La barbarie, comme l'enfer pour Sartre, c'est toujours les autres. La vision de la barbarie est donc très manichéenne, très "western" à la limite: nous c'est nous, et eux c'est eux, nous sommes les bons, eux sont les méchants, notre cause est juste, la leur est injuste, donc le droit est de notre côté, et Dieu aussi s'il veut bien s'en donner la peine ("Gott mit uns").
Le barbare, étymologiquement, c'est celui qui parle autrement et, par corollaire, n'est pas civilisé, puisque nous, les bons, sommes les seuls à avoir la "vraie" culture et la "vraie" religion, si l'on prend la religion comme prétexte pour envahir et subjuguer les autres.
Le pillage, l'incendie, sont de glorieux faits d'armes légitimés par la chanson populaire, voir "les Dragons de Noailles": "Ils ont incendié Coblence, et pillé le Palatinat". Quant à la "Marseillaise", "qu'un sang impur abreuve nos sillons". Que notre sang pur les abreuve tout autant ne fait rien à l'affaire, puisque "mourir pour la patrie est le sort le plus beau".
Dans la propagande de la PMG, orchestrée notamment par "L'Illustration", les troupes allemandes sont toujours les Huns, les Barbares: ils violent la neutralité de la noble Belgique, ce "petit pays de grands coeurs", ils bombardent et rasent les villes, fusillent les vieillards, coupent les mains des enfants, toutes sortes de joyeusetés qui pimentent la course à la mer et vers Paris.
Prenons maintenant ma signature, la seconde citation, et remplaçons "CETEROS" par "BARBAROS": nous obtenons l'original d'une citation de Virgile Maron, "Ici, aux confins de la patrie, pose ce signe. C'est d'ici que nous avons civilisé les autres (les barbares) par la langue, les lois et les arts"). Cette fière devise orne l'arc de triomphe élevé par les fascistes sur la place de la Victoire (!) à Bozen/Bolzano, véritable humiliation pour les Tyroliens qui avaient depuis 1915 contenu avec succès les troupes italiennes sur le front des Dolomites et qui se voyaient désormais annexés et gouvernés par un pays dont la moitié de la population était analphabète...