Citer :
J'aurais plutôt pensé que, la monarchie ayant unifié le pays et ayant permis à la France de trés tôt trouver ses frontières actuelles, la France est un Etat-nation depuis longtemps
La monarchie n’a rien unifié du tout en fait, non qu’elle n’ait pas essayé, mais les résistances étaient fortes, plus par intérêt bien compris que par idéologie d'ailleurs; elle a simplement aggloméré progressivement à partir d’un noyau (le domaine royal) des territoires extrêmement disparates, qui gardaient chacun leurs coutumes et privilèges, parfois même à l’échelle d’une ville.
Le seul lien qui unissait (indirectement) ces « Français » entre eux était le lien personnel entre chacun d’eux, les « sujets » et le roi. Bergame a raison de souligner que le passage du statut de sujet à celui de citoyen a été une étape déterminante pour l'appréhension du concept de nation. Ainsi, le roi, comme l’indique sa titulature, n’était plus « roi de France », mais « roi des Français ».
Et à partir de là, je ne crois pas non plus que :
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L'unité nationale s'est concrétisée en 1789 par la crainte puis la lutte contre un "parti de l'étranger" (émigration nobiliaire, lutte anti-papale et anti-catholique, affaires des princes dépossessionnés d'Alsace, d'Avignon et du Comtat Venaissin, crainte puis démonstration d'un complot royal lié aux puissances étrangères, ultimatums et interventions étrangères)
Car on ne peut réduire l’émergence ou le développement de l’idée d’unité nationale à des réflexes de défense face aux agressions étrangères, même si évidemment elles jouent aussi leur rôle, comme je l'évoque plus bas.
Il y a surtout une dynamique interne dans l’émergence de la Nation :
Vous citez auparavant les divers niveaux de fractionnement du royaume : les mesures d’unification de la Législative, que Dédé évoque ont pesé d’un grand poids dans cette prise de conscience, même si elle furent finalement lentes à s’imposer ; mais elles existaient, et on les connaissait.
De même, l’abolition des privilèges en créant un seul corps social a fait comprendre la communauté d’intérêt qui pouvait dorénavant unir les citoyens.
Un exemple pour mesurer cette émergence de l’idée de nation, ne serait-ce que depuis le XVIIème siècle : en 1636, Corbie tombait sans combattre après huit jours de siège, ouvrant la route de Paris. Situation à peu près comparable tactiquement à celle de 1792 après la capitulation de Verdun. « Lâcheté, crime, infâme reddition », voilà comment le Roi accueillit cette nouvelle. Les Parisiens, préfigurant les volontaires de 1792 fournirent alors l’argent et une partie des hommes pour mettre sur pied une armée de 30 000 hommes. Mais, dans V.L. Tapié (La France de Louis XIII et de Richelieu) on apprend qu’à la fin de cette même année triomphait Le Cid de Corneille, qui exaltait les vertus de ce peuple espagnol que pourtant l’on combattait. C’était, note encore V.L. Tapié que « la guerre n’opposait point deux idéologies l’une à l’autre, mais deux politiques de peuples acceptant la même idéologie ». Condé pouvait ainsi passer aux Espagnols sans penser trahir "son pays", car il ne rompait que le lien personnel qui le liait au roi; mais ce n’est plus le cas avec Dumouriez, Luckner ou Lafayette, qui trahissent bien la Nation, et non son souverain. Et cette irruption de l’idéologie doit tout à la naissance du "nationalisme".