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 Sujet du message : L'histoire du suicide
Message Publié : 23 Juin 2013 10:12 
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Grégoire de Tours
Grégoire de Tours

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Bonjour,

je souhaiterais savoir, à partir de quelle période a t-on commencé à considéré les suicidaires comme des personnes en souffrance psychique et plus comme des criminels, puisque sous l'ancien régime, quelqu'un qui s'était suicidé était pendu et traîné dans son village?

Pinel a beaucoup oeuvré dans le sens d'une libération des aliénés...


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 Sujet du message : Re: L'histoire du suicide
Message Publié : 23 Juin 2013 10:47 
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Georges Duby
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A Rome, la conception stoicienne du suicide était magnifiée, si on se rappelle notamment le célèbre suicide de Sénèque. C'est donc la chrétienté qui a condamné le suicide. Mettre fin à la vie oeuvre de Dieu qui a créé le monde est un péché.
Le monde post-chrétien actuel, européen tend à réhabiliter le suicide chez les personnes agées. L'ancien maire de Clermont-Ferrnd par exemple c'est suicidé parce qu'il trouvait que la vieillesse avait altéré ses facultés intellectuelles. Son geste a plutôt été admiré à Clermont en son temps, au nom d'une morale laîque

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 Sujet du message : Re: L'histoire du suicide
Message Publié : 23 Juin 2013 10:54 
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Pierre de L'Estoile
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L'œuvre phare de Durkheim sur le suicide a été un tournant décisif dans cette histoire.

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 Sujet du message : Re: L'histoire du suicide
Message Publié : 23 Juin 2013 14:57 
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gamelin a écrit :
Je souhaiterais savoir, à partir de quelle période a t-on commencé à considéré les suicidaires comme des personnes en souffrance psychique et plus comme des criminels, puisque sous l'ancien régime, quelqu'un qui s'était suicidé était pendu et traîné dans son village?

C'est le Code Pénal de 1810 qui dépénalise le suicide en France.

Yongle a écrit :
L'œuvre phare de Durkheim sur le suicide a été un tournant décisif dans cette histoire.

Tout à fait d'accord, mais son Le Suicide ne date que de 1897, en conséquence de quoi il serait intéressant de savoir sur quels ouvrages politiques ou sociologiques Durkheim s'est lui-même appuyé dans son approche plus libérale du suicide. Qui ont été les précurseurs de cette libéralisation entre 1810 et 1897 ? En quoi Durkheim rentre-t-il dans un débat lui-même secoué par les rivalités entre Etat et Eglise (en Italie, en particulier, mais en France aussi avec les prémices de la séparation de 1905) ?

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 Sujet du message : Re: L'histoire du suicide
Message Publié : 23 Juin 2013 16:22 
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Salluste
Salluste

Inscription : 20 Déc 2010 21:48
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Le XIXe siècle a une importance certaine sur ce chapitre. Werther, René hantent les imaginations; Sand, fille et élève de Rousseau, qui traverse une longue crise intérieure et qui se croit trop lâche pour ne pas se suicider, s'avise qu'elle vit à l'âge du doute. Tous les genres littéraires sont mis à contribution pour exprimer le moi, ses incertitudes, bref la complexité de l'âme humaine.

Précisément, l'individu est soumis au XIXe siècle à des contraintes de plus en plus fortes, ainsi que l'a montré Norbert Elias, qui conduisent à la privatisation de ses instincts, au refoulement de ses pulsions, à l'obligation qui lui est faite de se dissimuler aux autres. De là sans doute le repli sur soi, l'introspection; et la volonté de se libérer de l'emprise sociale. Et quand on ne le peut pas, le voyage (Loti se trouve à Bénarès où il croit trouver des leçons de vie pour faire abnégation de son moi et se libérer de ses peines), la psychanalyse, voire le suicide sont des recours possibles.

Le siècle est aussi marqué par la médicalisation des souffrances psychiques, de même la volonté de les comprendre, du moins de les expliquer: le suicide devient un objet; l'objectivation s'associant souvent au refus de le juger en ces temps de prétention à la scientificité et à l'objectivité.

Je ne suis pas assez savant pour mener plus à fond l'étude des représentations et des jugements sur le suicide, mais il serait bien intéressant d'étudier le rapport des collectivistes au suicide (communistes, utopistes: y a-t-il eu par exemple des tentatives de suicide dans l'histoire du familistère de Guise, et le cas échéant, quelles furent-elles les réactions ?).


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 Sujet du message : Re: L'histoire du suicide
Message Publié : 23 Juin 2013 19:37 
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Pierre de L'Estoile
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Le 19° siècle est en effet une période importante pour l'histoire du suicide puisque c'est durant cette période qu'il commence à augmenter très fortement.

Peut-être que l'exode rural en brisant les traditionnels liens de parenté a accru l'isolement et l'anomie dont parlait Durkheim.

Le fait que la révolution ait cassé les 'cases' sociales dans lesquelles les gens étaient a du aussi beaucoup jouer.

Et puis avec l'amélioration des conditions de vie, les malheurs que l'on considérait comme inévitables sont devenus insupportables.

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Le souvenir ne disparait pas, il s'endort seulement.
Epitaphe trouvée dans un cimetière des Alpes

La science de l'histoire est une digue qui s'oppose au torrent du temps.
Anne Comnène, princesse byzantine (1083-1148)

Le passé fait plus de mal que le présent
Proverbe Albanais


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 Sujet du message : Re: L'histoire du suicide
Message Publié : 24 Juin 2013 8:42 
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Aponie a écrit :
Je ne suis pas assez savant pour mener plus à fond l'étude des représentations et des jugements sur le suicide, mais il serait bien intéressant d'étudier le rapport des collectivistes au suicide (communistes, utopistes: y a-t-il eu par exemple des tentatives de suicide dans l'histoire du familistère de Guise, et le cas échéant, quelles furent-elles les réactions ?).

Pour reprendre, d'abord, la pensée des collectivistes :
Michel Bakounine, dans L'Instruction intégrale (in L'Egalité, N°28-31, juin-juillet 1869), écrit par exemple que la révolte contre les lois naturelles passe par le suicide et affirme aussi que le suicide est un phénomène social (à l'instar 'de l'empoisonnement' et de 'l'homicide de fer') dont la reproduction annuelle ne peut être endiguée que par l'action de l'Etat en matière de changement politique. Pour un auteur comme Etienne Lesourd, qui a annoté les lettres de prison de Bakounine (Dans les griffes de l'ours, 2010), Bakounine a même envisagé de se suicider à un temps de sa vie.
Robert Owen reste dans un schéma plus traditionnel et considère le suicide comme l'un des pêchés modernes.
Charles Fourier a un rapport assez complexe au suicide, peut-être en raison de sa confrontation émotionnelle et personnelle à la question, comme lorsque sa fille Hortense menace de se suicider (voir J. Beecher). Le suicide est un 'mal inévitable' et même une 'nécessité sociale ' (Gatti de Gamond Zoé, Réalisation d'une commune sociétaire d'après la théorie de Charles Fourier, 1840, p. 57). Fourier écrit encore que le suicide résulte des 'jeux de hasard' (Fourier Charles, Oeuvres complètes, T. V, 1841, Livre II, Section III, p. 93). Nicholas Riasanovsky va même jusqu'à dire que, dans la pensée de Fourier, le suicide toucherait tout homme entrant en contact avec l'autre monde ou avec son existence précédente (Riasanovsky, The Teaching of Charles Fourier, p. 94).
Saint-Simon, enfin, pensa à se suicider (Reybaud Louis, Etudes sur les réformateurs contemporains ou socialistes modernes, 1841, p. 58), à l'heure de sa plus profonde misère. Reybaud s'appuie sur les mémoires du penseur et en cite un extrait en note de bas de page à l'appui.

J'attire aussi votre attention sur un ouvrage (que je n'ai pas lu) : De la manie du suicide et de l’esprit de révolte, de leurs causes et de leurs remèdes (1840) de Claude-Joseph Tissot.

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 Sujet du message : Re: L'histoire du suicide
Message Publié : 24 Juin 2013 8:56 
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Pierre de L'Estoile
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Dans une perspective Durkheimienne, tout porte à croire qu'un mode de vie collectiviste tendrait à réduire l'anomie et donc à annihiler ce dégoût de soi-même menant au suicide et entretenu par le système individualiste et capitaliste naissant du XIXe siècle.

Bien à vous.

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 Sujet du message : Re: L'histoire du suicide
Message Publié : 24 Juin 2013 9:05 
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Fustel de Coulanges
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Citer :
C'est le Code Pénal de 1810 qui dépénalise le suicide en France.


Il me semble que celui de 1791 n'en parle pas non plus.

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" Grâce aux prisonniers. Bonchamps le veut. Bonchamps l'ordonne ! " (d'Autichamp)


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 Sujet du message : Re: L'histoire du suicide
Message Publié : 24 Juin 2013 9:52 
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Georges Duby
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Exact, voir http://books.google.fr/books?id=n913K_T_Qt0C&pg=PT54&lpg=PT54&dq=le+suicide+dans+le+code+p%C3%A9nal+fran%C3%A7ais+de+1791&source=bl&ots=_YBl3-6ZgU&sig=v4JGFG1nvEMyKjtr0O2Jt1KM4CM&hl=fr&sa=X&ei=WATIUeKODIv20gWA4ICgCg&ved=0CEsQ6AEwBQ
Le Peletier de Saint-Fargeau n'a pas compris dans son projet de code pénal de 1791 le suicide dans la liste des infractions punissables et il ne figurera plus dans les lois pénales à ce titre.

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 Sujet du message : Re: L'histoire du suicide
Message Publié : 24 Juin 2013 10:19 
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Tite-Live
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La grande Ordonnance de procédure criminelle de 1670 définit à son titre XXII la manière de faire le procès à un cadavre ou à la mémoire d'un défunt . Il semble que le dernier procès fait à un cadavre de suicidé dans la juridiction de Rodez ait eu lieu en 1788.

TITRE XXII - DE LA MANIÈRE DE FAIRE LE PROCÈS AU CADAVRE OU A LA MÉMOIRE D'UN DÉFUNT.
Les cinq articles proposés dans ce titre ont été trouvés bons, et n’ont pas donné lieu à observations ; ils sont passés sans modifications dans l’ordonnance.
Article 1
Le procès ne pourra être fait au cadavre ou à la mémoire d'un défunt, si ce n'est pour crime de lèse-majesté divine ou humaine, dans les cas où il échet de faire le procès aux défunts, duel, homicide de soi-même ou rébellion à justice avec force ouverte, dans la rencontre de laquelle il aura été tué.
Article 2
Le juge nommera d'office un curateur au cadavre du défunt, s'il est encore extant, sinon à sa mémoire et sera préféré le parent du défunt, s'il s'en offre quelqu'un pour en faire la fonction.
Article 3
Le curateur saura lire et écrire, fera le serment, et le procès sera instruit contre lui en la forme ordinaire ; sera néanmoins debout seulement et non sur la sellette, lors du dernier interrogatoire, son nom sera compris dans toute la procédure, mais la condamnation sera rendue contre le cadavre ou la mémoire seulement.
Article 4
Le curateur pourra interjeter appel de la sentence rendue contre le cadavre ou la mémoire du défunt ; il pourra même y être obligé par quelqu'un des parents, lequel eu ce cas sera tenu d'avancer les frais.
Article 5
Nos cours pourront élire un autre curateur que celui qui aura été nommé par les juges dont est appel.


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 Sujet du message : Re: L'histoire du suicide
Message Publié : 24 Juin 2013 10:32 
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Pierre de L'Estoile
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Comment expliquer le procès d'un défunt ? Son âme est désormais vouée à être jugée par Dieu. Juger la mémoire ? Par punition ? Cela ne revient-il pas à douter de la justice divine ?

Bien à vous.

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 Sujet du message : Re: L'histoire du suicide
Message Publié : 24 Juin 2013 11:12 
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Philippe de Commines
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Bonjour

Alain.g a écrit :
Le monde post-chrétien actuel, européen tend à réhabiliter le suicide chez les personnes agées. L'ancien maire de Clermont-Ferrnd par exemple c'est suicidé parce qu'il trouvait que la vieillesse avait altéré ses facultés intellectuelles. Son geste a plutôt été admiré à Clermont en son temps, au nom d'une morale laîque


Peut-on (en quelque sorte) considérer l'euthanasie, lorsque la personne qui est euthanasiée a clairement dit qu'elle le désirait dans telles ou telles circonstances, comme un type particulier de suicide ??

Bien à tous.

_________________
Hugues de Hador.


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 Sujet du message : Re: L'histoire du suicide
Message Publié : 24 Juin 2013 11:22 
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Grégoire de Tours
Grégoire de Tours

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Aujourd'hui encore, quelqu'un qui attente à ses jours est particulièrement mal vu du reste de la société. Les gens ont tendance à lui porter mépris et haine.


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 Sujet du message : Re: L'histoire du suicide
Message Publié : 24 Juin 2013 11:49 
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Drouet Cyril a écrit :
Citer :
C'est le Code Pénal de 1810 qui dépénalise le suicide en France.


Il me semble que celui de 1791 n'en parle pas non plus.

Vous avez tout à fait raison : la décriminalisation date du Code Pénal de septembre 1791 mais la dépénalisation date de 1810.
Dans l'ouvrage de Dominique Godineau, S'abréger les jours, Le suicide au XVIIIème siècle (2012), il est d'ailleurs mentionné que cette question du suicide fut évoquée par Le Peletier de Saint-Fargeau (devant la Convention ?).

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