La notion de norme est fort ambiguë. Elle désigne en effet deux domaines tout à fait différents. D’abord, elle peut signifier ce qui doit être : elle impose, exige ou interdit. Mais en un second sens, la norme peut aussi désigner ce qui est. La norme est alors elle-même un fait, au sens où l'on dit que ce qui est normal correspond à ce qui existe dans l'ordre des choses.
La norme fait alors ici référence non plus à l'ordre du prescriptif ou de la loi, mais plutôt à la réalité de ce qui est : la règle, plutôt que la loi. C'est d'ailleurs l'origine étymologique du terme : en latin, « norma » veut dire « équerre, règle ». La règle désigne alors moins ce qui doit être que ce qui est, et même plus, ce qui ne peut pas ne pas être, ce qui est nécessaire, car l'ordre de la règle est encore différent du simple ordre des faits.
Il y a donc en réalité trois choses à distinguer : le fait, qui n'a rien à voir avec la norme, la règle, qui désigne la norme de ce qui est, la norme réelle, et enfin ce que l'on pourrait appeler la norme idéale, c'est-à-dire la norme de ce qui doit être.
En contre-jour, la norme s’impose comme univoque et ne souffre, prise en elle-même, d'aucune ambiguïté. Elle désigne le contraire de la norme, à la fois ce qui n'est pas conforme à la règle, ce qui est différent, spécial, exceptionnel, et ce qui s'oppose à ce qui doit être : elle signifie donc écart et déviance.
En résumé, la norme désigne l’ordre des choses : elle est l’attitude communément adoptée et transmise par la société aussi uniformément que les coutumes. En réalité, la règle est alors ce qui fait que l'on se conforme aux us et coutumes d'un pays, d'une nation, d'une société. L'individu entre alors dans un moule, agissant, pensant, ressentant comme on agit, pense, ressent dans la société où il se trouve.
La norme est donc ce qui homogénéise une société, qui favorise les ressemblances par rapport aux différences. Dans une société charpentée, institutionnalisée, la norme est chapeautée par le contrôlé social et couverte par l’Etat.
Cependant, la norme est contraignante dans le sens où elle oblige les individus à rentrer dans un processus de stéréotypage : on forme, voire on formate, un individu conforme à ce qu’on en attend, une espèce de reproduction, de clone du sujet idéal qu’on espère voir fleurir.
Vient alors celui qui vit en marge de la société, c'est celui qui ne ressemble pas, mais qui diffère, voire dérive. Il est en écart par rapport à la norme, ne se conformant pas au moule. Il est l'élément disparate de la société, le singulier, le bizarre, l'exceptionnel. Mais surtout il est l’incarnation du paradoxe : produit de la nature en même temps qu’être qui contrevient aux lois de la nature.
Le marginal se présente subséquemment comme un monstre social : il est un élément de la société qui nie ou renie cette société, quand sa marginalité est volontaire ; il est un élément de la société qui dérive vivant à la limite du champ social normatif quand sa marginalité est subie. Car qui dit norme énoncée, dit norme « dure » ( on tranche), et norme « molle » ( on contourne).
[b]En réalité donc, la norme constitue la mise en visiblité du sujet, et inclue par la-même son acceptation ou son rejet. La norme tranche en donnat soit une positition d'admis-intégré social, soit une position d'exclu marginal. [/b
Mais en quoi la norme joue dans le processus social et historique? La suite au prochain épisode ;-)
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