Aponie a écrit :
Je ne suis pas assez savant pour mener plus à fond l'étude des représentations et des jugements sur le suicide, mais il serait bien intéressant d'étudier le rapport des collectivistes au suicide (communistes, utopistes: y a-t-il eu par exemple des tentatives de suicide dans l'histoire du familistère de Guise, et le cas échéant, quelles furent-elles les réactions ?).
Pour reprendre, d'abord, la pensée des collectivistes :
Michel Bakounine, dans
L'Instruction intégrale (in
L'Egalité, N°28-31, juin-juillet 1869), écrit par exemple que la révolte contre les lois naturelles passe par le suicide et affirme aussi que le suicide est un phénomène social (à l'instar 'de l'empoisonnement' et de 'l'homicide de fer') dont la reproduction annuelle ne peut être endiguée que par l'action de l'Etat en matière de changement politique. Pour un auteur comme Etienne Lesourd, qui a annoté les lettres de prison de Bakounine (
Dans les griffes de l'ours, 2010), Bakounine a même envisagé de se suicider à un temps de sa vie.
Robert Owen reste dans un schéma plus traditionnel et considère le suicide comme l'un des pêchés modernes.
Charles Fourier a un rapport assez complexe au suicide, peut-être en raison de sa confrontation émotionnelle et personnelle à la question, comme lorsque sa fille Hortense menace de se suicider (voir J. Beecher). Le suicide est un 'mal inévitable' et même une 'nécessité sociale ' (Gatti de Gamond Zoé,
Réalisation d'une commune sociétaire d'après la théorie de Charles Fourier, 1840, p. 57). Fourier écrit encore que le suicide résulte des 'jeux de hasard' (Fourier Charles, Oeuvres complètes, T. V, 1841, Livre II, Section III, p. 93). Nicholas Riasanovsky va même jusqu'à dire que, dans la pensée de Fourier, le suicide toucherait tout homme entrant en contact avec l'autre monde ou avec son existence précédente (Riasanovsky,
The Teaching of Charles Fourier, p. 94).
Saint-Simon, enfin, pensa à se suicider (Reybaud Louis,
Etudes sur les réformateurs contemporains ou socialistes modernes, 1841, p. 58), à l'heure de sa plus profonde misère. Reybaud s'appuie sur les mémoires du penseur et en cite un extrait en note de bas de page à l'appui.
J'attire aussi votre attention sur un ouvrage (que je n'ai pas lu) :
De la manie du suicide et de l’esprit de révolte, de leurs causes et de leurs remèdes (1840) de Claude-Joseph Tissot.