tatsuya a écrit :
Le sujet me passionne. Pourquoi,le peuple aussi fervent à leur foi pouvait obésir à un humain de type supermain ? En ce moment,je lis "La folie"(Erasme) et la bible( bien que je n'ai aucune religion.) pour étudier le processus de fondation de pouvoir souverain(fondation de relation entre le tyran et le peuple,je veux dire.).
Vu le caractère monothéiste de christianisme,pour eux,Néron,et des autres tyrans ne sont que des humains orgueilleux,mécréants,qui profanent la majesté de leur Dieu unique.Ils auraient pu les chasser du trône...
A votre avis,la lecture de ces livres m'amménera à une bonne réponse ?
Il faut bien comprendre plusieurs choses :
Comme vous lisez la bible, quand vous arriverez à
Romain, 13, vous verrez que Saint Paul est catégorique : "Que toute personne soit soumise aux autorités supérieures ; car
il n’y a point d’autorité qui ne vienne de Dieu, et les autorités qui existent ont été instituées de Dieu.
C’est pourquoi celui qui s’oppose à l’autorité résiste à l’ordre que Dieu a établi, et ceux qui résistent attireront une condamnation sur eux-mêmes."
De même, dans 1 Co 7, 21-22, il dit : "
Que chacun demeure dans l’état où il était lorsqu’il a été appelé. As-tu été appelé étant esclave, ne t’en inquiète pas ; mais si tu peux devenir libre, profites-en plutôt. Car l’esclave qui a été appelé dans le Seigneur est un affranchi du Seigneur ; de même, l’homme libre qui a été appelé est un esclave de Christ."
Et enfin, il dit à peu près la même chose dans Col 3, 22-25.
(La version de la Bible ici employée est celle de wikisource, il peut y avoir des différences formelles avec celle que vous lisez actuellement).
Ainsi, comme vous pouvez le constater par vous même dans les passages que j'ai mis en gras, Paul dit bien que l'ordre terrestre est voulu par Dieu (dans le premier extrait), et qu'il ne faut pas renverser l'ordre établi (dans le deuxième extrait).
Cela a une influence fondamentale sur les hommes du moyen-âge et de l'époque moderne : dans l'occident chrétien, cela est le fondement de la légitimité royale (avec la lignée). Comme tout pouvoir vient de Dieu, celui du roi, du prince, du "magistrat" (terme générique employé au XVIe siècle pour parler de celui qui a la puissance politique) n'est pas discutable, ne peut être remis en cause. Et s'élever contre lui est un blasphème, un crime contre Dieu. Cela est renforcé encore par le fait que le roi peut-être sacré, c'est à dire oint par une huile sainte à la manière des rois vétérotestamentaires. Cela crée un lien encore plus fort entre Dieu et le roi.
Ainsi, le roi, avec tous ses pouvoirs, n'est
pas un tyran car Dieu ne peut avoir mis un tyran sur le trône. Et dans certains textes que j'ai lu, de la deuxième moitié du XVIe siècle, il est évident que même un roi tyrannique devrait être obéi : si un tyran a le pouvoir, c'est que Dieu l'a mis là, sans doute pour punir son peuple de son impiété. Je n'ai pas le texte sous les yeux, mais je me souviens même d'un passage où un auteur disait que l'on devrait obéir même à un roi protestant, juif ou musulman !
Alors évidemment, dans ce cadre là, comment, pour des protestants, s'élever contre le roi quand celui-ci interdit l'exercice du culte ? C'est dans ce cadre là que s'élèvent les premières voix, exploitant un autre passage de la bible, qui est actes 5, 29 : "Pierre et les apôtres répondirent: Il faut obéir à Dieu plutôt qu'aux hommes."
C'est dans ce cadre que l'idée de tyrannie refait surface : pour beaucoup de protestants de l'époque (idée reprise ensuite par des penseurs catholiques) est tyran celui qui tient le pouvoir de Dieu ET POURTANT l'utilise contre Lui. Ainsi, un roi favorisant l’idolâtrie, l'hérésie, l'antéchrist (c'est à dire le pape) utilise son pouvoir divin contre Dieu. Comme Dieu est le roi des rois, le prince est alors coupable de
crime de lèse majesté divine, et donc est un tyran.
Cependant, dans un premier temps, la sacralité du roi demeure : il semble improbable, en France tout du moins, d'attenter à la personne royale. Même Calvin dit dans plusieurs lettres qu'il ne faut pas s'élever contre le pouvoir, même tyrannique. Les efforts des protestants se concentreront sur le fait de convaincre de roi de changer d'avis, ou au moins de les laisser pratiquer en paix.
Cela change radicalement avec les massacres de la Saint-Barthélémy, et c'est alors que s'élèvent les premières voix tyrannicides, qui appellent au renversement ou même au meurtre du tyran.
Dans tout cela, JAMAIS l'origine divine du pouvoir n'est remise en cause. Sa mauvaise application, certes, mais jamais le fait que c'est Dieu qui désigne les dirigeants. Le SEUL à remettre cela en question est La Boétie. C'est en cela que tient son originalité et la force de ce texte quand on le lit aujourd'hui.