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Message Publié : 19 Mars 2015 16:46 
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Hérodote
Hérodote

Inscription : 19 Mars 2015 16:32
Message(s) : 2
Bonjour à tous,

Volontaire dans le monde associatif, je réalise un documentaire sur le bénévolat et la solidarité en France.

Je viens sur ce forum pour trouver une personne qui souhaiterait participer au docu par son "expertise" sur une problématique précise: la solidarité au temps de la Révolution.

Il s'agit de maîtriser les questions d'ordre religieux ( la charité chrétienne) et le système des idées de la Révolution (raison, utilitarisme, Etat).

Je vous livre un exemple de réflexion et questionnaire qui pourra être à l'oeuvre pour cet interview (possibilité bien entendu dans discuter pour le reformuler) :

Le XVIIIème siècle est le siècle des Lumières. Ces gens de lettres, « intellectuels », développent des systèmes philosophiques pour moderniser le « monde des idées ». Théorie du contrat social, théorie du droit, les Lumières souhaitent que la rationalité et la connaissance, adossées à une morale laique, soient à la source d'un Etat légitime, fraternel et juste. Ils ont inspiré l'oeuvre des révolutionnaires de 1789.

Révolution de la raison, comment la Révolution française aborde-t-elle la problématique sociale, en particulier celle des pauvres et des nécessiteux ?

Dans ce procès de rationalisation, la « charité chrétienne » souffre de son ambiguité face à la figure du pauvre et de la condition misérable. On lui reproche son sentimentalisme. La pauvreté devient un phénomène social qu'il faut identifier, désigner, expliquer, intégrer enfin dans un système économique en passe d'assurer sa domination. Montesquieu écrivait « L'Etat doit à tous les citoyens une subsistance assurée, la nourriture, un vêtement convenable, et un genre de vie qui ne soit pas contraire à la santé.» Le Comité de Mendicité de 1789 propose en effet des mesures pour lutter contre la pauvreté et définir les bases de la future assistance publique.

La réquisition des biens (hopitaux) et des lieux charitables de l'Eglise, la dissolution des congrégations religieuses (décret aout 1792) , entraînent une incurie révolutionnaire pour les malades et les nécessiteux. Finalement, la Révolution de la raison est-elle bien raisonnable ?

Quelle est la différence entre la charité et l'assistance publique ? Est ce une annexion totale de sa nature, un emprunt partiel, ou une totale refondation ? Quelles sont les formes de lutte qui les opposent ?

Voltaire à écrit : « Le travail éloigne de nous les trois grands maux : l'ennui, le vice et le besoin ». On assiste donc à une valorisation du travail, notamment influencé par les théories utilitaires anglo-saxonnes (John Locke, Adam Smith) A l'image des Workship factory en Angleterre, le travail devient la rançon de l'assistance.

Pourquoi l'assistance publique est-elle autant conditionnée par le travail de chacun ?

La devise de la République française est « Liberté, égalité, fraternité ». Comment les institutions publiques procèdent-elles pour développer le principe de « fraternité ». Est ce un affect purement rationnel ? Est ce qu'il n'est pas nécessaire qu'il y est un « sentiment fraternel » , une sorte de mystique de la fraternité pour qu'elle vive en chacun des citoyens ?

Le XVIIIème siècle est aussi le siècle de l'individu, de la découverte de son initmité, de sa raison et de ses droits naturels. La Révolution est une révolte de l'individu contre les forces (féodalité, religion, …) qui contraignent l'exercice de sa liberté.

Comment les Révolutionnaires conjugent-ils fraternité et individualisme ?

En 1835, Alexis de Tocqueville présente un mémoire à la Société Académique de Cherbourg. Il y aborde les questions relatives au paupérisme. Il remarque d'abord la relation arithméritique entre la richesse d'une nation et le développement du paupérisme. Selon lui, «Plus la nation est riche, plus le nombre de ceux qui ont recours à la charité publique doit se multiplier.» cette situation est due à la multiplication des nouveaux besoins créés par une société en croissance, qui se raffine, qui se diversifie, le superflu prend le pas sur le nécessaire. « La terre suffisait pour ainsi dire à tous, l’aisance n’était nulle part; partout le vivre» Écrit-il à propos des sociétés pré-modernes. La multiplication des besoins fonde donc de nouvelles classes nécessiteuse qui ne peuvent plus accéder à ces nouveaux produits de « consommation ». Ils ont donc recours à la charité publique (à l'assistance) pour maintenir un niveau de vie selon les critères de décence institués par la société. Que vous inspire ces réflexions ?


À partir de cette situation Tocqueville envisage deux espèces de bienfaisance : «l’une qui porte chaque individu à soulager suivant ses moyens les maux qui se trouvent à sa portée» et « l’autre moins instinctive et souvent plus puissante qui pousse la société elle-même à s’occuper des malheurs de ses membres et à veiller systématiquement aux soulagement de leurs douleurs». Il marque ainsi la différence entre l'assistance publique et la responsabilité individuelle (peut etre influencée par la charité chrétienne). Aussi se presse-t-il d'ajouter «Toute mesure qui fonde la charité légale sur une base permanente et qui lui donne une forme administrative crée donc une classe oisive et paresseuse vivant aux dépens de la classe industrielle et travailleuse. C’est là sinon son résultat immédiat du moins sa conséquence inévitable ». Est ce que cette remarque est réaliste ? N'avons-nous pas ici en germe une suspicion envers les pauvres, qui renvoie encore aujourd'hui à la dénonciation de l'assistanat ?


Voila, si quelqu'un a des remarques à faire sur la pertinence de ce questionnaire, ou proposer de le réevaluer, si quelqu'un est intéressé pour l'interview, n'hésitez pas !

Bonne journée à tous.

Arno


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Message Publié : 24 Mars 2015 22:52 
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Pierre de L'Estoile
Pierre de L'Estoile

Inscription : 27 Déc 2013 0:09
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Citer :
Révolution de la raison, comment la Révolution française aborde-t-elle la problématique sociale, en particulier celle des pauvres et des nécessiteux ?
Je ne suis pas sûr que la Révolution ait été très révolutionnaire en la matière. Je pense qu'en matière sociale elle s'est contentée d'une rationalisation de l'administration des institutions sociales étatiques existant dans une conception de l'action publique répondant pour une large part à un souci d'ordre public.

Durant le moyen-âge, l'assistance publique aux indigents est essentiellement assurée par des institutions religieuses dans un but religieux. En assistant les nécessiteux, on pratique la charité par laquelle on travaille à son salut. On se préoccupe aussi du salut des nécessiteux : on soigne alors leurs âmes autant que leurs corps.

Au cours de la période moderne, la société se laïcise progressivement et, en parallèle à l'action de l'Eglise, l'administration royale construit des hôpitaux accueillant les indigents et toutes sortes de marginaux dans un double but, celui de leur assurer un minimum matériel et celui de maintenir l'ordre public. Le vagabondage devient un délit. L'assistance aux pauvres assurée par l'Etat ne se distingue pas toujours très bien de la répression du vagabondage. Cet état d'esprit perdurera jusqu'au vingtième siècle. Par ailleurs, la protection sociale s'exerce au sein des corporations. Les anciens militaires se voient accorder des droits à pension et peuvent être accueillis dans des hospices qui leurs sont dédiés comme l'hôtel des Invalides.

Citer :
La réquisition des biens (hopitaux) et des lieux charitables de l'Eglise, la dissolution des congrégations religieuses (décret aout 1792) , entraînent une incurie révolutionnaire pour les malades et les nécessiteux. Finalement, la Révolution de la raison est-elle bien raisonnable ?
Bonne question. La révolution a plutôt dégradé la situation des plus pauvres. En supprimant les corporations, elle a aussi accru la précarité des ouvriers. Les fonctionnaires s'en tirent beaucoup mieux.

Citer :
Comment les Révolutionnaires conjuguent-ils fraternité et individualisme ?
Je ne pense pas qu'ils aient beaucoup conjugué. Ils ont privilégié l'individualisme et les droits formels, mais, pour la solidarité, il faudra attendre 1936 et 1946. En attendant, on s'est reposé sur l'initiative privée et sur l'Eglise qui, après la révolution, a recouvré une partie de ses biens. Mais il faut aussi tenir compte de ce qu'on a qualifié de paternalisme dans les grandes entreprises, le patron pouvant fournir logement, dispensaires médicaux, écoles, magasins (économats) etc.

Citer :
À partir de cette situation Tocqueville envisage deux espèces de bienfaisance : «l’une qui porte chaque individu à soulager suivant ses moyens les maux qui se trouvent à sa portée» et « l’autre moins instinctive et souvent plus puissante qui pousse la société elle-même à s’occuper des malheurs de ses membres et à veiller systématiquement aux soulagement de leurs douleurs». Il marque ainsi la différence entre l'assistance publique et la responsabilité individuelle (peut etre influencée par la charité chrétienne).
C'est la description de deux types de société, l'une libérale reposant sur l'initiative individuelle, l'autre sur l'Etat chargé d'une redistribution de revenus moyennant impôts et cotisations obligatoires. Le premier est représenté par les Etats-Unis où l'Etat intervient peu mais où les individus se montrent assez généreux à travers toutes sortes de fondations à but social et le second par le modèle social français.


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Message Publié : 26 Mars 2015 16:39 
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Hérodote
Hérodote

Inscription : 19 Mars 2015 16:32
Message(s) : 2
Bonjour Grégoire,

je vois que nous sommes d'accord sur les principaux points de cette synthèse. Je te remercie pour ces remarques, elles me confortent dans les conclusions de ma recherche.

Bonne journée.


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Message Publié : 27 Mars 2015 8:14 
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Marc Bloch
Marc Bloch

Inscription : 10 Fév 2014 7:38
Message(s) : 4383
Localisation : Versailles
Jacques Godechot en parle dans son grand livre sur les institutions révolutionnaires. On peut estimer sommairement qu'il y a une évolution idéologique et politique.

Sur le plan idéologique, on passe de la charité, devoir moral d'aide aux malheureux qui ne sont pas responsables de leur état, à une conception d'ordre public : contraindre les pauvres à échapper à leur paresse congénitale pour les mettre au travail. Les "poor laws" anglaises sont l'exemple à suivre. Les congrégations charitables italiennes ou espagnoles le contre exemple. Par exemple Voltaire attribuait à la générosité des moines le grand nombre de mendiants à Naples.

Sur le plan politique, il faut couper l'Eglise des pauvres et d'une façon générale du service public pour la cantonner à la seule liturgie. Une façon de décatholiciser le pays sans attaquer de front la religion.

Je pense aussi que sur le plan administratif les institutions catholiques du XVIII e siècle français ne devaient pas être particulièrement efficaces.


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