Nous sommes actuellement le 23 Avr 2024 19:24

Le fuseau horaire est UTC+1 heure




Publier un nouveau sujet Répondre au sujet  [ 21 message(s) ]  Aller vers la page 1, 2  Suivant
Auteur Message
 Sujet du message : Mer Rouge (origine du nom)
Message Publié : 18 Mars 2009 14:35 
Bonsoir, pour quelle raison qualifie t-on cette étendue d'eau de 450 000km² de "Rouge"?

Merci.


Haut
  
Répondre en citant  
 Sujet du message : Re: Mer Rouge (origine du nom)
Message Publié : 18 Mars 2009 14:57 
Hors-ligne
Pierre de L'Estoile
Pierre de L'Estoile

Inscription : 22 Août 2008 14:17
Message(s) : 2324
Déjà traité. Voir à http://www.passion-histoire.net/viewtopic.php?f=40&t=6242&hilit=mer+noire

_________________
"L'histoire serait une chose merveilleuse si seulement elle était vraie."
Léon Tolstoï.


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
 Sujet du message : Re: Mer Rouge (origine du nom)
Message Publié : 19 Mars 2009 9:12 
Hors-ligne
Pierre de L'Estoile
Pierre de L'Estoile

Inscription : 11 Juin 2007 19:48
Message(s) : 2289
Du moins abordé, mais loin d'être clôt ! ;)

Le nom de la Mer Rouge est une traduction littérale du latin Mare Rubris.
Les Romains eux-mêmes empruntèrent ce nom aux Grecs en traduisant littéralement Erythrê thalassa, mer Erythrée (Rouge), bien attesté dès le début du Ve (Eschyle, Pindare, puis Hérodote, etc.).
Que ce soit les Grecs ou les Romains, son sens était alors beaucoup plus vaste, englobant toutes les étendues d’eau du sud-est, correspondant donc à notre Océan indien, y compris les deux golfes que sont le golfe Persique et le golfe Arabique (notre actuelle mer Rouge). Au sud, elle s’étendait le long de la côte africaine jusqu’à se mêler dans l’Atlantique (même s’ils ne savait pas où se faisait la jonction), et vers le nord est, elle s’étendait jusqu’à ce qu’elle joigne le supposé l’Océan septentrional, ou Scythique. Vaste zone donc.

Là s’arrêtent les certitudes. Commencent les suppositions diverses et variées, parfois loufoques, des Anciens comme des Modernes. Autant le dire tout de suite : son étymologie reste toujours mystérieuse, et nous n’aurons sans doute jamais de certitude…
La question est donc: pourquoi les Grecs l'ont-ils appelés Mer Rouge ?

Nous pouvons regrouper les théories en deux grands groupes.
Primo, les « pragmatiques » disons : « Pourquoi mer Rouge ? » -- « Ben parce qu’elle est rouge ! quelle question… ».
Secondo, le « éponymes » plus poétiques : « Pourquoi mer Rouge ? » -- « Il était une fois il y a très très longtemps dans un pays lointain un homme qui… blablabla… et il donna son nom à la mer »

Abordons le cas des Pragmatiques.
Au premier niveau, pour eux donc, son nom provient le plus simplement du monde de la couleur de ses eaux « parce que ses eaux sont rouges » (Pomponius Mela, Cosmogonie III.8). Telle est (déjà) l’opinion populaire de l'Antiquité (rapportée par Pline VI.28.1 ; Quinte Curce X.1.13).
Evidemment, la réplique du sceptique ne se fera pas attendre : « Il est certain que la mer qui baigne l'Inde n'a pas une couleur différente de celle des autres mers » (Quinte-Curce VIII.9).

Mais les Pragmatiques ne désarment pas pour autant et avancent bien des arguments pour corroborer leur opinion…
Selon les uns, cela vient en fait de ce que « ses eaux semblent se colorer en rouge par l'effet de la réfraction de la lumière […] qui vient directement du soleil quand cet astre est parvenu au point le plus élevé de sa course » (Strabon, XVI.4.20, citant Artémidore), repris par Pline VI.28.1.
Selon d’autres, cela provient de la lumière « que dégagent les rochers du littoral chauffés et rougis par les feux du jour » (Strabon, idem) ou directement de la couleur des côtes (peut-être déjà dans Eschyle, cité par Strabon 1.2.27 : « [Là tu verras] l'Érythrée rouler ses flots sacrés sur un sable rougi » ; sinon Pline VI.28.1).
Plus farfelue, l’opinion de Ctésias de Cnide, grand fantaisiste s’il en est : « Artémidore cite encore l'opinion de Ctésias de Cnide, lequel croit plutôt à l'existence d'une source déversant dans la mer une eau rougeâtre et chargée de minium » (Strabon, XVI.4.20), complété par Solin, Polyhistor 34, citant Varron se référant au même Ctésias : « […] Varron […] affirme que sur le rivage de cette mer il y a une source qui change la nature de la toison des brebis qui y boivent : de blanches qu'elles étaient, elles prennent bientôt après une couleur noire. »

Ce genre d’argumentation pertinente (sic) continue à tenir le haut du pavé de nos jours, avec quelques nouvelles théories tout aussi fumeuses mais ô combien populaires : « c’est à cause des algues », « c’est à cause du corail » (oubliant au passage que le corail de la mer Rouge est blanc, contrairement à celui de la Méditerranée), et j’en oublie sans doute…

Passons au clan suivant, les Eponymes.
Un peu passé de mode, mais en très grande faveur dans l’antiquité. Le principe consiste à trouver un illustre personnage qui aurait donné son nom au territoire sur lequel il se serait distinguer pour une raison ou une autre.
Manque de bol, les candidats se bousculent au portillon…

Premier candidat en lice :
Un certain Erythras, fils de Persée et d’Andromède. « Artémidore mentionne aussi l'opinion qui fait d'Erythras un fils de Persée et qui le fait régner sur toute cette contrée. » (Strabon XVI.4.20), repris encore une fois par Varron cité par Solin qui précise le nom de la môman. Le rapport me direz-vous ? Facile : Andromède est la fille du roi d’Ethiopie Céphée. Et voilà comment les Grecs intègrent un espace par le biais d'une généalogie héroïque. Sans doute la version la plus ancienne, 100% grecque. A remarquer que dans cette optique, c’est la côte africaine qui prime, non la côte asiatique (détail qui aura son importance un peu plus bas dans mon exposé).

Second candidat, de loin le favori des Antiques, issue d’une légende d’origine carmanienne :
Le roi Erythras, enterré sur une petite île perdue au large de la Carmanie. La légende est transmise par un intermédiaire perse, mais sans doute d’origine locale, et fut portée à la connaissance du monde grec vers 325 avant notre ère lors des navigations de l’armée macédonienne dans le golfe Persique sous la conduite de Néarque, popularisée par les récits complémentaires mais parfois différents de ce dernier et du pilote Onésicrite qui l’accompagnait. Les deux marins auraient au cours de leur odyssée recueillis les propos du Perse Mithropastès, ex-satrape de Phrygie exilé sur place et qui régala complaisamment ses hôtes de quelques récits locaux.
Je cède la parole au décidément irremplaçable Strabon, XVI.3.5 : « A 2000 stades, maintenant, au sud de la Carmanie, en pleine mer, Néarque et Orthagoras placent l'île de Tyriné, et, dans cette île, ils signalent certain tertre élevé, ombragé de palmiers sauvages, comme étant soi-disant le tombeau d'Erythras. Néarque ajoute qu'Erythras, ancien roi de la contrée, est le même qui laissa son nom à la mer Erythrée, et qu'Orthagoras et lui avaient recueilli ces détails de la bouche de Mithrôpastès, fils d'Aréinos, le satrape de Phrygie. Contraint de fuir la colère de Darius, Mithrôpastès avait, paraît-il, résidé pendant un certain temps dans cette î1e ; puis il avait eu occasion, quand les chefs de la flotte macédonienne avaient pénétré dans le golfe Persique, de s'aboucher avec eux, et il leur avait demandé alors de lui fournir les moyens de rentrer dans son pays. ». Cette version très populaire sera dorénavant suivie par Quinte-Curce (X.1.13-15 et VIII.9), Arrien (Inde.37.3), Dion Cassius (laconique, en LXVIII.38), Pline (VI.39.10), Pomponius Mela (III.8), Priscien (Périégèse), dans le désordre et sans doute sans exaustivité. La seule variation est liée au nom de l’île où repose le corps du défunt roi, généralement appelée non pas Tyriné, mais Ogyris (ou Oaracta dans Arrien). Cette fois-ci, le centre de gravité bascule sur la côte asiatique.

Troisième candidat, sans doute le même que le précédent mais issu cette fois d’une nouvelle version postérieure (fin IIe av.), purement perse, qui récupère à son compte le personnage précédent en l’enrichissant de certains détails.
Strabon XVI.4.20 (citant Artémidore, se référant à Agatharchide, citant lui-même certain Boxos, Perse de nation. Bonjour les intermédiaires…) : « [Artémidore] cite de même tout au long ce qu'Agatharchide, compatriote de Ctésias, dit avoir recueilli de la bouche d'un certain Boxos, originaire de la Perse, au sujet du Perse Erythras, [gardien] d'un des haras [royaux]. Une lionne, exaspérée par la piqûre d'un taon, avait chassé devant elle jusqu'à la mer, voire plus loin, jusque dans une île qu'un bras de mer sépare de la côte, toutes les bêtes du haras. Erythras s'était alors construit un solide radeau, et il avait passé dans l'île où jamais homme avant lui n'avait mis le pied. Il l'avait trouvée pourvue de tous les avantages qui rendent une terre habitable, si bien qu'après avoir ramené à terre le troupeau fugitif il s'était occupé de réunir une colonie, et cette colonie avait peuplé, non seulement l'île en question, mais plusieurs autres îles encore des mêmes parages, ainsi que la côte qui leur fait face ; après quoi il avait donné son nom à la mer elle-même. »
Un des points qui me semblent intéressant dans ce récit laconique, c’est l’importance inattendu donnée à la traversée du bras de mer (« construit un solide radeau », « jamais homme avant lui n’avait mis les pied »). Aussi suis-je tenté d’en faire l’inventeur de la navigation cité par Pline VII.57.15 « auparavant on naviguait sur des radeaux inventés dans la mer Rouge pour la navigation entre les îles, par le roi Érythras » qui suivrait donc lui aussi Agatharchide dans ce passage.

Quatrième et dernier candidat, isolé :
Philostrate, Vie d’Apollonios de Thyane III.35 : « Il existe une ancienne loi au sujet de la mer Érythrée : elle a été portée par le roi Erythras, alors qu'il régnait sur toute cette mer. D'après cette loi, les Égyptiens ne doivent pas y naviguer avec des vaisseaux longs, ils n'y doivent avoir qu'un seul vaisseau marchand. Que firent les Égyptiens? Ils imaginèrent un vaisseau qui leur tint lieu de plusieurs autres; ils observèrent les proportions convenables pour la carène, mais ils élevèrent les côtés, prirent un mât plus grand, firent sur le pont un plus grand nombre de cases, y mirent plusieurs pilotes sous la direction du plus âgé et du plus expérimenté, quelques-uns devant se tenir à la proue, les plus habiles et les plus adroits devant monter aux voiles. Dans ce navire, il y a aussi une force armée; car il faut qu'il soit prêt à résister aux Barbares qui occupent le côté droit de notre golfe, et qui peuvent l'attaquer pour le piller. »
Personnage réel ou imaginaire, pour qu’il puisse dicter sa loi au commerce égyptien, cet Erythras-là doit contrôler les détroits entre golfe Arabique et mer Rouge, donc du côté du Yémen. Il ne peut donc s’agir des deux précédents asiatiques. Ceci-dit, Philostrate peut avoir ici mêler une vieille tradition égyptienne concernant antique seigneur des mers anonyme, qu’il a mâtiné avec la tradition grecque désormais traditionnelle : le roi qui domine les mers se nomme Erythras, éponyme de la mer.

Quatre versions donc, quatre héros homonymes, quatre nationalités (un Greco-Ethiopien, un Carmanien, un Perse, un Arabe…). Peut-on en déduire quoi que ce soit concernant l’étymologie réelle qui nous intéresse, c’est-à-dire, peut-on préciser l’origine géographique de l’étymologie ? Qui fut le premier « Erythras », qui inspira les autres versions en les adaptant aux contextes locaux ? J’élimine d’entrée de jeu le personnage trois, le Perse, parce que la récupération du mythe Carmanien est patente.

Une seule chose évidente à l’issu de cette recension : le Grecs ne savent pas du tout pourquoi ils utilisent cet adjectif, « Erythrée », pour désigner cette mer. Aussi, je penche personnellement pour une origine étrangère, soit par traduction (la mer « rouge » d’un autre peuple), soit par assimilation (une mer dont le nom prononcé dans cette autre langue ressemble vaguement à « é/r/i/t/r/é »).

Mais qui ? Les mythes ne nous aident pas beaucoup, puisqu’ils lui donnent tantôt une origine asiatique (le Carmanien), tantôt une origine arabe, tantôt une origine africaine (le fils de Persée).

Il fut remarqué que dans les traditions des nomades des steppes (et par contamination dans toute une ribambelle de peuples allant de la Chine à l’Iran en passant par les Turcs (qui sur ce principe baptiseront le Pont-Euxin Mer Noire lorsqu’ils s’installèrent en Asie Mineure) et les Mongols), les points cardinaux sont associés à des couleurs.
Aussi, peut-on faire l’hypothèse que la mer « Rouge » est synonyme de mer « du Sud » dans l’imaginaire perse, et que par conséquent, l’origine du nom provient de la côte nord, du golfe persique, avant d’être étendu à l’actuelle mer Rouge.
Pour appuyer cette théorie, on cite Hérodote II.158 qui donne mer Erythrée comme synonyme de mer du Sud. L’argument n’a aucun poids : « Pour aller de la mer du Nord [la Méditerranée] à la mer du Sud, qu'on appelle aussi mer Érythrée, on prend par le mont Casios, qui sépare l'Égypte de la Syrie : c'est le plus court. » Il ne s’agit pas de noms usuels mais de repère géographique par rapport à un point de référence, le Sinaï : les Grecs et Hérodote n’ont bien évidemment jamais appelés la Méditerranée « mer du Nord » !
Mis à part la récupération malheureuse d’Hérodote hors contexte, j’y vois pour ma part de nombreuses objections : d’un part, linguistique et culturelle : j’ignore absolument si les cultures de la côte persique pré-achéménide (puisqu’il nous faut remonter au moins au VIe, puisque le nom est bien imposé et généralisé au Ve) usent de cette symbolique attestée seulement des siècles plus tard et sous d'autres latitudes, et je doute que ce soit prouvable. D’autre part, j’ignore comment les Perses achéménides eux-même (et leurs héritiers directs iranophones, je pense en particulier aux Sassanides) nomment dans leurs inscriptions l’Océan qui borde leur empire, mais visiblement il n’est pas question de « Rouge ». Enfin, chronologiquement, cette proposition suppose que les Grecs aient eu des contacts maritimes avec l’Océan indien d’abord par l’intermédiaire du Golfe Persique, et que ce n’est qu’après coup qu’ils atteignent la mer Rouge proprement dite, à laquelle ils étendirent improprement la dénomination perse. Or, à ma connaissance, si les Grecs fréquentent assidûment l’Egypte au moins depuis le VIIIe, ils ne sont concernés par le Golfe persique qu’avec les conquêtes Achéménides, en particulier lors des transferts de certaines populations sous Cyrus, donc bien plus tard et à une bien moindre échelle. Par ailleurs, la version asiatique n'apparait dans le monde grec que brutalement en 325, alors qu'auparavant (mythe du fils de Persée), la tradition place Erythras en Ethiopie (= côte soudanaise), donc désigne surtout la côte sud, avant d'être étendue au nord.
Aussi, cette théorie, certes ingénieuse mais tarabiscotée et démentie par la chronologie, me semble particulièrement fragile, pour ne pas dire gratuite (comme les autres, cela va sans dire).

Pour ma part, je chercherai donc plutôt une origine du côté de l’Egypte/Arabie, mais sans apporter une quelconque réponse, par ignorance des langues sémitiques et des textes égyptiens. Apparemment, la Bible ne qualifie pas ce bras de mer de Rouge ou d’«é/r/i/t/r/é » (mais qu’en est-il des autres Sémites ? Les Hébreux sont loin d’être concernés…), ni les Egyptiens.
Il a été signalé qu’une des tribus yéménite riveraine célébrées dans les textes gréco-latins à l’époque hellénistique, les Himyarites ou Homérites, seraient à rapprocher étymologiquement de « rouge » dans la langue locale. Joint à l’allusion de Philostrate concernant un roi des mer Erythras dans ce coin-là, et la proximité de l'Ethiopie de Persée, on a voulu y voir l’origine du nom.
Pourquoi pas, mais au prix d’un anachronisme aberrant : le Yémen archaïque étant quasi inconnu, rien n’autorise à généraliser la situation de la fin du IIe siècle avant JC aux siècles antérieures.

Bref, des idées, mais pas de réponse, à mon avis.


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
 Sujet du message : Re: Mer Rouge (origine du nom)
Message Publié : 19 Mars 2009 10:14 
Ma remarque ne sera peut-être pas nécessairement pertinente mais il me semble que Jules Verne dans "Vingt Mille Lieues sous les mers" nous parle de Tor, un détroit il me semble. La teinte rouge des eaux qui le composent aurait donné "la Mer Rouge".


Haut
  
Répondre en citant  
 Sujet du message : Re: Mer Rouge (origine du nom)
Message Publié : 19 Mars 2009 12:21 
Hors-ligne
Pierre de L'Estoile
Pierre de L'Estoile

Inscription : 22 Août 2008 14:17
Message(s) : 2324
Une autre explication existe : "Mer Rouge" viendrait de son ancien nom 'hébreu, "Yam Suph", qui signifie "la mer des roseaux", en référence à la partie nord (égyptienne) de la mer. La traduction anglaise, "Reeds sea", serait devenue par déformation "Red Sea", c'est-à-dire la "mer rouge".

_________________
"L'histoire serait une chose merveilleuse si seulement elle était vraie."
Léon Tolstoï.


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
 Sujet du message : Re: Mer Rouge (origine du nom)
Message Publié : 19 Mars 2009 12:43 
Hors-ligne
Pierre de L'Estoile
Pierre de L'Estoile

Inscription : 11 Juin 2007 19:48
Message(s) : 2289
8-| euuh...
Personne n'a attendu les traductions anglaises de la Bible hébraïque (au XVIe ?) pour faire mention de la Mer Rouge...


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
 Sujet du message : Re: Mer Rouge (origine du nom)
Message Publié : 19 Mars 2009 13:51 
Donc aucune réponse absolue. Tout le monde emploiera donc ce qualificatif sans savoir le réel pourquoi? ;)


Haut
  
Répondre en citant  
 Sujet du message : Re: Mer Rouge (origine du nom)
Message Publié : 19 Mars 2009 14:00 
Hors-ligne
Grégoire de Tours
Grégoire de Tours
Avatar de l’utilisateur

Inscription : 17 Août 2007 22:09
Message(s) : 594
Thersite a écrit :
Ce genre d’argumentation pertinente (sic) continue à tenir le haut du pavé de nos jours, avec quelques nouvelles théories tout aussi fumeuses mais ô combien populaires : « c’est à cause des algues », « c’est à cause du corail » (oubliant au passage que le corail de la mer Rouge est blanc, contrairement à celui de la Méditerranée), et j’en oublie sans doute…


Pourquoi fumeuses ? Une algue (la Trichodesmium erythraeum) que les plongeurs connaissent a comme particularité de laisser une pellicule rouge à certaines pèriodes, à la surface des eaux où elle se trouvent donnant l'impression que l'eau elle même est rougeatre or la mer rouge en abrite suffisamment, si l'on y ajoute la couleur des montagnes qui entourent cette mer, on ne doit pas être loin du compte. Pragmatisme et fumisterie ou logique ? Mais c'est sans aucun doute beaucoup trop simple quand une recherche historique -bien qu'intéressante- peut donner des explications qui ne sont pas moins incontestables.

_________________
Attila fit assassiner Bleda pour devenir l'hunnique empereur. :rool:


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
 Sujet du message : Re: Mer Rouge (origine du nom)
Message Publié : 19 Mars 2009 21:38 
Hors-ligne
Grégoire de Tours
Grégoire de Tours

Inscription : 18 Nov 2008 22:34
Message(s) : 638
jibe a écrit :
Une autre explication existe : "Mer Rouge" viendrait de son ancien nom 'hébreu, "Yam Suph", qui signifie "la mer des roseaux", en référence à la partie nord (égyptienne) de la mer.
Si j'ai bien compris, en hébreu Yam fait référence à une grande étendue d'eau salée ou pas; cela me fait penser à ouadj our en égyptien. Yam Suph n'est pas nécessairement en relation avec l'actuelle mer Rouge.


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
 Sujet du message : Re: Mer Rouge (origine du nom)
Message Publié : 19 Mars 2009 21:46 
Hors-ligne
Pierre de L'Estoile
Pierre de L'Estoile

Inscription : 11 Juin 2007 19:48
Message(s) : 2289
Sedullos a écrit :
Pourquoi fumeuses ?

Pour deux raison.

1) Qui a été témoins de ce soit-disant phénomène spectaculaire (à part le capitaine Nemo dans la baie perdue de Tor...), de toute manière éphémère et localisé ? N'ayant jamais eu l'occasion de faire une croisière sur place, j'interroge systématiquement toute personne qui en revient. Aucun témoin (mais bon, mes interlocuteurs n'ont pas été des centaines non plus...). Un temps, j'ai eu la chance de pouvoir fréquenter un moniteur de plongée, dont une partie du gagne pain consistait en croisières sur la mer Rouge: il ricannait, la couleur de l'eau était la blague récurrente de son groupe. Je jette un oeil sur les photos des sites internets: l'eau est magnifique, très clair... et très bleue. Et quand enfin, au détour de bien des pérégrinations netiennes, je tombe sur des photos de ces proliférations d'algues, me voilà face à un gros plan d'une pauvre flaque... Bref: qui peut me certifier que les eaux de la mer ROuge sont effectivement soumises à ce phénomène naturel à une quelconque grande échelle, suffisament spectaculaire et récurrent pour devenir l'adjectif qualifiant un espace maritime immense... ce que les Grecs ne font pourtant jamais, ou très rarement.

2) Passons, et admettons. La Mer Rouge est rouge à cause de la prolifération de Trichodesmium erythraeum. Mais notre Mer Rouge n'est qu'une infime fraction de la mer Rouge antique ! Prolifération dans le Golfe Persique ? Prolifération dans l'Océan Indien ?

Le problème de ces étymologies, c'est que nous ne sommes absolument plus dans le domaine de l'histoire mais de la littérature. A la question "Pourquoi" nous répondons "Pourquoi pas" et chacun exerce son imagination pour bidouiller une réponse qui lui convienne. Si par un caprice, cette mer ce fut nommé "mer Rose", on nous expliquerait que le soleil se levant à l'est baigne cette mer d'une charmante couleur rose qui se réfléchi sur les dunes de sable blanc, d'où son nom... Si elle s'appelait "mer Blanche", ce serait à cause des récifs coraillens qui tapissent le sol et des dunes de sables... "Verte", "Jaune", "Dorée", si on cherche, on trouvera des "explications" "logiques".
Il suffit de jeter un oeil sur la mer Noire et les fadaises qui continuent à se colporter (il suffit de jeter un oeil sur les forums internet...).
- l'aviateur dira "c'est parce que l'eau est très profonde, plus profonde qu'ailleurs, et donc plus sombre"
- le pêcheur répliquera, une larme à l'oeil, que "C'est une hommage aux marins morts en mer; en signe de deuil, elle fut qualifiée de noire"
- le météorologue certifiera que "les tempêtes violentes de la mer Noire accumulent des masses de gros nuages tout noirs qui donnèrent leur nom à la mer"
- le rat de laboratoire haussera les épaules et répliquera, analyse hydrique et schémas à l'appui, que "les sulfides d'hydrogène concentrées à 200 mètres de profondeur a entrainé la présence de populations microbiennes uniques, responsables de la coloration noire des sédiments marins et donc à l'origine du nom de la mer"
- pour rester dans le domaine des algues, le botanistes démontrera que "la faible salinité entraîne une prolifération du plancton marin et trouble ainsi l'eau beaucoup moins claire qu'en Méditerranée, d'où le surnom de noire"
etc.

La seule possibilité d'au moins opérer un tri entre tout ce schmiblick est de prendre une perspective historique: l'explication envisagée doit être valable dès l'origine et compatible avec les connaissances et la mentalité des premiers locuteurs.
En l'occurence, le coup très localisé des algues et passablement anecdotique me semble incompatible avec l'immensité de l'espace envisagé par les Anciens.


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
 Sujet du message : Re: Mer Rouge (origine du nom)
Message Publié : 19 Mars 2009 22:39 
Hors-ligne
Grégoire de Tours
Grégoire de Tours
Avatar de l’utilisateur

Inscription : 17 Août 2007 22:09
Message(s) : 594
Sans commenter vos interventions sur la mer Noire, je reviens sur la Rouge de ce fil puisqu'elle n'est pas appelée mer verte, rose ou flavescente. Le fil rouge donc :

Thersite a écrit :
En l'occurence, le coup très localisé des algues et passablement anecdotique me semble incompatible avec l'immensité de l'espace envisagé par les Anciens. (...) La seule possibilité d'au moins opérer un tri entre tout ce schmiblick est de prendre une perspective historique: l'explication envisagée doit être valable dès l'origine et compatible avec les connaissances et la mentalité des premiers locuteurs.


Admettons aussi (bien que l'irrégularité du phénomène explique pour beaucoup le scepticisme et surtout sa localisation pas suffisamment épars, je le reconnais) mais revenons un peu sur les montagnes environnantes. Si tout s'est bien passé, elle s'y trouvaient durant l'existence de ces premiers locuteurs et leur couleur est rouge* (ferrugineuse ou autre, n'étant pas géologue j'irai faire un tour sur la toile). Alors, soit, toutes les montagnes du littoral de cette mer ne sont certainement pas composées de la même roche et vous n'avez pas tort en voulant prendre une perspective historique pour tenter de connaitre l'origine de ce nom mais quoiqu'il en soit, il serait étonnant de trouver des éléments uniques et indéniables pour balayer ce que l'oeil contemporain peut voir et que par définition, celui des visiteurs d'il y a quelques millénaires voyait aussi.

* A ce propos on peut demander l'avis de YMD, sur l'originie de la Pointe Rouge à Marseille.

_________________
Attila fit assassiner Bleda pour devenir l'hunnique empereur. :rool:


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
 Sujet du message : Re: Mer Rouge (origine du nom)
Message Publié : 19 Mars 2009 23:19 
Hors-ligne
Pierre de L'Estoile
Pierre de L'Estoile

Inscription : 11 Juin 2007 19:48
Message(s) : 2289
Sedullos a écrit :
il serait étonnant de trouver des éléments suffisament indéniables pour balayer ce que l'oeil contemporain peut voir et que par définition, celui des visiteurs d'il y a quelques millénaires voyait aussi.

Justement, il me semble que c'est bien là le nœud du problème: le rouge n'est absolument pas une évidence, une dominante chromatique indéniable, ni pour l’œil des Anciens (ce que j'ai voulu montré en recensant leurs diverses explications) ni pour l’œil des Modernes (contraints de chercher la petite bête au sens prorpre !), d’où la variété des propositions, y compris lorsqu’elles font référence explicitement à la couleur éponyme, témoignage éloquent de leurs hésitations et de leur difficulté à identifier ce rouge...

Si la mer ne s’appelait pas « Rouge », qui aurait prêté attention à ce phénomène lagunaire ponctuel et exceptionnel des algues rouge ? Le décors des rives, du fond marin, de leur côté, est bien plus « blanc » ou "jaune" que « rouge »…
Enfin, les Grecs n’ont pas qualifié une seule autre mer d’un adjectif faisant référence à une caractéristique naturelle remarquable (de mémoire). C’est tout de même surprenant qu’ils le fassent pour cette mer-ci uniquement, et qu’ils s’arrangent en prime pour choisir une caractéristique naturelle si peu évidente qu’ils en viennent très vite à chercher une autre explication moins ridicule (les commentaires ne sont pas toujours tendres envers le tenants de l'étymologie traditionnelle, voir par exemple Quinte-Curce)…

Tant qu’à faire, mon propre scénario, histoire de rajouter une énième théoriette :
Pour les mers proches de l’œcoumène d’origine, ils emploient des éponymes héroïques (Egée, Ion, Icare…), mais pour les zones plus lointaines, en voie de fréquentation voire de colonisation, ils emploient la destination comme référence. Ainsi, la mer d’Egypte est la mer que l’on traverse pour aller en Egypte. La mer Tyrrhénienne est la mer à traverser pour gagner le pays des Tyrrhènes, etc.
La mer XXX, c’est donc la mer [qui mène au pays de] XXX. La mer Rouge, serait la mer [qui mène au pays de] Rouge. Ce qui ne veut rien dire. Sauf si nous y lisons une traduction du nom des Homérites/Himyarites du Yemen qui contrôlent le commerce vers l’Océan Indien ; les Grecs eux-mêmes ne les fréquentent pas, ne parcourent pas cet espace avant l’époque hellénistique, ils sont donc incapables à l’origine de les situer précisément, quelque part au sud-est, d’où l’extension infini de la mer Erythrée grecque. Et très vite le souvenir d'un peuple de ce nom (transmis par intermédiaire sans doute égyptien) disparaît (Homère et Hésiode ignorent l’Erythrée, son baptême doit dater du VIIe siècle, à la louche) de sorte que lorsqu’ils les redécouvrent à l’époque hellénistique, ils les nomment sans traduire leur ethnonyme et perdent ainsi le dernier lien qui pouvait les rattacher à l’étymologie originale, remplacée entre temps par les mythes éponymiques ou des étymologies fantaisistes qui cherchent à y suppléer.
Sauf que la structure politique et le nom ethnique dominant au Yémen au VIIe est inconnu… et que j’ignore comment les Egyptiens du VIIe nommaient ces populations… Bref, un autre bricolage (mais c'est mon mien, na !).


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
 Sujet du message : Re: Mer Rouge (origine du nom)
Message Publié : 20 Mars 2009 7:19 
Hors-ligne
Pierre de L'Estoile
Pierre de L'Estoile

Inscription : 22 Août 2008 14:17
Message(s) : 2324
Pour se consoler, on peut toujours se dire que nombre de toponymes français actuels qui semblent avoir une origine évidente sont et resteront une énigme quant à leur sens originel.

_________________
"L'histoire serait une chose merveilleuse si seulement elle était vraie."
Léon Tolstoï.


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
 Sujet du message : Re: Mer Rouge (origine du nom)
Message Publié : 20 Mars 2009 7:27 
Hors-ligne
Pierre de L'Estoile
Pierre de L'Estoile

Inscription : 11 Juin 2007 19:48
Message(s) : 2289
Jibe a écrit :
Une autre explication existe : "Mer Rouge" viendrait de son ancien nom 'hébreu, "Yam Suph", qui signifie "la mer des roseaux", en référence à la partie nord (égyptienne) de la mer. La traduction anglaise, "Reeds sea", serait devenue par déformation "Red Sea", c'est-à-dire la "mer rouge".

lol Ca m'a travaillé pendant la nuit, je ne comprenais pas comment cette origine étymologique a pu être avancé, même de la part des Anglais !
J'ai compris !
Il ne s'agit pas de l'origine du nom de la Mer Rouge, mais de l'origine de l'association entre Moïse et la mer Rouge ! Le texte hébraïque ne fait pas référence à cette dernière, mais la culture populaire oui: c'est la fôte aux Anglais !
Donc pas tout à fait le sujet, mais intéressant quand même (même si cela demande confirmation: l'association me semble bien tardive...). Navré JB, je n'avais pas compris ton intervention hier ! Mea Culpa !

Pour le sujet: les Egyptiens n'emploient-ils pas l'expression "pays rouge" pour désigner un de leurs voisins ? Il me semble avoir déjà croisé l'expression, mais je ne sais plus dans quel contexte.


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
 Sujet du message : Re: Mer Rouge (origine du nom)
Message Publié : 20 Mars 2009 11:19 
Hors-ligne
Grégoire de Tours
Grégoire de Tours

Inscription : 18 Nov 2008 22:34
Message(s) : 638
Thersite a écrit :
Pour le sujet: les Egyptiens n'emploient-ils pas l'expression "pays rouge" pour désigner un de leurs voisins ?
La terre rouge c'est le désert, le même mot (dSrt) désigne la couronne rouge (cf Faulkner CDME p.316).


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
Afficher les messages publiés depuis :  Trier par  
Publier un nouveau sujet Répondre au sujet  [ 21 message(s) ]  Aller vers la page 1, 2  Suivant

Le fuseau horaire est UTC+1 heure


Qui est en ligne ?

Utilisateur(s) parcourant ce forum : Aucun utilisateur inscrit et 12 invité(s)


Vous ne pouvez pas publier de nouveaux sujets dans ce forum
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
Vous ne pouvez pas éditer vos messages dans ce forum
Vous ne pouvez pas supprimer vos messages dans ce forum
Vous ne pouvez pas insérer de pièces jointes dans ce forum

Recherche de :
Aller vers :  





Propulsé par phpBB® Forum Software © phpBB Group
Traduction et support en françaisHébergement phpBB