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Message Publié : 01 Août 2009 13:13 
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Jean Mabillon
Jean Mabillon

Inscription : 04 Juin 2006 12:47
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Le "libéralisme" -ou le neo-libéralisme comme dit Tonnerre -nous sommes d'accord avec la distinction à faire, mais quant à moi, je n'aime pas trop le terme "neo-libéralisme",

Il y aussi hyperlibéralisme, ou ultralibéralisme; ultra au sens d'aller outre, comme outrepasser, mot qui correspond bien à la chose ...
Il est en tout cas important de faire la distinction, car beaucoup considèrent que le néolibéralisme constitue, sous certains aspects, une attaque frontale contre les principes fondamentaux du libéralisme.
Plusieurs pères fondateurs de la pensée libérale sont parfaitement clairs à ce sujet: l'Etat existe pour protéger les droits fondamentaux des citoyens, et inversement ces droits fondamentaux ne sauraient exister sans la protection de l'Etat.
John Locke écrit que dans une société libérale, personne ne doit "nuire à la vie, à la santé, à la liberté ou aux biens d'autrui".
Donc lorsqu'un Etat affaibli et/ou corrompu laisse des industriels pollueurs empoisonner l'environnement, des compagnies manipuler artificiellement à la hausse le prix de certaines matières premières ou services, conclure des ententes frauduleuses dans ce même but, ou des HMOs facturer des couvertures médicales non fiables à des prix exhorbitants, ce n'est pas une conséquence inévitable du libéralisme, c'est en fait une claire violation de ses principes. Comme dit plus haut, ces penseurs libéraux n'ont jamais dit que la société libérale idéale devait ressembler à une caverne de voleurs.
Un autre père fondateur, John Stuart Mill, dit à peu près la même chose: "la seule raison pour laquelle le pouvoir peut être légitimement utilisé contre la volonté d'un individu est pour empêcher qu'il puisse nuire aux autres". Il dit bien "empêcher" (prevent), ce qui implique la notion de régulation préventive.
Il y a une notion centrale dans l'idéologie libérale classique, c'est que la liberté des uns doit s'arrêter où commence celle des autres; or le néolibéralisme dit au contraire que la liberté de certains (économiquement très favorisés) ne doit pas s'arrêter où commence celle des autres.
Les théoriciens néo-libéraux qui ont voulu rendre l'Etat impuissant pour que les élites économiques aient les mains totalement libres dans leur recherche de profits ("un Etat tellement rétréci qu'on pourrait le noyer dans une baignoire") pourraient donc être appellés plus justement des antilibéraux.


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Message Publié : 02 Août 2009 20:24 
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Pierre de L'Estoile
Pierre de L'Estoile

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pierma a écrit :
Isidore a écrit :
C'est la notion de liberté individuelle qui est au cœur de la pensée libérale. C'est à partir de cela qu'elle me semble devoir être abordée. La société suédoise est une démocratie libérale (...)

En quoi la Suède est-elle différente des autres démocraties pour mériter ce qualificatif ? (Sauf si vous l'attribuez à toutes les démocraties.)

Le qualificatif de démocratie libérale, au sens de respect des libertés individuelles, est celui retenu pour les démocraties occidentales, dont la Suède pays qui est pourtant un des plus régulés... Je l'attribue donc en effet à toutes les démocraties occidentales ; j'aurais un peu plus de mal avec la Chine !

_________________
« Étudiez comme si vous deviez vivre toujours ; vivez comme si vous deviez mourir demain. » Isidore de Séville


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Message Publié : 02 Août 2009 21:17 
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Jean Mabillon
Jean Mabillon

Inscription : 04 Juin 2006 12:47
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Localisation : Centre
Adam Smith, un des fondateurs de l'économie moderne, et tenant du libéralisme, est l'auteur de la phrase célèbre "la main invisible du marché" qui a été utilisée pour justifier la dérégulation et l'affaiblissement de l'Etat du reaganisme économique.
C'est une erreur, ou une imposture, de présenter Adam Smith comme un partisan d'un laisser-faire intégral sur le plan économique et d'un Etat réduit à sa plus simple expression.
Certes, la thèse qu'il défend est que les motivations relevant de l'intérêt, du désir d'enrichissement personnel, concourent généralement davantage à l'intérêt collectif que celles relevant de la charité ou du parasitisme.
On est plus sûr d'avoir du (bon) pain si un boulanger en fait pour le vendre que s'il n'était pas obligé d'en faire pour vivre: puisqu'il en vit, il est obligé de prendre en considération les besoins et les goûts de ses clients, donc l'intérêt personnel bien compris oblige en fait à s'intéresser aux autres. Et il est bon qu'un ouvrier soit obligé de produire des produits dont nous avons besoin pour que nous puissions en acheter. L'intérêt personnel est donc le meilleur moteur de l'économie parce que les différents intérêts personnels, l'offre et la demande, se complètent ou s'équilibrent normalement pour concourir à l'intérêt général.
Cela dit, Smith .dit clairement que cette main invisible du marché ne peut exister que si certaines conditions sont réunies: le droit de propriété doit être fermement établi et protégé, il doit y avoir une large adhésion sociale aux principes de morale fondamentaux proscrivant en particulier le vol et le mensonge, les contrats nécessaires aux activités économiques doivent être respectés, les lois appliquées et la justice doit punir ceux qui ne les respectent pas, et les citoyens doivent être informés correctement sur les biens et services qui leur sont proposés.
En fait, Smith le dit clairement: un Etat fort est nécessaire pour protéger tous les citoyens mais en particulier "pour protéger les riches contre les pauvres".


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Message Publié : 02 Août 2009 23:13 
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Grégoire de Tours
Grégoire de Tours
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Inscription : 23 Avr 2005 10:54
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Oui, ça c'est clair. C'est la raison pour laquelle il est assez drôle que dans le grand public, on associe souvent "marxisme" avec "apologétique de l'Etat" car en fait, c'est tout le contraire : Pour Marx et les marxistes, l'Etat, c'était l'Etat bourgeois, et il fallait le détruire. Il n'y a pas eu de plus grands critiques de l'Etat que les marxistes -si ce n'est les "libéraux"...

Je suis d'accord, vraiment d'accord avec vos analyses, Tonnerre. Le libéralisme classique, c'est plutôt une doctrine de légitimation de l'Etat, et en particulier de l'Etat républicain ou démocratique.

Isidore a écrit :
Le qualificatif de démocratie libérale, au sens de respect des libertés individuelles, est celui retenu pour les démocraties occidentales, dont la Suède pays qui est pourtant un des plus régulés... Je l'attribue donc en effet à toutes les démocraties occidentales.

Hé bien c'est ce que je trouve le plus inquiétant, personnellement. Effectivement, les auteurs "libéraux" ont réussi à assimiler les termes "démocratie" et "libéralisme". Le libéralisme, pour toute une génération, ça a été le synonyme de "démocratie", et critiquer le libéralisme, c'était critiquer la démocratie -et on était alors soupçonné, bien entendu, de faire le jeu du totalitarisme, du communisme, et autres joyeusetés. Or, il me semble clair désormais que le voile du libéralisme va se déchirer, s'il n'est pas déjà bien entamé. Nous allons subir une nouvelle vague d'intellectuels et de publicistes qui vont nous expliquer en long en large combien le libéralisme fut une erreur, qui vont nous présenter l'un après l'autre tous les visages sombres de cette idéologie que nous ne voulions pas voir ou que nous ne voyions pas au temps de sa splendeur, c'est déjà ce qui est en train de se passer. Mais il y a un vrai danger, qui est que l'assimilation libéralisme = démocratie, qui a été tellement utile aux idéologues de la génération précédente, ne conduise à jeter le bébé démocratie avec l'eau du bain libéral. C'est la raison pour laquelle il me semble assez important aussi, de revenir sur les définitions du terme "démocratie".

_________________
...que vont charmant masques et bergamasques...


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Message Publié : 03 Août 2009 6:22 
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Jean-Pierre Vernant
Jean-Pierre Vernant

Inscription : 17 Oct 2003 18:37
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On voit, actuellement, un nombre croissant de "penseurs" déclarer qu'il faut en finir avec la démocratie, mais jusqu'ici je n'en ai pas vu qui le fasse au nom de l'anti-libéralisme. C'est même le contraire. Leur argumentaire général n'est pas : la liberté est trop dangereuse, mais : la plèbe est décidément trop bête, et celui dont j'ai feuilleté le livre, par exemple, réclame un système de libéralisme économique piloté par une oligarchie "d'experts, d'économistes libéraux" où le peuple travaille et se tait. Fin du HS...


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Message Publié : 03 Août 2009 9:33 
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Jean Mabillon
Jean Mabillon

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Tonnerre. Le libéralisme classique, c'est plutôt une doctrine de légitimation de l'Etat, et en particulier de l'Etat républicain ou démocratique.

Oui, avec la notion fondamentale d'un pouvoir de l'Etat basé sur le consentement validé par le contrat, et non sur l'autorité s'imposant par la coercition.
Si le libéralisme insiste beaucoup sur les limites qui doivent être imposées à l'Etat, ce n'est par parce qu'il est en soi hostile à la notion d'Etat, c'est parce qu'il s'est constitué en réaction contre les Etats existants à l'époque à laquelle il est né, qui étaient tous des Etats autoritaires.
Plus largement, est centrale à l'idéologie libérale la notion de checks and balances: dans cette approche, la seule façon efficace d'éviter les abus de pouvoir est qu'à toute forme de pouvoir doit être opposé un (ou plusieurs) contre-pouvoir. La liberté de chacun est limitée par celle des autres, la liberté du vendeur de fixer le prix le plus haut possible pour ce qu'il vend est limitée par celle de l'acheteur qui souhaite payer le moins possible, le pouvoir de l'éxécutif est limitée par celui du législatif, du judiciaire et par la liberté d'expression, etc.
La faiblesse de ce système est évidemment que le pouvoir politique et plus encore économique, par sa nature même, tend à se renforcer de telle sorte que les divers contrepoids qui lui sont opposés ...ne font plus vraiment le poids.
Comme il nécessite la présence agissante de contre-pouvoirs, cet équilibre est donc loin d'aller de soi et son maintien nécessite au contraire une vigilance constante pour que rien ne vienne perturber l'interaction compétitive des différents acteurs du système.
Cela fait penser un peu au fonctionnement d'un écosystème: si un des agents du système se développe excessivement ou tend à s'affaiblir, si une espèce dominante fait peu à peu disparaître les autres, l'équilibre est rompu et à terme c'est la survie même du système qui est compromise.
L'hyperlibéralisme pourrait justement être décrit comme une rupture d'équilibre de ce schéma libéral, par un affaiblissement caractérisé du pouvoir politique au détriment du pôle économique.


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