Comme promit voici vos informations sur la Mandragore:
MANDRAGORE
Malum terrae Mandragora officiarum L.
Solanacées
La mandragore occupe une place sans égale comme plante « magique » et c’est pourquoi elle fut crainte et respectée dans toute l’Europe médiévale.
C’est la forme particulière de sa racine qui lui a valu cette valeur en sorcellerie. C’est l’un des exemples de la théorie des Signatures (voir annexe en fin de page) : sa racine est si bien fourchue que la plante ressemble (… avec pas mal d’imagination quand même !) à un corps humain, à mettre au compte des puissances génératrices souterraines. De plus, et ce jusqu’au XVIII° siècle compris, on distingue même une Mandragore Mâle, qualifiée déjà par Pythagore « d’andropomorphos », en raison de la présence de nombreux filaments courts et menus entourant ses racines, et une Mandragore femelle chez laquelle ne se trouvent que quelque fibres dispersées.
Enfin, on dit qu’elle brille la nuit comme une lanterne. Il n’en fallait pas moins pour qu’on lui prête des pouvoirs surnaturels sur le corps et l’esprit. On se demandait même si la plante naissait d’une graine, ou si elle poussait, selon Catelan cité par Pelt, à partir « du sperme des hommes pendus au gibet ou écrasés sur les roues, qui se liquéfiant et coulant avec la graisse et tombant goutte à goutte dans la terre, produit ainsi cette plante ».
Selon la tradition, Dioscoride reçut la Mandragore des mains d’Heurasis, déesse de la découverte ; la croyance populaire fait en effet de cette plante un don des dieux. Dans la Genèse (XXX 14-18), la naissance d’Issachar, qui est le cinquième fils de Léa, femme de Jacob, serait consécutive aux effets aphrodisiaques de cette drogue. Et dans le Cantique des cantiques (VII, 14) il est écrit :
« Les Mandragores exhalent leur parfum »
Sainte Hildegarde Von Bigen (citée par Pelt) écrit à son sujet, au XII° siècle :
« La Mandragore, de forme humaine, est constituée de la terre dont fut pétri le premier homme d’où elle est plus exposée que toute les autres plantes aux tentations du démon. Celui qui souffre doit prendre une racine de mandragore, la laver soigneusement, en mettre dans son lit et réciter la prière suivante : mon Dieu, toi qui de l’argile as créer l’homme sans douleur, considère que je place près de moi la même terre qui ‘a pas encore péché, afin que ma chair criminelle obtienne cette paix qu’elle possédait tout d’abord ».
Oui mais voilà : sa récolte n’est pas si simple !
Le traité des Simples d’Ibn al-Beïthar (XIII°siècle), cité par Delatte, rapporte qu’Hermès Trismégiste (la doctrine de l’hermétiste a beaucoup influencé la pensée chrétienne) répartit sur trois jours les opérations de l’extirpation de la Mandragore.
Cette récolte doit être prévue quand Mars est au plus haut dans le ciel. La cueillette ne peut se faire, à la suite des écrits de Théophraste, que si l’on a tracé à trois reprises un cercle autour d’elle ; ainsi, l’herboriste a trois intentions :
- prendre possession du végétal en empêchant la force occulte qui est en lui de s’échapper ;
- le purifier de tout élément qui nuirait à ses qualités
- mettre ses vertus à l’abri de toute influence malfaisante venant de l’extérieur.
Le premier cycle empêche la Mandragore de se dérober par la fuite ; en effet , cette plante magique a le don de se déplacer à son gré, essayant d’échapper à l’herboriste qui la cherche.
Et Théophraste ajoute qu’il fait s’y prendre à deux reprises pour couper la racine. Après avoir déchaussé la Mandragore avec une pelle en ivoire, l’herboriste doit se tourner vers l’Occident et la plante est coupée avec l’épée qui a servi à tracer le triple cercle magique. Après un coup donné à la partie supérieure de la plante, le second est accompagné d’une danse accompagnée de plaisanteries érotiques.
N’oublions pas enfin qu’il est périlleux de toucher la mandragore, en raison des émanations dangereuses qu’elle est susceptible d’émettre. Aussi la main doit-elle être recouverte d’une étoffe. En fait, le moyen le plus sûr consistait à nouer une corde neuve autour de la plante et de l’attacher à la queue d’un chien affamé, afin qu’il arrache la plante. Mais celui-ci mourrait aussitôt en raison de la « divinité » de la plante.
Le mode d’extirpation a encore été constaté en Italie au XIX°siècle. On relève parfois que la plante pousse un cri terrifiant au moment de l’arrachage, et que cette opération peut déchaîner une tempête, comme si la nature toute entière était émue par ce crime.
Une fois tous les obstacles surmontés, la racine de Mandragore doit être lavée avec du vin rouge, avant d’être enveloppée dans une riche étoffe. Elle pouvait alors être conservée dans une boîte, vêtue de soie et baignée quatre fois l’an. D’autre lui donnaient tous les vendredi et l’habillaient de neuf à chaque nouvelle lune.
C’est guère qu’à partir du XVII°siècle que les botanistes commencèrent à douter des légendes qui entouraient cette plante. Des procès en sorcellerie se multiplièrent, et les sorcières furent souvent condamnées à être brûlées vives.
Enfin, une certaine confusion est engendrée par la légende de certaines contrées, comme le pays de Confolens en Charente, où la Mandragore est cette fois un animal fantastique.
Sur le plan thérapeutique, les racines de Mandragore passaient pour narcotique, stupéfiantes, mais aussi rafraîchissantes et résolutives, mais ont-elles beaucoup servi à ces usages, déjà en raison de son prix prohibitif ?
Il n’est en fait pas aisé de faire la part de telle ou telle de ces plantes dans ces effets magiques, dans la mesure où généralement elles étaient utilisées sous forme de mélanges plus ou moins complexes.
Annexe :
Signatures
« Nourri des idées d’Aristote, Paracelse avait aussi une conception de type magique des relations entre macrocosme, l’univers qui nous entoure, et le microcosme que forme notre organisme. Cette conception est à l’origine de la recherche de relation étroites entre caractères morphologiques des plantes et des propriétés thérapeutiques supposées. C’est la « théorie des signatures » ou « signes de la nature ». c’est en fait une notion vieille comme le monde, dont on sait qu’elle fût utilisée en Chine depuis des temps immémoriaux. Mais c’est le mérite de Paracelse que d’avoir formaliser cette doctrine en Europe occidentale : en l’appliquant, on attribue à la couleur, à la forme ou à la partie de la plante, des vertus en rapport avec ses caractéristiques morphologiques. »
Passage du livre : Les plantes du jardin médiéval de Michel Botineau
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Cordialement
Aislinn
PS: désolée pour ce long message