Un passage d'Alain Erlande-Brandenburg,
De pierre d'or et de feu, livre consacré à la création artistique au moyen-âge jusqu'au XIIIe s., mais qui fait un rappel sur l'antiquité, période où artiste, artisan et travail manuel sont peu distincts.
Citer :
La position sociale du sculpteur faisait l'objet d'un vaste mépris en raison de l'intervention manuelle qu'il exigeait. Sophocle, pourtant fils de sculpteur et ayant selon toute vraisemblance exercé le métier dans sa jeunesse, ne manifeste pas pour les artistes une grande estime. On les accuse même de ne pas être capables de comprendre la subtilité de leur métier. Les positions de Platon et d'Aristote ne sont guère plus encourageantes. Comme il se doit, l'inspiration est réservée aux poètes et aux musiciens, les arts visuels ne pouvant pas relever de l'enthousiasme divin. Les doctrines de l'un et l'autre philosophes sont bien connues. Pour le premier, le beau relève du monde des idées ; la beauté réside dans la pensée ; l'artiste doit tourner son regard, introduire et traduire non pas la réalité mais l'idée. L'imagination tient donc une place déterminante. Aristote défend une position différente en avançant la place déterminante de la mimesis (l'imitation).
Pour Platon, le livre X de la République est assez explicite à ce sujet.
Platon, La République, X, 598, c-d) a écrit :
Ainsi, mon cher ami, devons-nous l’entendre de tous ceux qui font comme ce peintre ; et lorsque quelqu’un viendra nous dire qu’il a trouvé un homme instruit de tous les métiers et réunissant en lui seul dans un degré éminent toutes les connaissances partagées entre les autres hommes, il faut lui répondre qu’il n’est qu’une dupe qui s’est laissé éblouir apparemment par quelque magicien, par un imitateur qu’il a pris pour le plus habile des hommes, faute de pouvoir distinguer lui-même la science de l’ignorance, la réalité de l’imitation.
(traduction Remacle)