas un peuple. C'est une poussière d'Etats qui manque de ciment. Après eux, l'idée de "peuple allemand" est née. Loin de moi la prétention de dire que tout s'explique par cette voie, mais c'est par là que je commencerais mon enquête.

C'est une affaire effroyablement complexe, de toute façon.

Et oui, bien sûr, le pangermanisme devient doctrine après l'unification, mais on peut considérer, je pense, Fichte comme un penseur pangermaniste.

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Message Publié : 21 Avr 2011 15:03 
Excusez-moi de revenir dessus, mais la citation de Pédro montre bien que ce culte ne date pas du XIX° s., puisque dès l'antiquité on en trouve des traces...


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Message Publié : 21 Avr 2011 15:52 
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Jean-Pierre Vernant
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Attention cela dit peche ; ce qu'écrit Tacite n'est qu'une projection de la mentalité romaine qui regarde le monde germanique comme un état de nature primordial non perverti par les travers de la civilisation (mollesse, corruption des meours...). Ce n'est en plus qu'un idéal philosophique qui n'engage pas beaucoup de Romains dans sa conceptualisation ; le commun se fait une idée imprécise du barbaricum et ce qu'ils savent en général c'est que les Germains sont de rudes guerriers hystériques et bas de plafond (en substance). Cette vision n'est donc pas transposable à la mentalité germanique qui ignore largement une quelconque unité de l'espace germanique. On le remarque très bien dans la volonté d'Arminius (citoyen romain d'origine germanique) d'unifier la Germanie sous sa propre autorité ; les quelques bribes d'unité qu'il avait péniblement tissé volèrent en éclat dès que l'ennemi commun, Rome, fut vaincu. De toute façon l'unité dans le monde Germanique (comprendre plutôt les début d'une centralisation politique) ne débutent qu'avec les grandes ligues guerrières qui apparaissent au IIIe siècle de notre ère et qui regroupent plusieurs tribus dans une association gérée par le don contre-don plus ou moins lâche. C'est à ce moment là qu'apparaissent ce que l'on appelle improprement donc des "peuples" ; les Francs, les Saxons ou les Alamans (littéralement "tous les hommes", vocable qui traduit bien d'ailleurs le fait que ce ne soit qu'un agrégat). Même à ce moment là le sentiment d'unité est totalement absent et il ne naitra dans sa forme moderne que véritablement lors de la guerre de libération contre Napoléon.
J'avais indiqué ces citations de Tacite (par ailleurs mal traduites) pour montrer que les textes anciens avaient pu inspirer en quelque sorte les penseurs racistes allemands et leur donner une justification historique à leur raisonnement de la race supérieure. C'est un chemin que Hitler à emprunté en lançant de grandes campagnes de fouilles archéologiques visant à apporter les preuves historique de l'antique race pure allemande, historiquement attachée à ce territoire.

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Message Publié : 21 Avr 2011 16:02 
Je me permets de reproduire votre citation joliment bleutée
Tacite a écrit :
[2] II. Quant à la population, je suis porté à la croire indigène et moins mélangée qu'ailleurs par l'établissement ou le passage de races étrangères.

[4] IV. Du reste je me range à l'avis de ceux qui pensent que le sang des Germains ne fut jamais altéré par des mariages étrangers, que c'est une race pure, sans mélange, et qui ne ressemble qu'à elle-même. De là cet air de famille qu'on remarque dans cette immense multitude d'hommes : des yeux bleus et farouches ; des cheveux roux ; des corps d'une haute stature et vigoureux pour un premier effort, mais peu capables de travail et de fatigues, et, par un double effet du sol et du climat, résistant aussi mal à la soif et à la chaleur qu'ils supportent facilement le froid et la faim.

C'est pourtant claire comme de l'eau de roche! Je sais bien que les tribus ne sont pas unies, mais comme vous le dîtes ce sera le mérite d'Arminius. D'autre part, oui ils sont divisés en tribus, et elles se font souvent la guerre d'ailleurs, mais c'est bien un même peuple. L'unité durera peu sous Arminius, et elle ne fut réalisé plus tard qu'avec les Reich successifs, mais malgré la désunion le peuple est toujours là.
Etant donné ce que dit Tacite, pas étonnant qu'il ait été repris par les théoriciens nazis, mais ça ne veut pas dire que ce que dit Tacite est faux.


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Message Publié : 21 Avr 2011 16:22 
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Jean-Pierre Vernant
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Heu... comment dire... Vous pensez que Tacite est généticien? Qu'il a mené une étude sur l'ADN pour voir si les Germains se sont ou non mélangés? Il n'en sait strictement rien tout simplement parce que les Romains ne les ont découvert qu'avec la guerre des Gaules de César à peine un siècle auparavant. De plus ce n'est pas vraiment leur lieu préféré de villégiature et ce qui est véhiculé dans la Germanie n'est pas nécessairement la transposition littérale de la vérité. De plus les Romains ont un tendance naturelle à coller des stéréotypes à tous les peuples qu'ils rencontraient. Les Grecs par exemple ne sont pour eux que des calculateurs fourbes et efféminés.
Le "peuple" que vous pensez voir n'a comme unité que ce que les Romains souhaitent lui attribuer. Où se trouve la frontière en l'espace celte et l'espace germanique? César lui même avoue que le cas des Belges, arrivés en Gaule seulement au IIIe siècle est ambigüe. de l'autre coté, aux marges orientales bien malin sera qui pourra clairement me dire qui est Slave et qui est Germanique. Les langues me direz vous. je vous répondrais que c'est un vecteur culturel transmissible. Un "peuple" au sens où nous l'entendons n'est que le fruit d'une Histoire et non l'expression de la substantifique moelle originaire de l'Antiquité... Le cas des Goths est encore plus significatif. On pense souvent qu'il s'agit d'un peuple germanique descendu de Scandinavie dès l'époque de Tacite. Or l'entité politique ne va cesser d'agréger des ethnies et des cultures sur son chemin récupérant au passage des éléments de la culture steppique d'où leur excellente cavalerie. Qu'ont-ils de commun avec les Goths du départ? Assez peu de choses finalement. On distingue d'ailleurs Germains occidentaux et orientaux. Ces Germains justement ne vont cesser de parcourir l'Europe à la suite des Grandes Migrations ; on va les retrouver en Espagne (Wisigoths et Suèves), en Italie (Ostrogoths et Lombards), en Gaule (Francs et Burgondes), en Afrique (Vandales) et vont presque tous disparaitre de l'Histoire. En Germanie, les Germains restant ne vont être réunis que sous l'autorité franque, elle même "diluée" dans le substrat de population celto-romain... Et ensuite? La construction de vaste et mouvant Empire romain germanique ne répondant pas vraiment à l'expression d'un sentiment d'appartenance à un espace commun mais plus aux allégeances locales aux princes ou aux communes. Le "peuple" allemand ne trouve qu'un ferment d'union dans l'esprit nationaliste du XIXe siècle à une époque où le concept de nation est créée (auparavant cela n'existe pas) dans la lutte contre l'envahisseur français. Mais il n'y a rien dans la "germanité" qui puisse en faire un peuple avant cette époque. Ou alors les Roumains et les Français ne savent pas qu'ils sont un même peuple puisque leur langue est un dérivé du latin. ^^

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Message Publié : 21 Avr 2011 16:32 
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Salluste
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Certes mais les idées de hiérarchie entre les races et la permanence de ces idées sont des phénomènes du XIXème siècle. Les discours sur la race au XIXème siècle apparaissent d'abord en France avec Gobineau et en Angleterre avec H.Chamberlain et R. Knox. Le tour de l'Allemagne viendra au gré de l'embellie générale allemande des années 1860. Il ne faut pas plus de cinq décennies à l'Allemagne pour se constituer en une puissance majeure en 1914, détrônant la France dès la fin des années 1870 en matière industrielle. Puissance démographique (la première en Europe avec 68 millions d'habitants), industrielle (deuxième après l'Angleterre) et militaire (flotte et armée neuves), l'Allemagne peut s'enorgueillir de son succès. L'ennemi français a été battu, la suprématie anglaise est contestée, la "culture savante" connaît ses riches heures. Les conditions d'apparition de la Weltpolitik sont en place. Alors l'altérité est repensée. Toujours au contact de l'Autre, on cherche à s'en distinguer. C'est ce qui se produira dans la seconde moitié du XXème siècle avec la réaction des "exceptions culturelles" et des identités régionales face à l'homogénéisation culturelle. Si nous sommes les meilleurs, pensent-ils, notre nature, notre race doit en être la cause. Le prisme est trouvé à travers duquel les disparités générales mondiales vont pouvoir être pensées. Puisque prééminence allemande progressive il y a sur l'Europe, une raison tenant à la race des acteurs, la seule qui vaille, doit pouvoir l'expliquer. L'époque a foi en la science. Sûre de l'avenir, elle invente des néologismes. Le racisme a le vent en poupe. L'époque est aussi à la résignation. On ne change pas la race (Hannah Arendt soulignera plus tard les travers de cette immuabilité), i am what i am dirait-elle bon gré, mal gré, si quelque anglo-saxon s'avisait de la personnifier. Alors tant pis pour les autres, les races inférieures. Terrifiant constat: inférieures et engoncées dans les vêtements de leur médiocrité qu'elles auraient bien de peine à pouvoir enlever.

Le caractère systématique du racisme allemand - "biologique" pour reprendre vos termes, mais alors à quel autre type de racisme l'opposer ? Le racisme ne relève-t-il pas déjà par essence de la biologie ? - a pu en somme procéder du climat de sécurité retrouvée, de prospérité introuvable, acquise par la puissance allemande du second XIXème siècle. Une prospérité qu'elle partageait certes en Europe avec l'Angleterre mais il y a longtemps que cette puissance était dominante et les discours raciaux n'avaient pas encore été aussi massivement théorisés grâce à l'appui de la science.


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Message Publié : 21 Avr 2011 17:01 
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Jean Mabillon
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discours sur la race au XIXème siècle apparaissent d'abord en France avec Gobineau et en Angleterre avec H.Chamberlain et R. Knox. Le tour de l'Allemagne viendra au gré de l'embellie générale allemande des années 1860


Non, en Allemagne, ça commence avant (comme déjà dit plus haut): Arndt qui est déjà très clair sur la pureté de la race, la nocivité des métissages entre peuples etc est mort en 1860.
Et ça commence avant Gobineau, qui écrit son "Essai sur l'inégalité des races humaines" vers le milieu du XIXe siècle. En fait, Gobineau, germaniste et germanophile, a connu et a été influencé par les idées de Arndt et (peut être) Jahn, et les a poussées plus loin. Et son oeuvre a été en retour mieux et plus largement reçue en Allemagne qu'en France, par l'intermédiaire de son "disciple" allemand Ludwig Schemann.

Quant à ce que dites sur le racisme étant par définition biologique, oui en théorie et pour faire court mais veuillez relire ce que j'ai posté sur Renan plus haut et vous verrez que les choses sont plus compliquées en réalité.
La définition d'une "race"peut être essentiellement fondée sur des critères de nature culturelle; c'est le plus souvent le cas de l'antisémitisme en France au XIXe siècle.


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Message Publié : 21 Avr 2011 17:11 
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Eginhard
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Si je puis me permettre, Aponie, vous partez du principe que la supériorité prétendue de la race allemande est une conséquence de l'unification, puis des succès de l'Allemagne après 70. C'est du moins ainsi que je comprends votre derniére intervention.

Hors, il me semble que l'idée d'une race allemande, et du coup sa supériorité intrinsèque, précède l'unification. Et même, est l'un des facteurs qui l'a rendue possible.

L'idée d'une nation allemande (nation, au sens de peuple), est présente dés Fichte. Chez lui, chez Herder, chez Hegel, on sent déjà que ce peuple allemand vaut mieux que les autres. Les succès de l'Allemagne entre 1870 et 1914 "confirment" ces préjugés, mais ne les expliquent pas.

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Message Publié : 21 Avr 2011 18:18 
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Jean Mabillon
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Sur Ernst Moritz Arndt, la notice wiki en Français est très succinte et n'apprend rien que de très général.
La notice en anglais http://en.wikipedia.org/wiki/Ernst_Moritz_Arndt
est nettement plus longue et plus précise, j'en résume ci dessous les éléments les plus frappants:

EMA (1769-1860) est né sur l'île de Rügen, en Poméranie suédoise. Son père était un riche fermier et serf émancipé par le seigneur local, le comte de Putbus, au service duquel il resta et s'enrichit ensuite.
EMA fit des études d'histoire, de linguistique et de théologie et fut l'élève de Fichte à l'université d'Iena. Initialement séduit par les idées de la Révolution, la Terreur l'en éloigne, et ses sentiments envers la France se transforment en haine virulente suite à l'invasion napoléonienne. Il commence alors à écrire contre l'agression française des poèmes enflammés qui deviendront des hymnes populaires classiques du nationalisme allemand. L'agitation antinapoléonienneà laquelle il participe le contraint à chercher refuge en Suède pour éviter la répression des autorités françaises.
Il devient ensuite professeur d'université (histoire) mais ses propos anti-gouvernementaux déplaisent aux autorités prusiennes et il est démis de ses fonctions. Il est réinstallé en 1841 et devient recteur.

Ses idées:
il est contre le servage, contre lequel il mène une campagne vigoureuse qui sera d'après cette notice à l'origine de l'abolition de cette institution par le roi Gustav IV de Suède.
Il est extrêmement xénophobe, il déteste les Anglais, les Polonais, les Français. Et bien sûr les juifs.
Curieusement, il assimile les Français aux juifs, à cause de leur "avarice" et le fait qu'ils se soutiennent entre eux. Il appelle les Français "Das Judenvolk" ou "verfeinerte schlechte Juden " (quelque chose comme "de mauvais juifs raffinés") (dans son livre "Noch ein Wort über die Fransozen"). Il appelle ses compatriotes à hair les Français "infamants et destructeurs de notre pouvoir et de notre virginité". Il les caractérise aussi comme féminisés, dépravés, affaiblis par leurs vices.
La virginité allemande violée par les Français, la formule interpelle...
Il affirme que l'Allemagne est une nation racialement homogène et que contrairement à la plupart des pays d'Europe, il n'y a pas eu de mélanges de races chez les Allemands: "les Allemands n'ont pas été abâtardis par des peuples étrangers, ils ne sont pas devenus des sang-mêlés, plus que d'autres peuples, ils sont restés dans leur état natif de pureté" ("Weltgeschichte im Aufriss").
L'Allemagne, contrairement à la France, est une nation vertueuse, sobre, énergique; il faut préserver les vertus germaniques de la corruption étrangère.
Il y a ici une piste intéressante: l'obsession de la pureté originelle, qui fait penser à la fameuse préoccupation typiquement allemande de l' "Ur".
Les Anglais, les Français, même opposés aux métissages, ne s'inquiètent pas , eux, du fait qu'ils souilleraient leur virginité et leur pureté, ils ne pensent pas leur éventuel racisme en ces termes.


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Message Publié : 21 Avr 2011 18:28 
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Salluste
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Tonnerre: Je n'approuve ni ne désapprouve pour Arndt dont la pensée m'est inconnue. Peut-être a-t-il été traduit. Mais accordons-nous: parlons-nous bien des œuvres pionnières sur les inégalités entre les races ?
Jefferson: Non pas l'unification allemande mais la puissance qu'elle s'est forgée en quelques décennies.

J'y reviendrais certainement dès que possible, dans les prochaines semaines.


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Message Publié : 21 Avr 2011 18:34 
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Jean-Pierre Vernant
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Tonnerre a écrit :
Il affirme que l'Allemagne est une nation racialement homogène et que contrairement à la plupart des pays d'Europe, il n'y a pas eu de mélanges de races chez les Allemands: "les Allemands n'ont pas été abâtardis par des peuples étrangers, ils ne sont pas devenus des sang-mêlés, plus que d'autres peuples, ils sont restés dans leur état natif de pureté" ("Weltgeschichte im Aufriss").


A lire les propos d'Arndt on ne peut que repenser aux propos de Tacite... Si ce sont ceux-ci qui ont initié cette pensée j'avoue que l'on est bien loin de la pensée profonde de l'historien romain... Il tenait ces propos en plus avec une certaine condescendance pour un "peuple" qu'il n'estime être que le symbole de la brutalité de la barbarie.

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