Bonjour,

J'espère que le sujet n'a pas encore été traité, si oui, veuillez m'en excuser par avance !

Je travaille sur l'autobiographie féminine actuellement et je lis souvent que le journal intime est son "antécédent".

Pourquoi, selon vous, ce genre d'écriture serait-il réservé aux femmes ? L'est-il réellement ?

Y a-t-il des hommes qui tiennent un journal intime ? Si oui, auriez-vous des exemples d'auteurs masculins, du XIXè siècle notamment, qui se seraient adonnés à cette pratique ?

Cette question m'a l'air bien étrange... un genre littéraire peut-il être "sexualisé" ainsi ?
En tous les cas, les exemples abondent de journaux intimes masculins : un merveilleux précurseur au XVIIe, Samuel Pepys. Pour le XIXe, Léon Bloy, les frères Goncourt me viennent tout de suite à l'esprit.
Au XXe, Mireille Havet devrait vous intéresser, puisqu'il s'agit d'une femme. Du côté des hommes, Gide, Léautaud sont très connus pour la première moitié du XXe. Pour la seconde moitié, Cioran a tenu un journal intime, mais qui est resté inédit. Et sans doute le plus célèbre diariste français des années 1990, Marc-Édouard Nabe qui a publié 4 tomes de son Journal Intime.

_________________
L'avantage avec le passé, c'est qu'il est passé.
"Je pense donc je suis". Mieux vaut donc ne pas penser.
Personne n'est revenu de la mort. Pas fou.
- Paul Rancoeur -

Bonjour,

D'emblée, je vous répondrais par la négative or il s'avère que cette "pratique" du journal intime soit attribuée aux femmes généralement, car elles "seraient plus enclines à ce genre d'écriture" de soi, du sentimental...

Par ailleurs, ce sont le plus souvent les petites filles qui écrivent des journaux intimes plutôt que des garçons. Ma comparaison est assez simpliste, je vous l'accorde, mais elle montre bien qu'il peut y avoir certains genres littéraires privilégiés par tel ou tel sexe, non ?

(Je devrais peut-être poster mon sujet dans la partie Sociologie s'il y en a une ?)

En fait le journal intime se répand au XVIIe siècle en Angleterre, et Samuel Pepys est loin d'être le seul, même s'il est l'un des plus connus de ces "diaristes". De la même époque, on connaît aussi le journal de John Evelyn, par ailleurs un ami de Pepys. Ce sont les premiers à vraiment parler de leurs propres sentiments dans un journal. Mais bon la littérature de voyages peut aussi être vue comme une origine de l'autobiographie. Mais c'est le genre des Mémoires qui est à l'origine des autobiographies.

En tout cas un journal intime est destiné à ne pas être publié, en cela il y a une profonde différence avec l'autobiographie : on ne cache pas de détails honteux, même si on peut les dissimuler par une sorte de langage codé (comme Pepys), on n'y note pas forcément que des choses intéressantes pour les autres, puisqu'un journal intime peut avoir des fonctions diverses pour son rédacteur. Ce n'est qu'au XIXe siècle qu'on prend l'habitude de publier les journaux intimes de certaines personnes, de façon posthume. Après je n'ai pas une connaissance suffisante de la littérature autobiographique féminine pour pouvoir faire plus progresser cette discussion, mais on peut constater que les femmes écrivains existent avant les autobiographies féminines, certaines ont déjà l'habitude d'écrire avant, elles s'approprient le genre de l'autobiographie quand il existe déjà, tel que ce modèle a été préparé par des hommes. La construction du journal intime en tant que forme d'écriture plutôt féminine me semble plus tardive.

Concernant cette thématique, je me permets de citer le nom de Philippe Lejeune, spécialiste de la littérature et créateur du concept de Pacte autobiographique.

Voici le site de cet homme :
http://www.autopacte.org/
qui est plutôt riche.
En outre, M. Lejeune est très accessible par courriel. J'avais eu à le contacter dans le cadre d'une journée d'étude Le Don en archives, où je voulais qu'il intervienne. Il avait fait une intervention de 20 mn intitulé Donner sa Vie : brouillons d’écrivains, oeuvres d’inconnus.

Philippe Lejeune a d'ailleurs co-fondé en 1992 une association dont le siège se trouve à Ambérieu-en-Bugey. Cette association se nomme Association pour l'autobiographie et le patrimoine autobiographique, dont le but est entre autres, la sauvegarde des journaux intimes par la collecte.
http://association.sitapa.org/accueil.php

je trouve important de le dire, sachant que certains de nos éminents membres (je pense à YMD par exemple) en tiennent, et qu'il serait bête que cela se perde si les auteurs ne savent pas ce qu'ils veulent en faire.

_________________
"Il n'y a point de place faible, là où il y a des gens de coeur." Pierre du Terrail

"Qui est le numéro 1 ?
Vous, Numéro 6. " Le Prisonnier

Il y a journal et journal. Celui des Goncourt ou de Gide n'a rien d'intime. Ils écrivent pour la postérité mais dans un genre qui n'est confidentiel que pour un certain temps et n'a rien d' intime. Leur entourage est parfaitement au courant et leurs amis.
Le journal intime des jeunes filles n'a aucune prétention littéraire, il ne traite pas comme les Goncourt ou Gide et de très nombreux auteurs, de la vie politique et littéraire. Uniquement des évènements personnels et des sentiments intimes, en cachant à tous son travail d'écriture.
Il faut donc bien distinguer les uns et les autres.
Gide: " honoré par le Prix Nobel de littérature en 1947, et il se préoccupe dès lors de la publication de son Journal. Il meurt le 19 février 1951. "

_________________
Heureux celui qui a pu pénétrer les causes secrètes des choses. Virgile.

Les journaux de guerre (écrits de Poilus au jour le jour) peuvent être classés dans cette catégorie. Pour la majorité d'entre-eux, ils n'avaient pas vocation à être édités dans le futur. Il est vrai que la pudeur du Poilu obérait souvent ce qui était intime.

_________________
"Adieu la vie, adieu l'amour,
Adieu à toutes les femmes...."
Extrait de "La Chanson de Craonne"

Celui de louis XVI est souvent cité autour des événements du 14 juillet.

J'ai souvenir d’avoir lu une biographie de Nicolas II où il était fréquemment fait référence à son journal intime.

Louis XVI ne tenait pas un vrai journal intime mais un compte rendu des chasses, comme on sait.

_________________
Heureux celui qui a pu pénétrer les causes secrètes des choses. Virgile.

Pierre de L'Estoile (1546-1611) a écrit un journal régulièrement sous Henri III et Henri IV.

Le Journal-Registre de Pierre de L'Estoile, malgré le titre, est difficilement qualifiable de journal, il s'agit plus d'ajouts, au fur et à mesure, de fait quotidiens, banales ou extraordinaires. Ça ressemble peut-être à un journal, mais on ne voit pas les émotions de L'Estoile, et il lui arrive de rapporter des rumeurs. Voir: L’ESTOILE Pierre de, Registres-Journaux, in , À Paris pendant les Guerres de Religion, PAPIN Philippe (éditeur scientifique et commentaires),Paris, Arléa, 2007, coll. Histoire, 558 p.