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Quand j'ai parlé de mythes historiques, c'etait plutôt dans le sens de fait historiques authentiques non sujets à caution qui sont contés ou relatés selon une approche simplifiée ou correspondant à une representation fausse ou surfaite du passé.
Des généralisations abusives, des croyances véhiculées de complilateurs en compilateurs à partir d’un historien ou à partir de l’imaginaire d’une époque, de fausses évidences, des erreurs qui à force d’être répétées finissent par être prises pour des vérités, je pense qu’on est tous conscients que l’histoire en est pleine. Mais dès qu’un historien sérieux entreprend des recherches approfondies, examine toutes les sources disponibles et remonte à l’origine de ce qu’on peut bien appeler effectivement un mythe, on découvre toujours une réalité bien plus complexe et nuancée, voire une réalité totalement opposée. Mais peut-être faudrait-il distinguer entre certaines idées vagues et générales qui traînent et sont répétées à l’occasion dans des écrits superficiels (et dont certains se contentent par paresse ou par confort intellectuel ; d’autres fois aussi par nécessité vitale ou par orgueil national lorqu’ils sont acceptés par tout un peuple, besoin de création d’unité nationale par exemple), et ce qui relève vraiment des acquis de la recherche historique et à quoi tout esprit curieux peut se référer.
Quelques exemples pêle-mêle : la « décadence » de l’Empire romain (mais plus personne n’y croit à celui-là), les Grandes Invasions (pour la réalité des choses, une lente pénétration et une assimilation progressive des élites, voir Karl-Ferdinand Werner), une Jeanne d’Arc sortie de nulle part et reçue par le roi qui lui confie aussitôt une armée (non, il y a tout un contexte de croyances - au merveilleux, aux miracles - et de tradition royale d’accueil des prophétes et prophétesses. Jeanne n’était pas la seule). Et puis certains mythes ont la vie dure : le fameux « droit de cuissage », mythe dont la généalogie a été faite récemment par Alain Bourreau – il y a d’ailleurs une discussion sur le sujet ici-même, sur l’un des forums. A l’origine une confusion dans les termes, une erreur d’interprétation transmise sans réexamen.
Anecdotique : depuis notre enfance on connaît tous l’histoire des héroïques bourgeois de Calais, prêts à sacrifier leur vie pour sauver les habitants de leur ville. Par curiosité j’ouvre quelques histoires de France récentes et je lis encore sous la plume de Jean Favier : « Les six bourgeois exigés pour faire un exemple ne durent la vie sauve qu’à l’intervention de la reine… ». Non, ils n’ont jamais risqué leur vie, ni montré le moindre esprit de sacrifice. Tout cela n’est qu’une sorte de mise en scène codifiée, exigée par le roi d’Angleterre certes, mais parfaitement connue et acceptée de tous à l’époque, une forme obligatoire en quelque sorte.
Etc.
Tout cela est bien hétéroclite, je le reconnais, comme cela m’est venu à la lecture de la question, mais je crois que le mythe historique va facilement se nicher un peu partout, quelle que soit l’époque considérée. La liste pourrait être allongée sans difficulté. Et puis n’étant pas gratuit il est toujours intéressant de se demander à chaque fois quels intérêts ou quels besoins, conscients ou inconscients, il sert.
(Très intéressant justement le lien sur les mythes nationaux,
particulièrement le mythe national américain. Et puis on a aussi eu le nôtre).
(Un peu hors-sujet pour le domaine, mais il semble bien que le royaume du mythe, du mensonge éhonté même, dans notre société contemporaine, soit l’économie. Incroyable le nombre de vessies qu’on voudrait nous faire prendre pour des lanternes).