Calame a écrit :
Pour le coup, je me demande si on peut faire un rapprochement entre sirène (ou harpie ?) et le bâ, la matérialisation de l'âme (en gros) de la pensée égyptienne, figuré sous la forme d'un oiseau à tête humaine.
Sans hésiter : non.
D'une part, il s'agit quasi exclusivement d'êtres féminins. Et je ne tempère que par sécurité, je n'ai pas le souvenir d'avoir croiser dans ce contexte un piaf barbu. Comme pour les sphinx d'ailleurs, exclusivement féminins dans le monde grec (ou presque, pas sécurité encore une fois !).
D'autre part, ils ne sont jamais mis en scène, ce sont des figures statiques, hiératiques, qui décorent tout en marquant visuellement la vocation mortuaire de l'ustensile. Ils ne s'intègrent pas aux autres décors narratifs habituels (rites de funérailles, cortèges funèbres, éventuellement tableau des Enfers, etc.).
Lorsque l'âme est représenté (mais je n'arrive pas à mettre la mains sur un exemple), très tardivement, par exemple en compagnie d'un Hermès Psychopompe, il est représenté par un petit bonhomme ou dame ailé, mais pas du tout comme un oiseau à tête humaine. Et encore, ce genre de représentation ne me semble pas du tout ancienne.
Pour le vocabulaire, j'inviterai dans ce cas à n'employer ni "sirènes" ni "harpies", termes impropres. Sirènes et harpies représentent des être mythologiques, avec leur histoire, et leur histoire littéraire. Ces êtres, ces femmes-oiseaux (ou dames-oiselles
), sont anonymes ; elles n'ont pas de nom, pas de mythe, rien. Un cortège anonyme et passif.
De plus, les sirènes ne me semblent pas à l'origine affublés d'appendices aviaires (cf. encore une discussion de ce même forum mythologique, consacré à l'iconographie des sirènes), et leur évolution me semble lié encore une fois à une influence occidentale, en particulier étrusque, et sans doute sous l'influence justement de ces génie d'outre tombe, lorsque le mythe s'est fixé du côté de la Campanie (alors étrusque ou sous influence), à proximité immédiate de Cumes et de son entrée supposée dans l'Hadès.
A l'inverse, les Harpies (en tant que dames-oiselles) sont plus anciennes, à l'iconographie fixée dès l'origine (Homère, Hésiode) et sans ambiguïté (pas de métamorphose), et placées de l'autre côté de la Méditerranée, du côté de la Thrace, à proximité de Borée avec qui elles partagent de nombreuses affinités. De plus, leur rôle est très différent, divinités de la nature déchainée à l'instar de leur père Typhon, etc. Mais je connais moins bien, je ne me suis pas penché sur leurs cas.
Pour les Danaïde, oui, c'est bien à cela que je faisais allusion. Les autres personnages de l'amphore, humains, vivants ou morts, sont "normaux" (Héraclès, Sisyphe), seuls ces personnages sont affublés d'ailes, qui dénotent leur caractère divin ou du moins surhumain : ce sont bel et bien des génies, et non des femmes, encore moins des Danaïdes contrairement aux apparences. Ce qui est bien sur PH, c'est que les sujets ne sont qu'en suspends. Ils ont le temps de mûrir avant d'éventuellement repartir ! En l'occurrence, si je cerne beaucoup mieux les raisons du rapprochement entre les Danaïdes et ces archaïques génies infernaux, et la facilité de l'assimilation qui c'est soldé par une quasi disparition du mythe d'origine (en particulier, en raison de leur mariage avorté), ce dernier ne m'est par contre pas plus clair pour autant. Pausanias établit un lien avec les Mystères d'Eleusis, mais sans être lui-même initié, il n'y comprends rien et n'aide finalement pas beaucoup...