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Quant à ce dernier, il n'a pas de raison spécifique d'être limité à notre époque. On pourrait le rencontrer dans tout environnement professionnel de l'Histoire où les supérieurs hiérarchiques ont pu cultiver l'idée qu'il faut que l'employé vive dans la honte et la peur pour qu'il "se bouge le c..." Ce n'est sûrement pas ces vingt dernières années que des employeurs ont constaté qu'on pouvait faire courir une personne très vite et très longtemps quand on lui fixe une ligne d'arrivée qu'on recule à mesure qu'elle s'en approche.
Vous ne saisissez pas la spécificité du concept de harcèlement moral tel que présenté dans le livre de Hirigoyen qui, tout en rappelant que le problème des petits chefs est immémorial, inscrit le harcèlement moral tel qu'il existe actuellement dans une dimension économique proprement moderne qui dépasse le simple sadisme individuel, ou même la simple motivation de rendement d'un chef, pour le définir comme une des stratégies développées et mises en oeuvre pour atteindre les objectifs économiques spécifiques de la mondialisation néo-libérale.
le comportement d'un régisseur de plantation avec ses esclaves, ou d'un contremaitre d'une usine du XIXeme siècle avec ses ouvriers fait sans doute appel aux mêmes bas instincts de la nature humaine, mais les conditions de travail, les méthodes de management et surtout les objectifs économiques recherchés étant différents, le harcèlement moral subi par les employés de France telecom ou d'un plateau de hotline téléphonique a peu à voir avec ces situations anciennes.
Ce qui caractérise le harcèlement moral moderne, comme l'a souligné Narduccio, c'est la notion que l'employé, pour donner son maximum, doit être maintenu en état de stress PSYCHOLOGIQUE permanent, que plus il est stressé et harcelé, mieux il travaille. Le harcèlement moral sous cet aspect de tension permanente maintenue délibérément par divers processus dument codifiés devient donc partie intégrante de la gestion du personnel, ce qui n'était pas le cas dans les usines et les ateliers d'autrefois où les taches assignées étaient généralement réglées et prévisibles et où il n'était pas posé en axiome de mettre la pression et de déstabiliser SYSTEMATIQUEMENT le travailleur pour lui faire donner son maximum.
C'est une notion néo-libérale qui n'avait pas cours même dans les usines Ford de la grande époque: la taylorisation--rationalisation optimale des différents gestes de l"ouvrier--et le travail à la chaine étaient certes une déshumanisation/objectification de l'ouvrier, mais pas du harcèlement.