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Message Publié : 10 Juin 2003 9:04 
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Tout d'abord boujour à tous et bravo au créateur du site Clio.

J'aimerais savoir si vous connaissez René Girard et dans ce cas se que vous pensez de sa théorie du mimétisme fondée, en grande partie sur des peuplades antiques, leur mythologie et qui explique l'origine de la violence, du sacrifice et du bouc emissaire par une abstraction au chaos à savoir du tous contre tous au tous contre un...

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"Ce n'est pas la technique qui nous asservit mais le sacré transféré à la technique (...) Ce n'est pas l'Etat qui nous asservit (...), c'est sa transfiguration sacrale (...)" - Jacques Ellul, Les nouveaux possédés


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Message Publié : 10 Juin 2003 9:36 
Pourriez vous déveloper car je ne sais pas de quoi vous parler mais de ce que vous en dites je crois que ça m'interesse.


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Message Publié : 10 Juin 2003 9:45 
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Sandrine a écrit :
Pourriez vous déveloper car je ne sais pas de quoi vous parler mais de ce que vous en dites je crois que ça m'interesse.

René Girard est un anthropologue fameux et celon moi trop méconnu du XXème sciècle.
La mimésis de l'antagoniste est l'un des principaux fondement de sa théorie:
L'homme est gouverné principalement par ce que René Girard appelle le désir mimétique. C'est parce que quelqu'un d'autre désire un objet que nous désirons cet objet (primitivement femme, nourriture, territoire). Cela peut prendre plusieurs aspects. Prenons un ou deux exemples seulement. Shakespeare a cette superbe phrase dans ses Sonnets : " Tu l'aimes, toi, car tu sais que je l'aime. " On voit bien ici qu'un ami va aimer la femme que l'on aime justement parce qu'il nous imite dans notre amour et non parce qu'il l'aime de lui-même, indépendamment de nous. C'est bien parce qu'il nous prend pour son ami, qu'il nous prend pour modèle, qu'il va aimer cette femme car si nous ne l'aimions pas, sans doute ne l'aimerait-il pas non plus. "
Seul l'être qui nous empêche de satisfaire un désir qu'il nous a lui-même suggéré est vraiment objet de haine. Celui qui hait se hait d'abord lui-même en raison de l'admiration secrète que recèle sa haine. Afin de cacher aux autres, et de se cacher à lui-même, cette admiration éperdue, il ne veut plus voir qu'un obstacle dans son médiateur. Le rôle secondaire de ce médiateur passe donc au premier plan et dissimule le rôle primordial de modèle religieusement imité. Dans la querelle qui l'oppose à son rival, le sujet intervertit l'ordre logique et chronologique des désirs afin de dissimuler son imitation. Il affirme que son propre désir est antérieur à celui de son rival ; ce n'est donc jamais lui, à l'entendre, qui est responsable de la rivalité : c'est le médiateur."

Cet aspect du désir mimétique peut prendre une forme réelle ou symbolique comme par exemple une idéologie, une imagerie, un discours véhiculé par la société. Cela peut se jouer aussi entre deux personnes car si la seconde a dans la tête un idéal d'homme ou de femme, elle préférera fuir la première et se réfugier vers une personne qui se conformera à son imagerie (ou l'imagerie en vogue) plutôt que de reconnaître son désir envers la première. Et là, la vanité va jouer un rôle immense dans cette non-reconnaissance du réel, d'autrui pour ce qu'il est, par rapport à la représentation, au modèle que l'on imite à notre insu. C'est en somme le mythe de Narcisse qui préfère rester amoureux de son image sans le savoir plutôt que d'aller vers Echo. Désirant donc ce même objet, une rivalité, un violent conflit s'instaure, menaçant la cohésion du groupe, ou la société toute entière. Ce conflit sera résolu par le sacrifice d'une victime innocente, un meurtre donc, c'est-à-dire quand deux ou plusieurs individus s'entendront pour désigner un seul et même coupable (personne ou ethnie) responsable de ce conflit. Cette victime passera pour sacrée, car elle est responsable du retour au calme aussi bien que du désordre. "Le sacré, c'est la violence." nous dit René Girard.

Ce qui pourrait sembler anecdotique éclaire la quasi-totalité des comportements individuels et collectifs (de la simple jalousie jusqu'à l'holocauste) et ceci depuis l'aube de l'humanité jusqu'à nos jours.

Les premières sociétés ont donc résolu ces crises mimétiques en prenant une victime innocente - un bouc émissaire- et en la chargeant de tous les maux et péchés du groupe puis en la sacrifiant. Progressivement, des simulacres ont remplacé les meurtres réels: ainsi sont nés les rites des religions primitives païennes. Si de nos jours, les hommes n'ont plus recours aux sacrifices rituels, ils se sont toujours entendu pour trouver des boucs émissaires (colonialisme, nazisme, stalinisme, la guerre en Bosnie...) et la violence n'a jamais cessé.

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Message Publié : 10 Juin 2003 15:01 
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durallo a écrit :
Interessant comme théorie!

c'est la réponse de Girard au structuralisme de Lévi Strauss

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Message Publié : 10 Juin 2003 18:31 
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salmanasar a écrit :
Très très intéressant comme théorie,Luca.Je voudrais savoir si René Girard a écrit des livres,et si oui ,quel sont les titres ?

voila, tu me pardonneras ce petit "copier, coller" mais ces quelques lignes seront plus claires que moi ;)


Mensonge romantique et vérité romanesque, Grasset, 1961

Il faut impérativement commencer la lecture de Girard par ce premier livre, même s'il n'est pas obligatoirement le plus accessible. C'est là que le mécanisme du désir mimétique est entièrement révélé et démonté. Beaucoup de choses qui seront abordées par la suite, notamment dans l'anthropologie de La violence et le sacré, ne pourront être correctement appréhendées que si l'on a bien saisi les rapports composant le triangle sujet-modèle-objet, la façon dont Girard envisage la médiation interne, la transfiguration de l'objet, la contagion des rivalités et l'effondrement des différences. Mensonge romantique, vérité romanesque est le fondement théorique incontournable de l'oeuvre de René Girard, mais c'est aussi un époustouflant et novateur exercice de critique littéraire.


DostoÏevski : du double à l'unité, Plon, 1963
Il y a un cas Dostoïevski qui passionne René Girard. Le triangle mimétique et l'omnipotence du rival peuplent la totalité de l'oeuvre de l'auteur de Crime et Châtiment. En suivant pas à pas la vie et l'oeuvre, René Girard montre comment Dostoïevski - à compter des Mémoires écrits dans un souterrain - dégage progressivement la parfaite identité des doubles. C'est ce lent travail de la connaissance de la méconnaissance qui est mis à jour par Girard jusqu'à la rédemption des Frères Karamazov. L'essai fait partie à présent du collectif Critique dans un souterrain.


La violence et le sacré, Grasset, 1972
Les hypothèses mises en lumière à partir du romanesque dans MRVR peuvent-elles être retrouvées dans les textes les plus anciens de l'humanité ? Prenant appui sur la tragédie grecque, René Girard va dégager l'identité entre violence et mimésis. Dès lors, comment les hommes ont-ils pu échapper à la circularité exponentielle et destructrice de la vengeance ? La réponse de René Girard est sans équivoque : en retournant la violence collective née d'une crise paroxistique des différences sur un seul, la victime émissaire et en investissant cette dernière, à la fois de la responsabilité de la crise et de sa résolution, créant ainsi l'ambivalence du sacré. Ouvrage bien entendu incontournable puisque Girard nous y propose une explication simple de la création de l'humanité par elle-même, tout en dégageant deux nouvelles hypothèses riches de développements futurs : la crise sacrificielle et le principe de méconnaissance, qui conditionne l'efficacité du mécanisme victimaire.


Critique dans un souterrain, L'Age d'Homme, 1976
Ce livre réunit l'ensemble des critiques littéraires de René Girard depuis la publication de MRVR, y compris le long essai sur Dostoïevski édité précédemment chez Plon. Une nouvelle lecture de L'Étranger et sa mise en relation dynamique avec La Chute lui permet de proposer une autre approche d'Albert Camus, très éloignée des schémas classiques d'explication. On y trouve également une recension très critique de l'ouvrage de Deleuze et Guattari L'anti-Oedipe.


Des choses cachées depuis la fondation du monde, Grasset, 1978
Ce livre d'entretiens est d'abord un complément de l'anthropologie développée dans VS. René Girard revient sur les aspects les plus contestés de sa théorie générale de la culture, éclairant ainsi certains passages de La violence et le Sacré, ouvrant également de nouvelles voies aux hypothèses mimétiques. Il est aussi le livre dans lequel René Girard entend démontrer la spécificité du message évangélique, longuement préparé par l'Ancien Testament. La prédication du Christ serait la seule à avoir dévoilé l'origine violente de l'humanité et sa perpétuation culturelle. L'échec de la prédication et la Passion, qui sacrifie le plus innocent de tous, ouvrirait la voie à la lente connaissance de la méconnaissance du mécanisme victimaire. A mon avis, c'est un livre extrêmement difficile, susceptible de perturber gravement des lecteurs qui n'auraient pas pris le soin de lire et comprendre au prélable MRVR et VS.

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Message Publié : 10 Juin 2003 18:37 
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Eginhard
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Très très intéressant comme théorie,Luca.Je voudrais savoir si René Girard a écrit des livres,et si oui ,quel sont les titres ?


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Message Publié : 10 Juin 2003 18:58 
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Mensonge romantique et vérité romanesque C'est LE livre de Girard qu'il faut avoir lu. C'est un des grands classiques de la critique littéraire.


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Message Publié : 27 Juil 2006 19:02 
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Hérodote
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Inscription : 24 Mai 2006 13:40
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Je remonte ce fil car j'ai été passionné par cette théorie mais j'aimerais entendre des arguments contradictoires.

Au passage, je ne dirais pas que que mensonge romantique et vérité romanesque est LE livre à lire (même si c'est sûrement par lui qu'il faut commencer), vu que sa théorie prendra une toute autre dimension quand il abordera directement l'aspect anthropologique et biblique de sa théorie.


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Message Publié : 31 Juil 2006 11:19 
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Jules Michelet
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Inscription : 15 Mai 2005 12:40
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Je ne suis pas certain que l'on cherche à s'approprier ce que nos amis veulent eux-même... En tout cas, une minorité envieuse est peut être dans ce cas mais je doute que cela soit la généralité... Je ne suis pas spécialiste de psychologie mais je m'y intéresse et je n'ai jamais entendu parler d'une telle tendance... Je sais que les peuples indo-européens ont parfois eû recours à des sacrifices de personnes de leur propre peuple mais c'était alors surtout le roi (ou chef de clan [le roi étant à l'origine plus un chef religieux dirigeant son peuple (comme le rex des latins) qu'un chef des guerriers dirigeant son peuple (comme cela deviendra le cas plus tard)]) qui était considéré comme responsable du mauvais sort de son peuple (lors de disettes ou de défaites à la guerre)...

Peut être faudrait il en paralléle poser la question sur un forum de psychologie à un psychologue confirmé ?

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