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Message Publié : 24 Août 2019 17:37 
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Darwin1859 a écrit :
Léonard59 a écrit :
aux débuts de très nombreuses civilisation comme l'ancienne Égypte, la civilisation minoenne, ... qui ont commencé par quelque chose qui ressemble beaucoup à une collectivisation des ressources et des moyens ... et qui a entrainé une explosion de créativité, de richesse, et une adhésion des membres des communautés


Ce que la civilisation Égyptienne nous a laissés comme témoignages de créativité et de richesse, les monuments, ne vient-il pas du système basé sur la corvée obligatoire? Peut-on dans ce cas le rapprocher de l'idéal de liberté et de bonheur recherché par Marx?


Le système économique égyptien est très collectiviste. Dans un premier temps, c'est Pharaon qui concentre les richesses, tout en garantissant, grâce à ses fonctionnaires, que chaque paysan retrouvera chaque année un champ à cultiver, et que ce champ devrait être de taille comparable à celui qu'il cultivait avant la dernière crue. Les années maigres, il distribue les réserves qu'il a dans ses magasins pour permettre à tout un chacun de survivre. Les années pleines, en accaparant les surplus, il garantit le bon fonctionnement du marché. C'est un fonctionnement collectiviste. Plus tard, ce sont les prêtres des différents cultes qui vont accaparer une partie de ses surplus aux dépends de la royauté, d'où la réaction d'Akhenaton et la contre-réaction qui a suivi son décès.

Je pourrais citer de nombreux autres exemples de collectivisation. Par exemple, si vous allez à Cluny, admirez les ensembles architecturaux de cette ville. A la base de cette richesse étalée là sous vos yeux, la collectivisation à l'époque médiévale du travail des terres données aux moines par divers nobles pour le salut de leurs âmes. Ces terres, cultivées de manière collective au bénéfice de la collectivité ont permit l'essor de l'ordre clunisien, mais aussi des terres sur lesquelles leurs monastères avaient des emprises.

La collectivisation a souvent de réels avantages, mais comme tous systèmes mis en place par les humains, elle a des imperfections, et l'un des plus grand est le dogmatisme. Si ces collectivisations sont régies par des pragmatiques, elles prospèrent et sont sources de richesse pour la plupart des membres de la collectivité. Remplacez le dirigeant pragmatique par un incompétent, ou pire par un dogmatique, et on obtient les aberrations vécues sous les régimes communistes. Quand on critique une chose, il faut éviter les démarches ... dogmatiques, et éviter les généralisations abusives. Je m'intéresse à la mise en place des systèmes hiérarchisés de gestions des sociétés humaines. Que ce soit au paléolithique, au néolithique, durant les divers âges des métaux, et par la suite. Dans certains cas, la mise en commun des ressources et des problèmes à travers une collectivisation a permit l'essor de bien des sociétés. Quand on étudie les systèmes sociaux mis en place, on voit de nombreuses traces de collectivisation.

La mise en place de la civilisation des Premiers Égyptiens, c'est bien une collectivisation de toute la vallée du Nil au bénéfice des premiers Pharaons, et par contrecoup, au bénéfices des habitants de son royaume. Toute la vallée se trouve régie par des règles identiques qui permettent d'assurer une équilibre des ressources, donc un équilibre démographique. Pour ce faire, très tôt se met en place une fonction publique qui va assister le pharaon a remplir son rôle et à garantir la Mâat, l'équilibre de l'ordre et la justice dans la Vallée. Mais, la gestion très particulière des crues du Nil demande à ce que toute la société travaille pour faire en sorte que le limon se dépose sur la plus grande surface possible. Cela contrevient les règles d'une société individualiste où chacun aura tendance à vouloir augmenter son bénéfice, donc a accaparer l'essentiel de la ressource. Or, la ressource : le limon apportée par la crue, est finie. Même si elle peut semble infinie au regard des besoins individuels. S'il n'y avait pas eu collectivisation de la ressource, je le rappelle : le limon, la civilisation égyptienne ne se serait jamais développée. Et celui qui gère la ressource via son administration, c'est le Pharaon.


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Message Publié : 24 Août 2019 19:05 
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Jerôme a écrit :
Fondamentalement toute collectivisation entraîne la disparition de la motivation personnelle (plus d'enrichissement personnel possible, plus de pression de la concurrence) pour travailler. Donc une moindre efficacité du travail. Moins de créativité . Au final moins de richesse et donc un mécontentement latent de la population qui doit subir pénuries et autres absurdités de la planification administrative.

Je voudrais ajouter quelque chose aux remarques que vous a faites Léonard59 sur la collectivisation :
Il y a en France, à cet instant même, une foule de salariés qui travaillent dans le cadre d'une collectivisation et font preuve d'une motivation admirable. Prenez par exemple le personnel hospitalier.

(Je me suis fait l'écho, ci-dessus, de l'étonnement de Liouba Trepper, militante communiste polonaise de la première heure, devant la qualité de l'accueil hospitalier et des soins gratuits reçus à Copenhague en 71 : pour elle, c'était la réalisation de l'idéal collectif du socialisme.)

La motivation ne provient pas uniquement, ou pas toujours, de la possibilité d'enrichissement personnel. (Ce serait à regarder domaine par domaine, mais il peut y avoir aussi la volonté d'accomplir sa mission, ou d'être reconnu, l'utilité de ce qu'on fait, et bien d'autres choses.)

Ce qui induit la question : pourquoi ça ne marchait pas dans les régimes communistes ? Je pense que la réponse tient à deux points :

- la collectivisation totale, et la gestion centralisée par une bureaucratie forcément dépassée : une société industrielle moderne est quelque chose de très complexe, avec un nombre infini d'interactions, et ce qui pouvait marcher pour la gestion de la production agricole dans l'Egypte antique (avec un rôle essentiel, déjà, de la bureaucratie) n'est plus possible dans un état moderne. Ce système fabriquait de la répétition routinière sans boucle de rétroaction pour faire évoluer les objectifs. Une machine à reproduire la sous-performance.

- la garantie d'un emploi pour chacun, et donc le sureffectif systématique. On se retrouvait partout dans une situation où le personnel pouvait se tourner les pouces la moitié du temps sans que cela choque personne, cela faisait partie de la culture du système, qui devenait ainsi une machine à démotiver. Même la hiérarchie, sauf abus flagrant, n'avait pas de motif légitime à "secouer les troupes".
(Et l'on sait que dans un tel système ce sont les bakchichs et les dessous de table qui servent de lubrifiant.)

Je dirais volontiers : le communisme ne fonctionnait pas, parce qu'il était parfait... sur le papier !

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Les raisonnables ont duré, les passionnés ont vécu. (Chamfort)


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Message Publié : 24 Août 2019 22:49 
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Soit, le collectivisme peut apporter de la richesse et du progrès, à partir de la volonté du ou des leaders. C'est ainsi que la Russie est passée en 40 ans de la charrue médiévale à l'ère spatiale.

Si l'on oppose au collectivisme un système basé sur l'initiative individuelle, la différence fondamentale est le caractère obligatoire et dirigiste du premier, contre le caractère de libre arbitre du second. C'est là que le bât blesse.

Pharaon ne demande pas leur avis aux paysans. On ne saura jamais si un autre système, davantage basé sur l'espoir de profits personnels pour les paysans, n'aurait pas permis à l'Egypte de se développer autant ou davantage. Par contre, ce qu'on sait, c'est qu'on ne peut probablement pas concilier la conquête des libertés individuelles, donc au final la démocratie, avec le dirigisme. C'est l'un ou l'autre. Or, depuis les Révolutions, il semble qu'il y ait un tropisme humain à trouver plus appréciable de diriger sa vie soi-même. Et cela n'a pas trop mal réussi aux économies non dirigistes.

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Message Publié : 24 Août 2019 23:08 
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Darwin1859 a écrit :
Or, depuis les Révolutions, il semble qu'il y ait un tropisme humain à trouver plus appréciable de diriger sa vie soi-même. Et cela n'a pas trop mal réussi aux économies non dirigistes.


Tropisme humain, carrément. Je crois qu'on est un peu trop structuré par la philosophie des Lumières et ses corollaires sur le terrain économique pour pouvoir juger de cela, d'autant que l'antiquisant que je suis peut attester du fait qu'on vit très bien dans le collectif durant au moins l'époque des cités (que je connais pas trop mal). Cela fait quelques paires de siècles où l'idée de "liberté" telle qu'on l'entend n'était guère à l'ordre du jour. On a un peu trop vite fait de mesurer l'Homme à l'aune de nos valeurs. c'est l'erreur globale des néo-conservateurs américain ou d'un Fukuyama.

Autre chose, le dirigisme n'est pas LE dirigisme, concept inaliénable et gravé dans le marbre. De même que la notion de liberté est polysémique. On ne peut pas identifier le dirigisme à la soviétique à l'organisation économique antique, rien que parce que l'une apparaît plus "naturelle" ou en tout cas moins forcée que l'autre. Le soviétisme est une idéologie de rupture qui se met en place à marche forcée en voulant faire table rase du passé (quitte à l'instrumentaliser quand ça arrange). Les Anciens ne fonctionnent pas comme cela ; ils sont dans le temps long, n'aiment guère le changement et celui-ci prend rarement l'apparence du bouleversement et quand cela arrive ce n'est pas toujours très apprécié.

En tout cas les questions de prospérité économique sont un débat brûlant qui divise encore énormément les économistes. Certains ont envie d'en faire une science dure avec ses règles intangibles... pour l'heure et au vu des crises qui structurent le capitalisme c'est difficile d'établir un modèle absolu.

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Scribant reliqua potiores, aetate doctrinisque florentes. quos id, si libuerit, adgressuros, procudere linguas ad maiores moneo stilos. Amm. XXXI, 16, 9.


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Message Publié : 25 Août 2019 6:46 
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Grégoire de Tours
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Bonjour,

Pédro a écrit :
on vit très bien dans le collectif durant au moins l'époque des cités

La définition s'élargit, la géographie et la période aussi. Léonard parlait de l'Egypte, vous nous proposez maintenant la Grèce (est-ce bien cela?). Les cités grecques aussi considérées comme collectivistes? Dans le "on" vit très bien, met-on également les esclaves?

Pourquoi pas si on ne connaît rien d'autre ou qu'on ne peut pas rêver d'autre condition. Dans le cas contraire, il est naturel que l'on nourrisse d'autres aspirations. Cela fait-il vraiment de ceux qui aspireraient à conduire leur propre vie des "néo-conservateur américains"? On peut trouver cela un brin excessif mais l'idée est amusante.

Certes l'histoire est pleine de pères des peuples qui veulent faire le bonheur des peuples à leur place. Nous sommes d'accord sur un point: comparer les économies antiques avec celles d'un sujet sur le marxisme-léninisme n'as pas grand sens. Nous parlions ici du monde post-Lumières, post-Révolution française, et de concepts nés avec la révolution industrielle.

Pédro a écrit :
au vu des crises qui structurent le capitalisme c'est difficile d'établir un modèle absolu.

On serait fondé à se méfier d'un économiste qui prétendrait avoir trouvé le modèle absolu, ou même qui prétendrait mesurer le bonheur de vivre sous les pharaons à l'aune de notre conception de la prospérité. Pour revenir à l'époque qui nous occupe, pointer les défaillances d'un modèle ne signifie pas établir l'inverse en modèle absolu (cela a été l'erreur de partis dogmatiques que de considérer que critiquer le modèle soviétique revenait à ériger le capitalisme débridé en modèle absolu). Entre les deux, et depuis avant même le Congrès de Tours, il y a eu de la place pour des politiques nuancées.

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Message Publié : 25 Août 2019 6:55 
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J'ai élaboré une longue réponse et elle a disparu quand j'ai cliqué sur envoyer ....

En bref, je n'ai cité que quelques exemples. Pendant des siècles la collectivisation a été plutôt la norme que l'exception, comme le rappelle Pedro. Actuellement, par dogmatismes certain font l'erreur inverse de celle qui a été faite il y a 50-75 ans, quand on pensait que le collectivisme était la solution a de nombreux problèmes. L'historien devrait rejeter les analyses dogmatiques contemporaines de son époque et se concentrer sur l'étude des réalités des époques qu'il étudie. Quand je me lèverais vers 16h, je verrai s'il y a lieu de compléter en essayant de recréer ma réponse perdue.


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Message Publié : 25 Août 2019 12:27 
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Grégoire de Tours
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Oui, on ne remet pas en question que la collectivisation sous des formes diverses a pu exister pendant des siècles (encore que présenter et discuter de ces diverses formes et de leurs différences serait vraiment intéressant).

Mais il faut s'en tenir au sujet: ce n'était ni du Marxisme, ni du léninisme. Marx a bien inventé quelque chose de nouveau, qu'il faut savoir définir avec toute la précision historique qu'il mérite. Il faut s'en tenir à la spécificité de la période historique qui démarre en 1848, du monde auquel Marx s'adresse, qui est un monde post-révolutions, en pleine industrialisation, et dont les prolétaires ne sont pas les paysans des ères pré-industrielles.

D'autre part, dans vos posts il est question de bonheur, de bien-être, de prospérité, et de créativité, d'adhésion des communautés, d'équilibre des ressources, d'équilibre de l'ordre et la justice, par opposition à une société individualiste et au "capitalisme".

N'est-ce pas trop embrasser? Que savons-nous vraiment de l'adhésion de tous les membres? Avaient-ils le choix? Avaient-ils le loisir d'imaginer autre chose? Que faites-vous de la religion dans ces sociétés? (Marx avait sa petite idée) Que savons-nous vraiment de leur bonheur? Doit-on vraiment croire qu'il n'y avait pas d'inégalités ni de crises? Et enfin, comment peut-on spéculer qu'un autre système n'aurait pas créé de richesses?

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Message Publié : 25 Août 2019 12:33 
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La définition s'élargit, la géographie et la période aussi. Léonard parlait de l'Egypte, vous nous proposez maintenant la Grèce (est-ce bien cela?). Les cités grecques aussi considérées comme collectivistes? Dans le "on" vit très bien, met-on également les esclaves?


L'Antiquité a des logiqueS et des dynamiques qui nous portent à croire que cela peut se comparer à notre époque contemporaine. Il n'en est rien. J'ai pris l'exemple des cités parce que je le connais pas trop mal. Et en effet les sociétés sont construites sur une interdépendance forte des classes sociales et une très forte pression sociale. ,Les gens n'ont pas de véritable sphère de l'intime. Les esclaves vous en porter (PORTEZ) la lecture la plus caricaturale. Certains crevaient comme des chiens dans les mines c'est un fait, d'autres furent précepteurs des grands, d'autres furent les plus proches des empereurs romains... L'esclavage est une condition menant à une absence de liberté individuelle, non d'existence forcément abominable dans la souffrance. Je rajoute qu'être paysan libre à l'époque n'est pas un déjeuner sur l'herbe.

Darwin1859 a écrit :
Cela fait-il vraiment de ceux qui aspireraient à conduire leur propre vie des "néo-conservateur américains"? On peut trouver cela un brin excessif mais l'idée est amusante.


On peut caricaturer ce que disent les interlocuteurs aussi. J'ai mentionné que c'était LEUR erreur et il est incontestable que cela le fut. Maintenant vous pouvez partager un point commun avec eux sans envahir l'Irak...

Darwin1859 a écrit :
Nous parlions ici du monde post-Lumières, post-Révolution française, et de concepts nés avec la révolution industrielle.


Ce n'est pas moi qui ait parlé de "tropisme humain"... et je le répète c'est une extrapolation sans fondement pilotée par les idéaux des Lumières dans lesquels nous vivons. ce n'est pas grave, c'est un processus très classique que je me contentais de corriger parce qu'il est excessif.

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Message Publié : 25 Août 2019 12:51 
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Grégoire de Tours
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Bonjour,

Vous conviendrez que dire "il semble qu'il y ait un tropisme humain à trouver plus appréciable de diriger sa vie soi-même", a fortiori dans le contexte de l'ère industrielle, est une hypothèse très nuancée et ne signifie pas "il y a un tropisme humain du capitalisme individualiste depuis l'Antiquité". Mais si vous voulez, je suspends volontiers cette phrase, car cela pourrait faire l'objet d'une discussion plus approfondie que je suis prêt à avoir.

Pédro a écrit :
L'Antiquité a des logique qui nous portent à croire que cela peut se comparer à notre époque contemporaine. Il n'en est rien.
Nous sommes donc d'accord. L'antiquité est une digression hors-sujet dans une question sur les exemples d'application du marxisme-léninisme par définition circonscrite à l'histoire contemporaine.

Pédro a écrit :
Les esclaves vous en porter la lecture la plus caricaturale.

Je n'ai pas décrit la condition des esclaves, j'ai mentionné leur existence. Vous projetez.

Pédro a écrit :
Certains crevaient comme des chiens dans les mines c'est un fait, d'autres furent précepteurs des grands, d'autres furent les plus proches des empereurs romains... L'esclavage est une condition menant à une absence de liberté individuelle, non d'existence forcément abominable dans la souffrance. Je rajoute qu'être paysan libre à l'époque n'est pas un déjeuner sur l'herbe.
Oui, je pense que nous savons tous ici cela, et je n'ai rien dit qui le contredise. Cependant: la liberté était bel et bien une aspiration, puisque l'affranchissement était une récompense!

Pédro a écrit :
Maintenant vous pouvez partager un point commun avec eux sans envahir l'Irak.
Je vous remercie... Pas de point en commun et je pense que vous pouvez laisser les néo-conservateurs américains en-dehors.

Marx mentionne longuement les économies antiques dans le livre I du Capital, comme contre-exemple, et le simple fait que dans une économie il y ait des esclaves, domestiques ou non, en quelque proportion (et à Athènes, cette proportion est très importante), a fortiori "crevant" par milliers dans les mines (votre expression), invalide totalement de suggérer ce système comme exemple de bien-être, et surtout dans une perspective marxiste. Mais ce n'est qu'un détail invalidant suffisant parmi d'autres.

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Message Publié : 25 Août 2019 13:18 
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Darwin1859 a écrit :
Je n'ai pas décrit la condition des esclaves, j'ai mentionné leur existence. Vous projetez.


S'il vous plait, un peu de bonne foi... le sous-entendu était assez clair...

Darwin1859 a écrit :
Oui, je pense que nous savons tous ici cela, et je n'ai rien dit qui le contredise. Cependant: la liberté était bel et bien une aspiration, puisque l'affranchissement était une récompense!


Sauf que précisément la liberté dont il est question n'a rien à voir avec celle que nous entendons... Et quand on est libéré on entre dans une catégorie juridique d'affranchi qui ne fera jamais de soi un citoyen de plein droit, donc bon... La citoyenneté a plus à voir avec une condition de privilégié qu'une valeur normative et globale.

Darwin1859 a écrit :
Marx mentionne longuement les économies antiques dans le livre I du Capital, comme contre-exemple, et le simple fait que dans une économie il y ait des esclaves, domestiques ou non, en quelque proportion (et à Athènes, cette proportion est très importante), a fortiori "crevant" par milliers dans les mines (votre expression), invalide totalement de suggérer ce système comme exemple de bien-être, et surtout dans une perspective marxiste. Mais ce n'est qu'un détail invalidant suffisant parmi d'autres.


Où ai-je parlé de condition de bien-être ? Et par ailleurs en quoi un sujet de discussion historique peut avoir ce genre de thème de débat ?

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Message Publié : 25 Août 2019 13:37 
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Pédro a écrit :
S'il vous plait, un peu de bonne foi... le sous-entendu était assez clair...
Absolument pas. Ne projetez pas: soyez ravi que beaucoup de gens savent comme vous qu'il y avait toutes sortes d'esclaves. Mais on peut clarifier en toutes lettres: on parle bien de tous les esclaves, y compris les domestiques, enseignants, cultivés, ou mineurs crevant dans la mine: leur existence invalide la référence marxiste à la prospérité dans cette discussion.

Du reste, même si la vie d'un homme affranchi ou libre n'est pas identique à celle de notre époque, et puisque comme vous le dites il y a des degrés d'affranchissement et de liberté, rien de cela n'invalide le fait que de franchir un degré d'affranchissement constitue bien une promotion, même à l'époque grecque. Mais ouvrons un autre sujet là-dessus.

Pédro a écrit :
Où ai-je parlé de condition de bien-être ? Et par ailleurs en quoi un sujet de discussion historique peut avoir ce genre de thème de débat ?
"S'il vous plait, un peu de bonne foi... le sous-entendu était assez clair", et voici où :
Pédro a écrit :
l'antiquisant que je suis peut attester du fait qu'on vit très bien dans le collectif durant au moins l'époque des cités

Je vous ai demandé si dans le "on" vous comprenez aussi les esclaves. Entre ces derniers et les "paysans libres dont l'existence n'était pas un déjeuner sur l'herbe", si vous nous dites maintenant que l'on peut difficilement utiliser cette formule générique on vivait bien, votre nuance est comprise, et mes remarques s'adressaient aux expression en italique empruntées au post de Léonard.

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Message Publié : 25 Août 2019 14:06 
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Pfff l'art d'avoir toujours raison ^^. Superbe. J'en reste là, c'est pas la peine.

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Message Publié : 25 Août 2019 14:15 
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Merci. Pouvons-nous recentrer la discussion sur Marx et l'époque contemporaine?

La discussion sur le Marxisme-Léninisme gagnerait sans doute à rester davantage circonscrite au plan historique: histoire des idées (de Karl Marx donc, comme point de départ, en se référant à ses publications et à leur chronologie, et bien sûr de ses contemporains Engels, puis les suivants, Lénine & cie), donc histoire contemporaine, et moins sur le plan politique et universel chronologiquement. Certains des arguments ci-dessus auraient davantage leur place dans le salon géopolitique ou sur un sujet plus large sur les systèmes politiques comparés depuis l'Antiquité.

La dichotomie entreliberté et bonheur (au sens de bien-être, justice sociale, conditions de vie, satiété, satisfaction de sa condition, temps de repos personnel disponible) fait partie des thèmes centraux de la réflexion de Marx. Pour Marx, historien, justement ce bonheur est un sujet historique. Il oppose presque les termes et parle de liberté au sujet de la liberté d'exploiter, souvent entre guillemets, "liberté" capitaliste, "liberté commerciale", "liberté d'exténuer des enfants" (tout ceci dans le livre I du Capital), aux dépens du bien-être ouvrier. Les régimes qui se disent marxistes-léninistes et où la liberté est une valeur mise au second rang, reproduisent en intention cette dichotomie.

Du reste il est conscient d'un tropisme pour lui inhérent à l'individualisme et à l'esprit de liberté: la concurrence. Il emploie des termes clairs, dans l'exemple du salaire à la pièce: “en donnant une plus grande latitude à l'individualité, le salaire aux pièces tend à développer d'une part avec l'individualité l'esprit de liberté, d'indépendance et d'autonomie des travailleurs, et d'autre part la concurrence qu'ils se font entre eux. ” (Karl Marx. Le capital, Livre I, Tome 2)

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Message Publié : 25 Août 2019 16:56 
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Darwin1859 a écrit :
Merci. Pouvons-nous recentrer la discussion sur Marx et l'époque contemporaine ?


Vous avez raison, revenons à la base de ce qui a été le point de départ de cette digression :
Jerôme a écrit :
Fondamentalement toute collectivisation entraîne la disparition de la motivation personnelle (plus d'enrichissement personnel possible, plus de pression de la concurrence) pour travailler. Donc une moindre efficacité du travail. Moins de créativité . Au final moins de richesse et donc un mécontentement latent de la population qui doit subir pénuries et autres absurdités de la planification administrative.


Ceci est un argument politique qui est construit sur des préjugés, et des préjugés faux. Le problème principal du marxisme-léninisme n'est pas la collectivisation. D'ailleurs, le système agricole tsariste était en cours de dé-collectivisation que depuis l'abolition du servage en 1861. Avant cette date, le paysan était attaché à la terre et son travail appartenait au propriétaire de sa terre. Sous le marxisme-léninisme, tout l'outil économique appartenait au parti et le travail des ouvriers revenait au parti. La situation n'est pas très différente. Des serfs sont arrivés à accumuler des richesses, même s'ils sont l'exception.

Quand on se place sur le temps long, il faut comparer des situations comparables. A la fin du XIXème siècle des compagnies de navigation allemandes ont fait fortune grâce à la masse des gens des terres sous domination russe et qui cherchaient un espace de liberté en partant coloniser des terres disponibles. Or, après la création du rideau de fer, cela n'est presque plus possible, ce qui augmente le désespoir de ce qui sont bloqués. Le serf russe, pouvait espérer mettre quelques sous de coté et permettre à l'un de ses fils de partir vers l'Amérique pour qu'avec le fruit de son travail il puisse racheter ensuite la liberté de tout le reste de la famille. C'était une possibilité, et certains réussirent à le faire, totalement ou partiellement. L'ouvrier "soviétique" n'avait pas le choix, aucun espoir de pouvoir émigrer, la fuite est quasi-impossible. Simplement laisser voir que l'on veut fuir, vous met en danger. On est dans un système contraint, mais aussi générateur de stress car il n'y a aucun moyen d'échapper à la contrainte ... Du coup, on se laisse aller, moins d'efficacité au travail, plus de créativité, le mécontentement de la population ne cesse de croitre .... Le seul moyen d'en sortir est d'espérer devenir un apparatchik et de monter dans la hiérarchie du parti.

Il ne faut pas confondre les causes et les conséquences.


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Message Publié : 25 Août 2019 17:51 
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Léonard59 a écrit :
A la fin du XIXème siècle des compagnies de navigation allemandes ont fait fortune grâce à la masse des gens des terres sous domination russe et qui cherchaient un espace de liberté en partant coloniser des terres disponibles

Merci de cette intéressante information.

Sur la créativité, la production intellectuelle et technique de l'Union soviétique dans les années 50 dans le domaine spatial, aéronautique et nucléaire est tout de même étonnante.

Deux mots sur la distance que prend Lénine avec Marx. Si Lénine se radicalise nettement au moment des thèses d'Avril, c'est par nécessité de se démarquer politiquement car il veut récupérer le pouvoir. Il vient de rater la révolution de 1917 qui a renversé le tsarisme (février). Tout le boulot a été fait par les mutins de l'armée, les Socialistes révolutionnaires et les Mencheviks, tandis que lui était planqué en Suisse. Un gouvernement provisoire est en place, il n'en est pas.

C'est la deuxième fois qu'il loupe le coche, après 1905. Apprenant que la révolution a eu lieu en Russie, il se précipite pour trouver un train, le fameux "train plombé" (qui n'était pas plombé du tout. La propagande l'a ensuite affublé de cet adjectif pour montrer le courage de Lénine à traverser l'Allemagne. En fait, ce passage était négocié et arrangeait bien les Allemands pour que Lénine aille continuer à mettre la pagaille chez leur ennemi russe). C'est au cours de ce voyage qu'il rédige les thèses qui sont censées le démarquer des SR, du gouvernement provisoire, "contredisant la notion marxiste selon laquelle une révolution bourgeoise est un stade nécessaire pour le passage au socialisme".

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Image message du Loire au Dalgonar, oct. 1913


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