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Message Publié : 03 Juil 2006 14:52 
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Grégoire de Tours
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Ah, ces particules... c'est tout le sel du grec... mais elles sont en effet la plupart du temps intraduisibles ! Non seulement elles servent d'articulation, faisant, comme vous le dites, office de ponctuation, mais, en plus, elles s'apparentent au langage parlé. Ces langues anciennes étaient en effet bien moins livresques que le français.

Donc, de nous jours, on les rendrait par "ouais, alors, n'est-ce pas, ok, mais non, tu vois, puis..." et autres fleurs de nos récits.

Même si la sagesse impose de les laisser tomber dans la traduction littéraire (pas toutes, il faut faire bonne mesure...), on peut s'appuyer sur elles pour bien comprendre un texte, car elles nous indiquent d'emblée les rapports avec ce qui précède (en gros la confirmation ou l'opposition).

Bien que moins fréquentes, elles existent d'ailleurs en latin aussi. Et c'est bien souvent qu'on sacrifie à la lisibilité cette flopée de "nam, enim, at..."

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Message Publié : 03 Juil 2006 15:16 
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Polybe
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Certes... C'est tout de même beaucoup moins "flopéique". Je n'ai jamais trop vu de texte latin aussi scandé par des particules qu'un texte grec. Mais c'est vrai que le enim, pour ne citer que lui, s'emploie toujours en deuxième position dans une proposition, ce qui rappelle en effet tout de suite le grec.


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Message Publié : 03 Juil 2006 16:20 
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Polybe
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Conseil avisé : en latin, ne vous autorisez à passer par pertes et profit que autem (articulation, faible opposition) de temps en temps, lorsque le contexte ne vous permet d'articuler votre traduction française par "or". Mais ne laissez JAMAIS de côté les nam, enim, at ou, pire encore, les tamen et même (piège suprême ! :P ) les asyndètes. Je sanctionne toujours les copies qui se permettent ces facilités, et je ne suis vraiment pas le seul à le faire ! :twisted:
Contrairement au grec, le latin compte très peu de particules à sémantisme "faible" (à part autem) : ne pas les traduire revient à priver le texte de toutes ses vertèbres logiques... et de faire des contresens !

En grec, ne faites pas de la "non traduction" des particules à sémantisme faible une règle systématique, mais faites en sorte qu'elle reste une exception.
En général, on tolère que vous ne traduisiez pas systématiquement des particules comme ara (ou ar, ou encore ra, et même r en poésie), le men de men...de ou le te de te...kai. En revanche, toutes les fois que cela vous est possible, essayez de trouver un moyen (tout en finesse) de traduire les , les pote et j'en passe : chez les prosateurs qui manient extrêmement bien la langue, comme Platon, chacune a son importance stratégique et c'est à peine si vous pouvez vous imaginer toute la charge ironique que peut parfois contenir un simple ge :!:

Et puis, du strict point de vue des examens, il est toujours plus prudent de montrer à votre correcteur que vous avez essayé de traduire, quitte à être un peu "lourdingue", plutôt que de donner l'impression d'esquiver la difficulté ! :wink:

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Message Publié : 03 Juil 2006 17:07 
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Grégoire de Tours
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Tout de même, Sol Invictus... à force de "itaque, at, autem, enim, nam..." la narration s'alourdit dangereusement. Une fois que l'articulation de la phrase a été comprise, je préconise, moi, de les évacuer d'une façon ou d'une autre. Il y a divers moyens de rendre compte en français du sens qu'elles impliquent, plus en finesse...

C'est pourquoi (et voilà ! déformation professionelle ! :lol: ) il est important d'aborder un texte en plusieurs étapes, en commençant par une traduction littérale (de travail), qui s'affinera progressivement.

N'êtes-vous pas d'accord ?

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Message Publié : 03 Juil 2006 20:05 
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Je ne suis d'accord avec vous, Charlotte, qu'à certaines petites conditions.

Vous parlez, dans le message qui précède, à la fois d"évacuer" et de "rendre compte en finesse". Je suis d'accord, à condition que la traduction respecte vraiment le principe de Lavoisier, à savoir que "rien ne se perd[e]" et que "tout se transforme". Ce que je n'aime pas, c'est l'"évacuation" sans la "transformation" : tout comme il existe des "stations de traitement" pour les eaux usées, il existe des moyens idiomatiques de conserver au texte ses articulations (voulues par l'auteur, ne l'oublions pas !) sans pour autant produire un texte abominable à lire.

Qu'elle soit grecque ou latine, la version est un exercice qui doit démontrer l'aisance de l'étudiant à la fois dans la langue originale et dans la langue française : sacrifier des articulations logico-grammaticales au prétexte qu'elles sont trop nombreuses ou trop gauches en français, c'est choisir la voie de la facilité, ce que je ne permets, pour ma part, à mes étudiants, que lorsqu'ils m'ont prouvé qu'ils étaient déjà capables de tout traduire exactement et correctement, ce qui est, finalement, assez rare.

Mais lorsque l'on quitte le domaine purement scolaire pour élaborer une traduction qui soit directement lisible par le public français et qui s'adresse prioritairement à lui, je suis d'accord avec vous : il faut respecter avant tout les habitudes et le génie de la langue "d'arrivée".

Cela étant dit, je ne crois pas que l'on puisse dire (du moins en latin) que les "nam", "enim", "at", "vero" etc. soient entièrement des marques d'oralité.
J'en veux pour preuve que les oeuvres les plus "travaillées", comme les traités de Cicéron ou de Sénèque, ainsi que celles de Tite-Live et de Tacite, en regorgent, alors que les oeuvres qui miment davantage l'oralité (comme le Satiricon de Pétrone, les Satires de Perse, les Epigrammes de Martial ou les Métamorphoses d'Apulée) en présentent nettement moins.
Il semble en effet que le parlé oral ait été plutôt asyndétique qu'autre chose, et que les conjonctions latines n'aient finalement pas eu la même valeur que "ouais, bon, ok, tu vois, j'veux dire..."

Tu vois... ? :wink:

Enfin, ça peut toujours se discuter, et étant un passioné tant du latin que du grec, je ne vois pas d'inconvénient à continuer notre discussion même par MP, si les autres membres du forum, excedés, nous crient "assez, assez !" :lol:

-- Sol_Invictus

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Message Publié : 03 Juil 2006 20:26 
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Grégoire de Tours
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Je suis d'accord avec vous. Et il convient tout d'abord de distinguer l'exercice de version individuel de la traduction d'un texte élaborée collectivement en classe.

Et mon âme de philologue (c'est comme ça qu'on dit en Belgique) se retourne souvent avant d'accepter le moindre soupçon d'infidélité, fût-il beau... Je n'insiste pas, vous voyez certainement ce que je veux dire !

Je serais plus réservée sur l'oralité de la langue. Les textes latins, à mon avis, étaient en définitive plus destinés à être "parlés" que "lus". Je prendrai pour exemple l'Enéide, dont Virgile a lu de larges passages à Auguste.

Pétrone, Apulée, sont des auteurs plus tardifs, et leur langue témoigne peut-être d'une évolution ?

Je l'ignore, je vous l'avoue. Il est évident que les "particules" (qui n'en sont pas vraiment, je sais) latines n'ont pas la même fonction que les particules grecques. Et, pourtant... L'expérience m'amène à me dire... Quand Tacite décrit la mort de Britannicus, et les diverses réactions des convives, son "at Agrippinae is pavor..." semble indiquer un changement de caméra plus qu'une opposition. C'est comme s'il nous disait en fait : "passons à Agrippine...". J'aime donc à le rendre par "quant à Agrippine"...

Mais peut-être les articulations de nos textes français peuvent-elles être ressenties ainsi. "Octavia quoque", deviendrait, oralement "Octavie aussi", avec, sans doute une légère insistance sur "aussi", destinée à attirer notre attention sur le rapport complexe avec ce qui précède.

Qui a dit "assez, pitié !" ? :lol:

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Message Publié : 03 Juil 2006 21:22 
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Polybe
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Absolument : je suis entièrement d'accord avec vous, et notamment sur votre analyse de Tacite qui est, comme on sait, le "plus grand peintre de l'Antiquité", mais sans doute aussi le plus grand "metteur en scène". Changement de caméra, oui, mais de caméra "subjective"... !

Vous posez également le problème de la recitatio (lecture publique d'oeuvres littéraires).
Je ne crois pas que parce qu'une oeuvre est "parlée" lors de sa représentation, elle soit forcément "parlée" dans son écriture.
L'Enéide de Virgile, comme toutes les oeuvres latines versifiées, emploient une langue qui, comme l'écrivait Horace, rend le poète reconnaissable même si ses "membres sont dispersés" ("disiecti membra poetae"). Cette langue, coulée dans le moule de l'hexamètre dactylique ou distique élégiaque qui, originellement, s'accommodaient assez mal avec la langue latine, a des particularités stylistiques qui sont dues, notamment, a certaines contraintes métriques. Quoi de plus commode que de trouver sa longue initiale avec un "Nam" ? Une syllabe vous manque : tournez avec "at", comme Homère employait "ar'" !
Je force le trait, bien sûr, mais c'est un fait que les genres poétiques dits "élevés" ne peuvent guère servir d'étalon pour mesurer l'état de la syntaxe de la langue courante.

Pour ce qui est des prosateurs, on entre dans un autre problème, bien abordé (si mes souvenirs sont bons) par Tiziano Dorandi dans Le Stylet et la tablette : la scriptura continua utilisée par les latins (ou, si vous préférez : "lascripturacontinuautiliséeparleslatins" [je m'amuse comme un petit fou mais je suis sérieux]) rendait l'exercice de la lecture beaucoup plus périlleux qu'aujourd'hui. Sans ponctuation, sans guère de séparation entre les mots (sauf dans les éditions "collector" comme celle des Elégies de Gallus), les latins lettrés avaient pris l'habitude de ponctuer mentalement leurs phrases à l'aide de ces balises logico-grammaticales que sont les "particules" et les "adverbes". Quel bonheur de savoir qu'on pouvait élever la voix après un "non tantum" jusqu'à ce qu'on ait rencontré un "sed etiam" qui donnait le signal du début de la fin ! Quelle joie que de savoir, grâce à un "autem", qu'on quittait le sujet du passage précédent pour en aborder un autre. Ces marqueurs étaient d'autant plus nécessaires qu'en dehors des cas où l'auteur lisait lui-même son oeuvre (Virgile devant Auguste), c'était le plus souvent votre esclave (rompu à cette pratique) qui vous lisait vos livres (voir comment Pline le Jeune décrit la méthode de travail de Pline l'Ancien), et la moindre erreur dans l'intonation lui était sévèrement reprochée.

La langue parlée, au contraire, ne s'ennuyait guère avec les contraintes du style périodique, qui oblige à concaténer très strictement les principales, les subordonnées et les sous-subordonnées : elle préférait tout simplement la juxtaposition de phrases assez brèves, avec au grand maximum une ou deux subordonnées. On en trouve la description chez Cicéron lorsqu'il parle du style simple, ou "humilis", qui se rapproche de la langue parlée et évite les périodes à rallonge (pas comme moi ! :D ). Les latins rattachent ce style directement à Homère, lorsque ce dernier décrit la façon de parler de Ménélas : "Peu de mots, mais qui sonnaient bien". Or, nos prosateurs, qu'il s'agisse de Salluste, Cicéron, Tite-Live, Sénèque, Tacite... n'ont pas cultivé le style "humilis" ; on dit que ce dernier se trouve plutôt chez Plaute et Térence, ainsi que chez les auteurs que j'ai cités dans le message précédent qui, effectivement, ne concatènent pas leurs phrases avec la même densité.

Et puis, lorsqu'on voit les inscriptions de Pompéi, on se rend bien compte que la langue courante n'utilisait pas tant que cela les particules de liaison. J'ai dans un recueil d'inscription des "tracts électoraux" entiers où il n'y en avait pas une seule !

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Message Publié : 03 Juil 2006 21:29 
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Si vous deviez ouvrir le bureau des pleurs, vous ne m'y recevriez certes pas.
Continuez, continuez, vous avez un "auditoire" avide, n'en doutez pas un instant !


Sol Invictus, auriez-vous un exemple de ce puissant platonien, (si ce n'est trop demander bien sûr, mais je pense sincèrement que vous connaissez suffisamment ce grand auteur pour nous trouver cet exemple en peu de temps :wink:) ? Je vous en remercierais, cette histoire m'intéresse !

Et par "asyndète", entendez-vous cette figure de rhétorique qui consiste par exemple en une énumération sans articles ?


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Message Publié : 03 Juil 2006 21:34 
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Citer :
L'Enéide de Virgile, comme toutes les oeuvres latines versifiées, emploient une langue qui, comme l'écrivait Horace, rend le poète reconnaissable même si ses "membres sont dispersés" ("disiecti membra poetae"). Cette langue, coulée dans le moule de l'hexamètre dactylique ou distique élégiaque qui, originellement, s'accommodaient assez mal avec la langue latine, a des particularités stylistiques qui sont dues, notamment, a certaines contraintes métriques. Quoi de plus commode que de trouver sa longue initiale avec un "Nam" ? Une syllabe vous manque : tournez avec "at", comme Homère employait "ar'" !
Je force le trait, bien sûr, mais c'est un fait que les genres poétiques dits "élevés" ne peuvent guère servir d'étalon pour mesurer l'état de la syntaxe de la langue courante.


Peut-on donc rapprocher ces pratiques de celles de nos poètes et dramaturges classiques dans leurs alexandrins, avec leurs "Ah !", leurs "avecque", "encor/encore" et autres diérèse et synérèse ?


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Message Publié : 04 Juil 2006 9:57 
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A priori, Nikator, je répondrai oui, comme dans toute poésie où la versification repose sur le nombre de syllabes.

Vos explications sont passionnantes, en effet, Sol Invictus ! :D Et je vous rejoins sur l'idée que Plaute, en tant que dramaturge, reproduit la langue parlée... une langue qui, à certains égards, peut apparaître plus proche de la nôtre que celle de Cicéron.

En revanche, je ne reconnais toujours pas ce trait chez Pétrone. Nombre de ses phrases, souvent longues et bien balancées, utilisent la subordination plutôt que la juxtaposition, me semble-t-il. Ainsi ce bijou qu'est l'intermède de la matrone d'Ephèse.
http://www.gelahn.asso.fr/docs70.html
"Descendit igitur in conditorium..."

Quant à Apulée, j'ai l'impression que "l'âne d'or" alterne les passages juxtaposés et plus complexes. Ce qui explique ce certains extraits en peuvent être donnés tels quels à des élèves jeunes (la description des métamorphoses de Pamphile en hibou et de Lucius en âne, par exemple).
http://users.skynet.be/remacle/sueurs/sueur7.htm
Pas de "particules", en effet, et une articulation qui s'appuie essentiellement sur les participes.

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Message Publié : 04 Juil 2006 12:10 
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Oui, Nikatôr, on peut dire dans certains cas que les "particules" servent de "chevilles" métriques comme pour nos dramaturges et versificateurs classiques... avec la même distinction, à savoir que chez les meilleurs d'entre eux, la qualité du vers n'en souffrait pas. Ce sont les mauvais versificateurs qui abusent de cette facilité et, comme le disait Fénelon, "ils sont obligés de dérouler deux ou trois vers postiches pour en placer un bon".

En vous parlant du "ge" chez Platon, j'avais en tête cet exemple du Ménéxène, que je vous resitue :

Le jeune Ménéxène est un auditeur assidû des prestations oratoires des rhéteurs et aime par-dessous tout les panégyriques civiques. Socrate, pour le titiller, feint lui aussi d'être sous le charme et affirme qu'à chaque fois qu'il entend prononcer si brillament l'éloge de sa cité, il reste sur un petit nuage pendant quatre jours et croit habiter un pays enchanteur et merveilleux.

Ménéxène sait bien que Socrate plaisante et connaît le peu d'estime du philosophe pour les rhéteurs. Voulant argumenter, Ménéxène affirme que ce qu'il admire le plus chez les rhéteurs, c'est que, étant capables de parler sur n'importe quel sujet devant n'importe quel type d'auditoire, ils ont une faculté d'improvisation exceptionnelle.

Ce à quoi Socrate rétorque :
"Pothen ôgathe ? eisin hekastois toutôn logoi parskeuasmnenoi, kai hama oude autoskhediazein ta ge toiauta khalepon."

Pour traduire ce "ge", il n'y aurait pas mieux qu'un smiley :

"D'où crois-tu cela, l'ami ? Il existe, pour chacun de ces sujets, des discours déjà tout préparés, et, en même temps, il n'est guère difficile d'improviser sur ce genre de choses :wink: ".

Le "ge", ici, est dans son emploi restrictif signifiant "du moins". Pour le gloser intégralement, il faudrait traduire à peu près comme ceci : "... il n'est guère difficile d'improviser, en tout cas sur ce genre de choses (parce que la philo, mon p'tit pote, c'est autrement plus costaud que le baratin des rhéteurs").
Vous voyez finalement que l'avantage de mon petit smiley est d'être aussi expéditif et suggestif que l'est le "ge" dans ce passage-ci.

Charlotte, vous avez entièrement raison, et c'est simplement pour faire vite (et donc mal) que j'ai classé Pétrone chez les auteurs "humiles".
En réalité, on pourrait dire que le Satiricon est un conservatoire des parlers et des styles de la latinité.
Au début, dans la maison du rhéteur Agamemnon, vous avez de superbes exemples de "grand style" rhétorique.
Après le repas chez Trimalcion, vous avez, avec Eumolpe, de croustillants exemples du style "fleuri".
Et même au cours de la cena Trimalcionis, chacun des invités s'exprime avec sa manière propre de parler. Voyez par exemple comment Trimalcion raconte la manière dont il fit fortune par le négoce maritime (chapitre 76) : un chef d'oeuvre de parataxe !
C'est en cela que le Satiricon est une oeuvre unique : tous les styles y sont représentés avec beaucoup de virtuosité.

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Message Publié : 04 Juil 2006 12:13 
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Polybe
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Inscription : 26 Déc 2005 16:57
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Erratum : dans la citation en grec, il faut bien sûr lire "paraskeuasmenoi".

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