Clio a écrit :
D'une manière plus générale considérez-vous que la justice belge fonctionne aussi mal que la française ?
C'est toujours difficile d'établir ce genre de comparaisons, surtout en l'absence de possibilité de réaliser des études sur la question.
La législation sur l'ouverture des archives publiques prévoient que les archives judiciaires ne sont accessibles qu'au bout de 100 ans et non 50 comme les autres archives administratives. La raison essentielle est de garantir la protection de la vie privée des personnes mises en cause dans les dossiers de justice. En soi, ce n'est pas une mauvaise mesure, mais un historien qui voudrait faire une étude sur le fonctionnement de la justice au 20e siècle n'aura pas la possibilité de consulter les archives, alors qu'il est clair qu'il ne cherche pas à en tirer des éléments à utiliser contre des personnes encore vivantes.
Toutes les études qui pourront être réalisées le seront donc essentiellement par des personnes qui travaillent dans l'appareil judiciaire ou sur des archives antérieures à 1903. Le regard critique extérieur risque donc de manquer et ce n'est que dans très longtemps que nos arrière-petits-enfants pourront se faire une idée un peu plus complète du mode de fonctionnement de la justice belge et française au début du 21e siècle.
Pour autant évidemment qu'un historien se lance dans cette étude.
Je ne peux donc répondre à votre question en tant qu'historien. Toutefois, je peux quand même dire que l'image de la justice belge a été salement entamée suite à ce qu'on appelle désormais en Belgique "l'affaire Dutroux" et la réforme du système que devait réaliser le ministre de la Justice n'a absolument pas abouti.
Les reproches faits à la justice belge sont les suivants :
- arriéré judiciaire inacceptable ;
- justice trop chère ;
- dysfonctionnements ;
- impuissance à lutter contre la criminalité (notamment juvénile) ;
- politisation ;
- faible attention aux droits des victimes.
Je ne pense pas que ce soit très différent de ce que l'on reproche à la justice française.
Quelques exemples illustreront les légères défaillances de la justice belge :
- un agent d'assurances du Brabant wallon tue accidentellement d'un coup de fusil un jeune homme qu'il a trouvé sur sa propriété, le procureur du Roi signe sa libération de prison le jour même de l'enterrement du jeune homme
- le ministre des Finances essaie de faire nommer sa soeur comme présidente de la cour d'Appel de sa ville, le Conseil d'Etat casse la nomination
- la mère d'une des victimes de Marc Dutroux est poursuivie en justice pour s'être plainte du comportement d'un des enquêteurs de l'affaire
- un militaire soupçonné de l'assassinat de ses enfants bénéficie d'un pourvoi en appel après une première condamnation devant la cour militaire où il a été jugé par des magistrats et non un jury populaire comme n'importe quel citoyen
- le ministre de la Justice bloque les nominations de magistrats à Bruxelles, ville où l'arriéré judiciaire est l'un des plus lourds, pour cause de résultat insuffisant aux examens linguistiques néerlandais
- les mêmes critères linguistiques déterminent le choix et la localisation de la société d'informatique chargée de l'élaboration des programmes de gestion des départements de la justice commandés dans le cadre de la réforme du système
- pour satisfaire les désirs sécuritaires de son électorat, le ministre de la Justice encourage l'alourdissement des peines, les prisons dépassent le degré de saturation, les agents pénitentiaires se remettent en grève quelques semaines avant les élections, le ministre hurle à la grève politique et ordonnent la libération de tous les condamnés à moins de 3 (ou 6) mois de prison, sans prendre pour autant de mesure pour diminuer la durée et le nombre de détentions préventives
Est-ce mieux ou pire qu'en France ? Je n'en sais rien. Mais ce n'est pas vraiment très brillant.
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"La censure ne pourra jamais être rétablie." (Article 7 de la charte constitutionnelle du 14 août 1830)