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Message Publié : 19 Oct 2005 9:43 
Quelle place historique tient l'orthographe et la grammaire des langues dans les civilisations et les peuples?

"L'orthographe française, regles d'aide à la communication ou moyen récent de selection sociale?"

J'ai conscience d'être provocateur.

L'orthographe dans l'histoire? Orthographe et civilisation?


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Message Publié : 19 Oct 2005 11:36 
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Jules Michelet
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Il faut aussi se poser la question de savoir quand a-t-on cherché à figer une langue, en établissant des règles de grammaire et d'orthographe. Si une langue avait dans le passé une grammaire propre, régissant son usage, il n'empêche que des livres de grammaire ne sont apparus que vers le VIè siècle, avec les grammairiens indiens Panini et Patanjali (je ne sais jamais qui précède qui), puis quelques siècles plus tard en Grèce. Pour les langues européennes, on fixe les grammaires à partir de la Renaissance, par imitation des grammaires antiques qu'on redécouvre alors. A ce titre, l'oeuvre de l'espagnol Nebrija est fondatrice (sa grammaire espagnole, en latin je crois, rédigée en 1492 - date ô combien symobolique pour ce pays). Ce doit aussi être vers cette époque qu'on cherche à fixer l'orthographe, alors que l'usage du livre se répand de plus en plus avec l'imprimerie. Il est à noter qu'en Chine, se fut Li Si, premier ministre du premier empereur Qin Shi Huangdi (fin du IIIè s. av JC), qui décida de réglementer l'écriture en mettant en place un système d'orthographe régenté par l'Etat, qui prenait ainsi en main le domaine de l'écrit, jusqu'alors assez anarchique (Li Si fit surtout limiter le corpus de signes disponibles, car sans règlementations il en apparaissait beaucoup, et il était trop complexe). Quelques années plus tard les premiers empereurs Han mettaient en place le système des examens impériaux, qui uniformisait la classe lettrée chinoise.

Pour ce qui est de la discussion sur le rôle de la grammaire, je citerais Saint Augustin : "mieux vaut les critiques des grammairiens que l'incompréhension du peuple" (ou un truc dans le genre). Cela résume bien l'opinion que j'ai sur toute cette volonté de nous dire "on ne dit pas ça, mais ça". Tant qu'on se comprend, c'est l'essentiel, c'est cela le but de la communication. Après il est évident qu'il faut quelques conventions pour éviter que tout cela ne devienne trop bordélique, mais il ne faut pas être non plus trop étouffant, car après tout si on fige trop la langue, on ne permet pas d'évolutions. Alors tant pis pour ceux que "par contre", "malgré que" (ou "point d'orgue" :wink: ) et compagnie dérangent, mais c'est passé dans l'usage courant, alors pourquoi ne pas les utiliser ? Quand on voit comment des expressions ont évolué au cours des temps pour ne finalement signifier quelque chose de bien différent de leur sens initial, pourquoi se dire que maintenant on arrêterait toutes les évolutions sémantiques ?


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 Sujet du message : Tout ce qui est vivant bouge!
Message Publié : 19 Oct 2005 13:24 
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Fustel de Coulanges
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Quand on voit comment des expressions ont évolué au cours des temps pour ne finalement signifier quelque chose de bien différent de leur sens initial, pourquoi se dire que maintenant on arrêterait toutes les évolutions sémantiques ?


Je suis tout à fait d'accord avec vous! Tout ce qui est vivant bouge! Beaucoup d'emprunts aux langues étrangères, une fois naturalisés, sont parfaitement digérés : paquebot (de "packet boat", en anglais), redingote (de "riding coat", en anglais), boulingrin (de "bowling green", en anglais), vasistas (de "Qu'est-ce que c'est que ça?" en allemand), tiramisu (de "Tire-moi vers le haut" en italien), etc. Certains concepts nouveaux, formulés d'abord dans une langue étrangère, ont du mal à trouver des équivalents satisfaisants en français ("design", par exemple). Certaines fonctions également ("initialiser" en informatique), alors que même le Petit Larousse critique l'usage abusif actuel du verbe "initier" (l'initiateur, une personne, initie l'initié, une autre personne ; mais on lance un programme, on promeut une idée, on ne les "initie" pas!). La digestion d'une expression ou d'un mot nouveaux peut s'avérer laborieuse et impliquer des rejets successifs avant d'être assimilés. Le tout est de conserver un minimum de cohérence et de vigilance afin de ne pas tout gober inconsidérément, mais de faire preuve de patience (certains mots entrent dans la langue... pour en ressortir ensuite! Voir les mises à jour des dictionnaires). Cultiver une langue, y compris dans sa croissance harmonieuse, s'apparente à la culture d'une belle plante ; cela implique des soins, la chasse aux parasites, etc. Choisir, c'est aussi renoncer!


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Message Publié : 19 Oct 2005 16:18 
Autant je suis d'accord avec tout ce que vous dites autant j'ai aussi l'impression que les adeptes forcennés d'une langue française passée au crible d'une grammaire pointilleuse et d'un orthographe impeccable sous pretexte que la langue de molière a une perfection inégalée se gargarisent et s'écoutent parler.

S'agit-il d'un cercle fermé accessible uniquement à des initiés triés sur le volet?

S'agit-il d'une outil de selection des classes sociales?

Que de sueur et de barriere pour certains ecoliers et collégiens.

Il y a ailleurs des langues qui s'écrivent comme elles se prononcent et qui se prononcent comme elles s'écrivent.


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Message Publié : 19 Oct 2005 16:40 
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On pourrait également élargir le débat sur la question de l'oppression exercée par la langue sur celui qui la pratique. Roland Barthes qualifiait ainsi, dans sa leçon inaugurale au Collège de France, la langue de "fasciste" dans la mesure où, elle nous contraint à dire des choses et pas d'autres, à dire des choses d'une certaine façon et pas d'une autre.

_________________
"Il est plus beau d'éclairer que de briller" (Thomas d'Aquin).


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 Sujet du message : La langue de Roland Barthes
Message Publié : 19 Oct 2005 17:45 
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Tout en signalant le côté contraignant des langues, Roland Barthes lui-même appréciait énormément cet appel exigeant de la langue qui informe la pensée et en aiguise le tranchant.
Pour sa part, et sans que l'on puisse le taxer de "fasciste", André Gide déclarait "L'art vit de contraintes et meurt de liberté"...


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Message Publié : 20 Oct 2005 11:41 
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Jules Michelet
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Florian a écrit :
On pourrait également élargir le débat sur la question de l'oppression exercée par la langue sur celui qui la pratique. Roland Barthes qualifiait ainsi, dans sa leçon inaugurale au Collège de France, la langue de "fasciste" dans la mesure où, elle nous contraint à dire des choses et pas d'autres, à dire des choses d'une certaine façon et pas d'une autre.


D'ailleurs certains courants de pensée orientaux (Taoïsme, certains cercles hindouïstes) considéraient que mettre en parole des idées est une manière de les pervertir, pour cette même raison. Ils privilégiaient donc l'exemple, et cherchaient à éviter à expliquer les choses par des mots ; cf. la figure de Confucius dans le livre de Zhuang Zi : plusieurs situations mettent en scène ce personnage, qui conduit ses disciples, et assiste à une scène qui lui révèle une grande vérité, et qu'il explique à ses disciples avec des moits parce qu'ils ne savent pas en saisir le sens rien qu'en la voyant : cet homme sait certes saisir le sens profond des choses, mais en les enseignant avec des mots, il est incapable de retranscrire correctement ce qu'il a vu, il le pervertit. On note d'ailleurs que des querelles sur l'utilisation des mots, de définitions précises, ont existé en maints endroits : en Chine, le nominalisme des Confucianistes (pour qui la langue a une fonction rituelle, et par là civilisatrice) s'opposait à la vision des Taoïstes pour qui les moots ne pouvaient pas tout expliquer ; mais aussi la "querelle des universaux", qui opposa dans l'Europe médiévale "nominalistes" et "réalistes".


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 Sujet du message : Silence...
Message Publié : 20 Oct 2005 13:42 
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Comme dit le poète : "Le silence supplée où balbutie le verbe".


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 Sujet du message : Re: Silence...
Message Publié : 20 Oct 2005 16:51 
DESHAYS Yves-Marie a écrit :
Comme dit le poète : "Le silence supplée où balbutie le verbe".


Le silence a t-il une orthographe, une grammaire et se conjugue t il?


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 Sujet du message : Conjugaison du silence...
Message Publié : 20 Oct 2005 18:01 
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Le silence a t-il une orthographe, une grammaire et se conjugue t il?

En un sens, certainement! Il est des silences beaucoup plus éloquents que nombre de discours (en amour, en politique, au théâtre, etc.). Et en musique, OUI, le silence a une orthographe, une grammaire et il se conjugue avec les notes qu'il permet de "respirer"; il possède une fonction éminemment dramatique.
Même en grammaire française, des graphies telles que :
- ...
- ...?
- ...!
- ...!?
traduisent des "silences" de valeurs différentes.


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Message Publié : 21 Oct 2005 19:21 
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Victor Hugo a écrit un jour de 1862 à son éditeur pour connaître le chiffre des ventes de son nouveau livre.
Sa lettre se résumait à cela :
"?"

Son éditeur lui répondit :
"!"

Qui peut faire mieux ? :P

_________________
Pour grands que soient les rois, ils sont ce que nous sommes : Ils peuvent se tromper comme les autres hommes.
Pierre Corneille, Le Cid


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