Sénèque a un style assez nerveux et parfois elliptique.
S'il vous paraît "clair", c'est surtout à cause de son habitude de toujours répéter trois ou quatre fois la même idée (déformation de pédagogue !
).
Du coup, si vous "loupez" une phrase, les suivantes vous permettent de rectifier le tir dans 80% des cas.
En revanche, si vous "loupez" une phrase chez Tite-Live... patatras !
Vous vous exposez à de gros risques de contresens pour la suite du texte.
J'ai l'habitude de dire à mes étudiants qu'une version latine est similaire à une grille de Sudoku : il n'y a qu'une seule solution et celle-ci ne s'"invente" pas mais se déduit par chaque l'analyse de chaque élément par rapport aux autres.
Et comme dans une grille de Sudoku, la moindre erreur en entraîne fatalement d'autres et, à un moment donné, la phrase "coince". Alors, comme au Sudoku, on efface toutes les étapes précédentes et on revient sur celle qui a tout déclenché pour en changer ! C'est d'ailleurs le plus difficile : l'esprit humain est ainsi fait qu'il a beaucoup de mal à se défaire d'une première intuition fausse.
Plastic, je vous livre une citation de Georges Arnaud qui résume parfaitement ma façon d'envisager la version latine :
Citer :
On aurait tort de croire qu'il n'y a pas de lien entre une version latine et Agatha Christie. C'était au contraire une assez bonne préparation, en ce que, d'abord, j'y avais pris goût aux jeux de la logique. Et puis, on ne s'y trompe pas : du texte latin au roman policier, les mêmes mécanismes mentaux sont en cause, qu'il faut conduire par des voies fort semblables. Pour un lycéen de langue française qui aborde le latin, ce qui constitue la nouveauté et la caractéristique essentielle, c'est que non seulement les verbes, mais aussi les substantifs, prennent différentes formes au gré de la fonction qu'ils assument dans la phrase.
De là découlent de remarquables similitudes.
Les désinences dans le texte latin jouent un rôle identique à celui des indices dans un problème policier. Une fois ceux-ci relevés, puis correctement interprétés, tout s'enchaîne, devient évident. Il en va dans le cadre de la sentence latine comme dans celui de l'enquête criminelle.
En revanche, pour un indice passé inaperçu, pour une désinence mal comprise, il suffira qu'un seul point reste obscur pour faire obstacle à tout, et que rien n'aboutisse. Brûler l'étape n'est pas permis. Défense de deviner. Ni dans les déductions d'Hercule Poirot, ni dans une version latine il n'y a de place pour l'intuition, qui serait une dangereuse tricherie.
Reste pour le potache, ou pour le petit policier belge, à tourner et retourner entre les doigts, l'un après l'autre, tous les pions disponibles. Reste à piétiner le temps qu'il faudra. Reste à chercher, chercher et continuer à chercher.
Nul doute que si Georges Arnaud avait connu le Sudoku, il en aurait tiré d'aussi beaux rapprochements !