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Message Publié : 03 Juin 2009 10:13 
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Jean-Pierre Vernant
Jean-Pierre Vernant

Inscription : 17 Oct 2003 18:37
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Si nous avons une approche statistique, il me semble,… il me semble que, mathématiquement un bilingue, un multilingue comprendra mieux l’ensemble des langues, sa langue…je dis bien statistiquement.


Une fois de plus, "il vous semble". Notez bien que je ne vous contredis pas, je vous dis "n'affirmez pas, essayez de le démontrer, sinon, vous risquez de construire un château de cartes que le premier venu démolira en enlevant une carte de l'étage du bas". On pourrait tout aussi bien affirmer "qu'il est évident" qu'on maîtrise mieux une discipline en se concentrant sur elle qu'en se dispersant, et que c'est pareil pour une langue. Pour prendre un exemple, on ne maîtrise pas mieux l'aquarelle parce qu'on a tâté aussi de la peinture à l'huile.

Par ailleurs, vous ne pouvez pas mettre dans le même panier la connaissance des langues anciennes et le bilinguisme dans une langue vivante, régionale ou non : on ne les apprend pas de la même façon, ni dans le même but; a fortiori, à notre époque et au XVIIe siècle. Il me semble qu'avant de proclamer qu'être, mettons, bilingue français-russe aide autant à une meilleure maîtrise du français, que parler français et lire couramment Cicéron dans le texte (ou l'inverse), il faudrait l'étayer un peu. Or, dans vos exemples, tout cela est mis dans le même panier de bilingue, trilingue, multilingue, alors que ce ne sont pas du tout les mêmes rapports avec la langue "étrangère" en question, et qu'en plus ces mêmes langues n'ont pas du tout les mêmes rapports avec le français !

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Les « langues » cloisonnent verticalement la communication, pour une même langue, les différents « langages » la cloisonnent bien horizontalement :


Intéressant : dans le cas de votre projet, ça veut dire qu'il faudrait commencer par bien définir ce qu'est un monolingue, un bilingue, un multilingue, en fait, ce qu'on entend par maîtriser une langue. A notre époque, se proclame bilingue quiconque est capable de traiter un dossier professionnel en anglais... est-ce que ça suffit ? est-ce que ce travail sur la langue anglaise en fait un maître ès grammaire plus virtuose a priori dans n'importe laquelle des deux langues qu'il connaît ? Question.


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Message Publié : 03 Juin 2009 16:43 
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Fustel de Coulanges
Fustel de Coulanges

Inscription : 09 Août 2005 17:34
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A notre époque, se proclame bilingue quiconque est capable de traiter un dossier professionnel en anglais... est-ce que ça suffit ?

Sûrement pas! Par exemple, bien que mes professeurs de faculté ou d'éminents spécialistes (français et étrangers) en littérature anglaise aient prétendu publiquement que j'étais bilingue, je n'en ai jamais eu l'intime conviction ; tout au fond de moi-même, je sais que je n'ai jamais été parfaitement bilingue, et que je ne le serai jamais...
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maître ès grammaire
Attention! "ès" (qui signifie "dans les") ne s'emploie que devant un mot au pluriel : docteur ès-lettres, docteur ès-sciences, maître ès-arts, etc., mais docteur en droit et, ici, "maître en grammaire" tout simplement...

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"Le doute est le premier pas vers la conviction" (al-Ghazali, mort en 1111).


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Message Publié : 03 Juin 2009 19:16 
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Jean-Pierre Vernant
Jean-Pierre Vernant

Inscription : 17 Oct 2003 18:37
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Ah, bah tout le monde n'a pas ces scrupules. La grande mode étant de dire qu'il est inutile d'apprendre d'une langue autre chose que "ce qui sert pour le travail" - cf de nombreux échanges sur ce forum - il suffit de speaker english, wall street english (mon exemple rabâché, mais j'ai été traumatisé par le sourire niais de ces réclames, dans le métro) et on écrit "bilingue" sur le CV. Sachant pertinemment que l'employeur ne vous demandera pas de traduire ze Princess of Clèves in english.

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Attention! "ès" (qui signifie "dans les") ne s'emploie que devant un mot au pluriel : docteur ès-lettres, docteur ès-sciences, maître ès-arts, etc., mais docteur en droit et, ici, "maître en grammaire" tout simplement...


:oops: Je l'avais oublié. Disons alors qu'il suffit de rajouter un S à grammaire (grammaire de la langue 1 et de la langue 2) :P
Je voulais juste une formule volontairement ampoulée.


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Message Publié : 03 Juin 2009 21:35 
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Fustel de Coulanges
Fustel de Coulanges

Inscription : 09 Août 2005 17:34
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Je l'avais oublié. Disons alors qu'il suffit de rajouter un S à grammaire (grammaire de la langue 1 et de la langue 2)
Je voulais juste une formule volontairement ampoulée.

Vous avez bien raison de vous en tirer par une pirouette!
Lorsqu'une faute m'échappait en classe, et qu'un élève vigilant me le faisait remarquer, je commentais parfois (avec une mauvaise foi éhontée dont personne n'était dupe) "A la bonne heure! Quelqu'un a finalement réagi! J'avais fait cette faute exprès pour voir si quelqu'un la remarquerait...".

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Message Publié : 04 Juin 2009 5:07 
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Jean Mabillon
Jean Mabillon
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Inscription : 26 Juin 2008 8:11
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Deshays Yves-Marie a écrit :
Lorsqu'une faute m'échappait en classe, et qu'un élève vigilant me le faisait remarquer, je commentais parfois (avec une mauvaise foi éhontée dont personne n'était dupe) "A la bonne heure! Quelqu'un a finalement réagi! J'avais fait cette faute exprès pour voir si quelqu'un la remarquerait...".
Rusé comme un renard... lol


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Message Publié : 04 Juin 2009 5:21 
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Jean-Pierre Vernant
Jean-Pierre Vernant

Inscription : 17 Oct 2003 18:37
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Celle-là elle est épaisse comme un câble transatlantique, quand même !


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Message Publié : 04 Juin 2009 8:06 
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Fustel de Coulanges
Fustel de Coulanges

Inscription : 09 Août 2005 17:34
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Celle-là elle est épaisse comme un câble transatlantique, quand même !
Le contraste s'avère opérationnel pour valoriser les plus subtiles...

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Message Publié : 05 Juin 2009 22:49 
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Eginhard
Eginhard
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Inscription : 21 Nov 2008 17:01
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Localisation : Nevers
L'incapacité à perdurer de certaines langues locales doit aussi être jugée à l'aune de certaines réalités des territoires ruraux :
    - le morcellement des terroirs et de leurs langues : ex. Dans le massif du Morvan, pourtant pas très étendu mais où chaque déplacement est une expédition, on répertorie du nord au sud au moins trois formes principales du langage morvandiau, tant pour le vocabulaire que pour la prononciation.
    - l'exode massif : le Morvan, encore lui, a perdu plus de la moitié de sa population en moins d'un siècle.
    - l'évolution du cadre de référence et notamment les modifications du monde rural.

Du coup, pas étonnant que la langue morvandelle ne soit plus qu'un objet en voie de muséification et ne soit cultivée par que quelques originaux ou nostalgiques, ex-soixante-huitards opérant leur soi-disant retour au pays à l'occasion de leur retraite (je dis soi-disant car il s'agit la plupart du temps d'un retour avec une voire deux générations de décalage).

Il reste néanmoins des traces, maigres mais réelles, dans le parler local : des expressions, des mots et surtout un accent inimitable.


Afin d'illustrer mon propos, mais surtout pour le plaisir, je ne résiste pas à vous relater cette conversation entendue il y a quelques décennies ; elle met en scène un morvandiau et un nivernais (comprenez les habitants de deux villages situés à quelques kilomètres l'un de l'autre, mais l'un dans la montagne et l'autre sur le plateau au pied) :
    le morvandiau - Pour ailer ché l'Pè Fançoué, paisse-don l'sautiau dans la trace, (pour aller chez le Père François, emprunte le sautiau dans la trace)
    le nivernais - Qué donc qu'te dis ? (qu'est-ce que tu veux dire ?)
    le morvandiau (faisant un effort de traduction afin de se faire comprendre) - ben vouais, je parlins de l'échailler dans la bouchue (ah oui, je parlais de l'échallier dans la bouchue).

Les deux expressions sont synonymes, elles définissaient un espalier fixe de bois (le sautiau ou l'échailler) qui interrompait une haie (la trace ou la bouchue), permettant à l'homme de passer en grimpant dessus, mais infranchissable par les bêtes.

Aujourd'hui les haies se sont faites plus rares mais marquent encore le paysage, quant aux sautiaus ou aux échaillers, je compte sur les doigts d'une main ceux que j'ai vu lors de mes déplacements quasi-quotidiens en Nivernais et en Morvan.


Derrière l'anecdote, voilà autant de raisons qui concourent à la perte d'une langue locale : morcellement des terroirs, hémorragie démographique, évolution du cadre de référence ...

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Heureux ceux qui savent rire d'eux-mêmes, ils n'ont pas fini de rigoler !


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Message Publié : 06 Juin 2009 10:43 
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Jean-Pierre Vernant
Jean-Pierre Vernant

Inscription : 17 Oct 2003 18:37
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(En Bourbonnais, on parle aussi d'échailler et les haies sont appelées bouchures. :wink: )
Je ne classerais pas l'évolution du contexte comme facteur de déclin d'une langue : les langues modernes ont dû faire face à tous les bouleversements de contexte depuis longtemps, elles ont oublié certains mots, créé d'autres à mesure. Pour qu'une langue se perde parce que son vocabulaire est hors d'usage, il faut qu'elle n'ait déjà, pas assez de dynamisme pour en inventer d'autres...
Je ressens une sorte d'émotion, lorsque je croise un mot ou une tournure familières d'autrefois, comme "tube" pour chapeau, "rosto" (bec de gaz), des mots qui appartenaient au "parler djeunz" de leur époque - et qui ont suivi leurs locuteurs dans l'ombre et la poussière. D'autres sont arrivés et d'autres arriveront encore (ma signature :mrgreen: )


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Message Publié : 30 Juin 2009 0:34 
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Hérodote
Hérodote

Inscription : 02 Avr 2008 8:25
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Je ne sais pas si mon message contribuera à rendre cette discussion encore plis intéressante qu'elle ne l'est déjà, mais je me lance ...

Je pense que différentes raisons sont à la base de la disparition des patois régionaux !

Premièrement l'école obligatoire, c'est absolument évident !

Ensuite il y a le service militaire : on se retrouve avec personnes provenant de régions différentes régions, chacun parle son patois, on ne se comprend ... on a recours au français ! Les ordres sont donnés en français ! On instruit les personnes non instruites ... toujours en français !.

Je parlerais aussi de l'urbanisation, l'élévation dans l'échelle sociale, l'exode vers la région parisienne, la presse, la radio, la télévision ...

Pour ma part, je ne parle que la langue française standard ... par contre je maitrise couramment la dialecte des régions dont sont originaires mes parents (Kosovo pour mon père, et Nord-Est de l'Albanie pour ma mère). En fait, j'ai énormément de mal avec la langue albanaise standard :mrgreen: même si ça va de mieux en mieux.


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Message Publié : 30 Juin 2009 6:58 
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Polybe
Polybe

Inscription : 06 Fév 2006 13:51
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C'est que la disparités des situations en France est importante, le Corse bénéficie de son insularité et le pays basque des quatres provinces du sud où le basque est très encouragé, obligatoire à l'école et indispensable pour rentrer dans la fonction publique.
Le basque est à l'opposé de langues à la situation préoccupante comme le breton il connaît un renouveau et un dynamisme certain .

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"potius mori quam faedari"


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Message Publié : 09 Juil 2009 20:30 
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Thucydide
Thucydide
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C'est malheureusement un exemple bien isolé.

J'abonde dans le sens d'un intervenant qui s'est exprimé en début de fil sur le rôle social qu'a pu jouer la langue française. Cela est d'autant plus vrai dans des régions où s'affirme une différence culturelle forte, comme le Pays basque ou la Corse, chacune à des périodes différentes. Le français y est alors un vecteur de promotion, et manier la langue de la manière la plus parfaite possible est ressenti comme un moyen de s'imposer socialement. L'école y a joué un rôle important, de manière parfois inconsciente, de même que les populations locales.

_________________
« Cela est bien dit, répondit Candide, mais il faut cultiver notre jardin. »
Candide, Voltaire, 1759.


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Message Publié : 09 Juil 2009 23:35 
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Salluste
Salluste
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Inscription : 22 Sep 2005 21:14
Message(s) : 237
L'artichjoccu a écrit :
C'est malheureusement un exemple bien isolé.

J'abonde dans le sens d'un intervenant qui s'est exprimé en début de fil sur le rôle social qu'a pu jouer la langue française. Cela est d'autant plus vrai dans des régions où s'affirme une différence culturelle forte, comme le Pays basque ou la Corse, chacune à des périodes différentes. Le français y est alors un vecteur de promotion, et manier la langue de la manière la plus parfaite possible est ressenti comme un moyen de s'imposer socialement. L'école y a joué un rôle important, de manière parfois inconsciente, de même que les populations locales.

Oui mais il y'a une distinction entre maîtriser une langue qui permet un promotion sociale (le français jadis, l'anglais aujourd'hui) et l'imposition de cette langue par des méthodes quasi totalitaires, du moins assez autoritaires. Que les enfants de la République parlent le français, soit, qu'on aille brimer l'individu qui emploie une langue locale comme c'était le cas dans les années 50, c'est clairement une étape supplémentaire.

Quant au cas du bilinguisme, je ne sais pas si il est nécessaire de comprendre Shakespeare dans le texte pour l'être car ça sous-entend alors qu'en tant que francophone il faut comprendre la subtilité des auteurs français ce qui est loin d'être le cas de la majeure partie de la population. La bonne maîtrise de la langue maternelle étant déjà sujet de débat, il ne faudrait peut-être pas être trop élitiste sur la notion de bilinguisme, je suis tenté de dire que échanger avec l'autre sur un éventail important de sujet c'est déjà bien.

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"Les vieux se répètent et les jeunes n'ont rien à dire. L'ennui est réciproque." Jacques Bainville


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Message Publié : 10 Juil 2009 20:32 
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Thucydide
Thucydide
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Inscription : 11 Mai 2007 21:26
Message(s) : 38
Sven a écrit :
Oui mais il y'a une distinction entre maîtriser une langue qui permet un promotion sociale (le français jadis, l'anglais aujourd'hui) et l'imposition de cette langue par des méthodes quasi totalitaires, du moins assez autoritaires. Que les enfants de la République parlent le français, soit, qu'on aille brimer l'individu qui emploie une langue locale comme c'était le cas dans les années 50, c'est clairement une étape supplémentaire.


Certes, mais ai-je sous-entendu le contraire ?

Je fais simplement remarquer que les méthodes coercitives qui ont pu être employées ci et là pour laisser place au français au détriment des langues régionales ne sauraient suffire à expliquer le déclin ou la disparition de ces dernières. La participation active mais inconsciente des locuteurs de certaines de ces langues dans le déclin de leur propre langue joue un rôle qui n'est pas non plus négligeable.

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Candide, Voltaire, 1759.


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