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Même l'arabe dialectal a ses lettres de noblesse, et comme toute langue (je considère les dialectes comme des langues à part entière) elle a ses propres codes et propres règles mais je répète [que] le rapport à la langue n'est pas le même suivant les cultures, ça c'est important de le dire, car quand vous dites [que] la langue française est en voie de disparition parce qu'on fait de plus en plus de fautes d'usage pour certains qui ne connaissent pas votre culture ce genre de réaction sera bizarre pour eux, et peut susciter l'incompréhension.
Je suppose que certains poussent à la vigilance tandis que d'autres poussent à la négligence et que j'appartiens au premier groupe et ce, pour plusieurs raisons :
1) Il paraît (on m'a rapporté l'anecdote bien plus tard) que lorsque j'apprenais à parler ma propre langue maternelle (donc en très bas âge), si l'on me posait une question, au lieu de répondre spontanément, je disais
"Attendez, attendez!...", préparais ma réponse mentalement puis l'exprimais oralement sans faire de fautes et sans employer de jargon enfantin.
2) Mes parents n'employaient aucun mot d'argot et nous reprenaient (nous les enfants) chaque fois qu'il nous échappait une faute de français ou une tournure négligée (du genre
"On sait pas" pour
"On NE sait pas", etc.).
3) Souvent seul Français dans ma classe, à force d'entendre mes camarades me demander
"Est-ce bien comme cela que l'on dit en français?...", "Est-il correct de dire...?", j'ai vite pris conscience de ma responsabilité de témoin de référence et j'ai eu le souci de maintenir ma propre réputation et celle du français à la hauteur des attentes de mes interlocuteurs.
4) En arrivant en France à l'âge de quatorze ans, j'ai été atterré d'y entendre des fautes de français (du type
"Donne-moi z'en" ou
"Aller au coiffeur") que je n'avais jamais entendues en Egypte, même dans la bouche de personnes non françaises (à commencer par mes propres professeurs de français) qui n'avaient jamais mis les pieds en France mais cultivaient la langue française comme une plante rare et précieuse qu'elles étaient fières de parler correctement. Pour l'argot, je me suis informé mais m'en suis tenu au statut de "croyant mais pas pratiquant".
5) Une quarantaine d'années d'enseignement de l'anglais (toutes classes de collège et lycée) et du français (en Terminale) m'ont conforté dans une position d'exigence du mot juste, de la tournure correcte, de l'économie élégante ("De deux
mots il faut choisir le moindre"), etc.
6) La crainte de paraître bizarre ne m'a jamais effarouché (
"Bien faire et laisser braire") et ma position n'a jamais suscité aucune incompréhension, au contraire!
Cela dit, je constate (et déplore parfois) qu'autour de moi d'autres adoptent des positions très différentes des miennes quant à l'amour et à la culture (au sens botanique) des langues. On admet la sélection dans (en vrac) le sport, le choix d'une voiture, d'un programme de télévision, d'un téléphone portable, d'un(e) partenaire, d'un régime alimentaire, de vêtements, etc. Pourquoi la sélection serait-elle tabou dans l'expression pertinente de la pensée?