Pierma a écrit :
Si j'ai bien compris votre exposé, c'est moins le marxisme que le matérialisme dialectique, érigé en religion par Lénine, qui se veut une description scientifique totale de la réalité des sociétés.
On peut considérer, je pense, que la vision de Marx pouvait être inquiétante. (Clemenceau, avant-guerre : "Je suis un humaniste. Je n'aime pas les couvents et les casernes que vous nous préparez.") Le ver était dans le fruit.
Je ne sais pas qui a lancé le slogan "Lénine réveille toi, ils sont devenus fous !" (je pense que ce sont les Tchèques, en 68) mais en réalité c'est bien Lénine, si j'ai bien suivi, qui a enfoncé les clous du cercueil et verrouillé l'orthodoxie marxiste, avec cette confusion permanente entre la réalité et la théorie politique.
Je pense qu'il est difficile de dissocier le marxisme du matérialisme dialectique. Ce serait un peu comme les chiffres et les mathématiques ; sans le concept des chiffres, il sera dur de faire des maths ; en même temps, avec le seul concept des chiffres… vous êtes quand même plus que fortement orientés pour faire des mathématiques (à la limite, on pourrait me dire de la comptabilité mais en dehors de ça…). Mais, je suis entièrement d'accord : le ver est dans le fruit. J'en suis convaincu depuis des années en ce qui me concerne. Une idéologie qui est, ou se considère plutôt, une science, elle ne peut que conduire à l'absence de pluralité des idées puisque les autres seront scientifiquement fausses et donc, rationnellement, il n'y a pas vraiment d'intérêt à les défendre.
Pierma a écrit :
Pourtant il croyait à son utopie bienfaisante. (Mais c'est peut-être justement le problème : "qui veut faire l'ange fait la bête".) Dans son remarquable
"Jours tranquilles à Belleville", Thierry Jonquet raconte le long combat de son association pour obtenir la construction de toilettes publiques
gratuites (pour les clochards !) dans son quartier, et commente :" J'ai repensé au camarade Vladimir Illitch, qui disait qu'avec l'avènement du communisme l'or des banques servirait à décorer les murs des pissotières. Pauvre Lénine ! Nous étions là précisément à nous battre pour obtenir des... chiottes publiques, contre le monopole parisien de Decaux sur les toilettes payantes. On était bien loin de ses rêves dorés ! "
Je n'ai guère de doutes sur le fait que Marx croyait à son utopie et espérait vraiment le meilleur pour les plus pauvres. Pour Lénine, je m'interroge plus ; oui, il y a eu, au départ, un engagement pour aider les plus faibles, les ouvriers etc. mais la terreur, la violence font parties intégrantes de son programme et des modalités d'action qu'il prônen bien plus que chez Marx.
Pierma a écrit :
Pauvre Lénine, en effet. Quand on pense à la façon dont Staline a accaparé son héritage, commençant son OPA avant même la mort de Lénine, qui malade et paralysé a sans doute eu le temps de voir le "tsar rouge" qui se profilait, sans que lui-même, ni sa femme après lui, ne puisse s'y opposer.
Pauvre Lénine, sauf que c'est quand même la « pauvre victime » qui fournit à son assassin l'arme du crime. Si Staline a pu agir ainsi, c'est bien qu'avait été mis en place un chef unique à la tête d'un parti unique soutenu par une police politique. Et s'il ne pouvait plus s'opposer à Staline à la fin, c'est à cause de régime politique qu'il avait lui-même d'abord défini puis réalisé. Pour moi, on est quand même dans la situation de la personne qui établit les plans d'une bombe, en achète les matériaux, la fabrique puis la confie à un tiers. Alors, oui, c'est triste si cette personne se fait tuer par la bombe utilisée par ce tiers ; mais enfin, cette personne l'aura quand même un peu cherché, non ?