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Message Publié : 24 Août 2008 19:34 
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Polybe
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Comment expliquer que des pays comme la Chine ou l'Inde puisse démontrer une telle unité culturelle et linguistique avec plus d'un milliard de citoyens chacune ? C'est assez impressionnant quand on compare leur situation à celle des pays d'Europe (petits pays, beaucoup moins peuplés, divergences linguistiques et culturelles majeures, etc.)

Quels sont les facteurs et événements majeurs survenus dans le passé qui ont permis la réalisation de ces grandes nations ?


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Message Publié : 24 Août 2008 19:54 
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Philippe de Commines
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Basarab a écrit :
Comment expliquer que des pays comme la Chine ou l'Inde puisse démontrer une telle unité culturelle et linguistique avec plus d'un milliard de citoyens chacune ? C'est assez impressionnant quand on compare leur situation à celle des pays d'Europe (petits pays, beaucoup moins peuplés, divergences linguistiques et culturelles majeures, etc.)

Quels sont les facteurs et événements majeurs survenus dans le passé qui ont permis la réalisation de ces grandes nations ?


Attention aux illusions d'optique. L'Inde a 23 langues officielles, sans compter une multitude de dialectes (plusieurs milliers). Les différences culturelles sont également très nombreuses entre les régions.

La Chine a également une dizaine de langues principales, et je doute que du Tibet à la Mongolie, en passant par la Mandchourie et Macao, on puisse parler d'une grande unité culturelle. En tout cas pas plus que l'unité culturelle européenne telle qu'elle peut être vue de là-bas...

_________________
Les facultés de conceptualisation de l'empereur Constantin paraissent avoir été très limitées ; malgré de longues séances, les évêques ne semblent pas avoir réussi à lui faire bien comprendre la différence qui séparait l'orthodoxie de l'arianisme. (Y. Le Bohec)

Bref, un homme "au front étroit mais à la forte mâchoire" (J.P. Callu)


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Message Publié : 24 Août 2008 22:08 
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Jules Michelet
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J'en remets une couche après les justes précisions de Huyustus : l'Inde n'est en rien une nation unie, c'est vraiment passer totalement à côté de la plaque de ce pays que d'affirmer cela. Le pays est coupé en gros entre deux principales ethnies linguistiques, indo-européennes au nord-nord-ouest (hindi, penjabi, urdu, etc.,) et dravidiennes au sud-sud-est (tamoul, malayalam, kannada, telugu). C'est une grosse césure dans le pays, et il y a même un mouvement "nationaliste" chez les tamouls, dont les visées sécessionnistes sont toutefois peu suivies. On peut ajouter aux facteurs de division la religion, puisque les musulmans sont plus de 150 millions, très loin derrière les hindous certes, mais c'est suffisant pour créer des tensions et violences entre confessions. Et n'oublions pas la séparation d'avec le Pakistan et le Bengladesh. L'Inde est un territoire pensé, formé et construit par la colonisation britannique : il n'existe pas avant. La création de l'Inde en tant que réalité géo-politique, c'est un peu comme si un conquérant étranger était venu en Europe, avait soumis progressivement tous les pays, et les avait forcés à ne former qu'une entité politique. Il y a certes des traits culturels communs au sous-continent indien, mais pas de quoi justifier qu'on parle d'Etat-nation à sa création en 1947, et plus d'un demi-siècle plus tard ce qualificatif est toujours discutable.

Et en cela, l'Inde est un opposé de la Chine plus qu'un jumeau. La Chine est le plus vieil Etat au monde qui ait une telle continuité historique. Le plus ancien Empire chinois est formé en 221 av. J.-C. Il y a certes eu des périodes de divisions depuis, mais il n'en reste pas moins qu'une tradition impériale avec la volonté d'unifier le peuple chinois dans un même ensemble politique est très forte depuis ce temps. Et elle a une tradition politique spécifique très ancienne (puisée dans les idées confucianistes et légistes avant tout), qui se voit encore de nos jours. Bien que l'Etat chinois actuel comprenne des ethnies diverses, il y a ici clairement une domination des "chinois" (les Han) par rapport aux autres (Tibétains, Ouïghours, Mongols, Miao et cie). Ces derniers méritent donc le qualificatif de "minorités ethniques", qui n'est pas vraiment pertinent en Inde. En ce sens l'Etat chinois, malgré sa diversité ethnique, fonctionne autour d'un noyau très fort qui s'apparente bien à un Etat-nation. Cela fait longtemps que cet Etat repose sur les Chinois, leur langue, leur écriture. Aujourd'hui les Han sont d'ailleurs en train d'achever de dominer complètement le territoire de l'Etat chinois, puisqu'ils sont majoritaires dans les territoires périphériques où se trouvent les plus fortes minorités (Tibet, Mongolie intérieure et Xinjiang).


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Message Publié : 25 Août 2008 0:30 
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Polybe
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Inscription : 11 Juin 2008 0:38
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Huyustus a écrit :
La Chine a également une dizaine de langues principales, et je doute que du Tibet à la Mongolie, en passant par la Mandchourie et Macao, on puisse parler d'une grande unité culturelle. En tout cas pas plus que l'unité culturelle européenne telle qu'elle peut être vue de là-bas...


En ce qui concerne l'ethnie dominante chinoise, les Han, qui représentent 91% des 1 400 000 millions de Chinois, ils peuvent se voir appliquer à eux seuls ma question. La Chine a connu des guerres internes et des invasions au même titre que l'Europe, alors comment expliquer qu'ils soient si nombreux et encore unis après tout ce temps ?

Huyustus a écrit :
Attention aux illusions d'optique. L'Inde a 23 langues officielles, sans compter une multitude de dialectes (plusieurs milliers). Les différences culturelles sont également très nombreuses entre les régions.

Zunkir a écrit :
J'en remets une couche après les justes précisions de Huyustus : l'Inde n'est en rien une nation unie, c'est vraiment passer totalement à côté de la plaque de ce pays que d'affirmer cela. Le pays est coupé en gros entre deux principales ethnies linguistiques, indo-européennes au nord-nord-ouest (hindi, penjabi, urdu, etc.,) et dravidiennes au sud-sud-est (tamoul, malayalam, kannada, telugu). C'est une grosse césure dans le pays, et il y a même un mouvement "nationaliste" chez les tamouls, dont les visées sécessionnistes sont toutefois peu suivies. On peut ajouter aux facteurs de division la religion, puisque les musulmans sont plus de 150 millions, très loin derrière les hindous certes, mais c'est suffisant pour créer des tensions et violences entre confessions.


Je ne considère évidemment pas l'Inde comme une nation une et indivisible (ça ferait très "colon" :rool: ), mais vos chiffres ne font, à mon sens, que renforcer le sens de ma question :

- des minorités ethniques ? En France il y a plusieurs ethnies, plusieurs cultures, et même plusieurs langues (Breton, Basque, etc.) certes "soumises" au jacobinisme.

- des différences religieuses ? Vous avancez le chiffre de 150 millions de musulmans pour 1 129 000 d'habitants, soit environ 13% de la population. Or je pense que ce pourcentage doit être à peu près le même en France, pourtant la France se veut être une nation.

Tout ça pour dire que je ne voulais pas me montrer "réducteur" en ce qui concerne la complexité démographique indienne, ou alors pas plus qu'en osant parler de la France. N'y voyez aucune vulgarisation.

Zunker a écrit :
L'Inde est un territoire pensé, formé et construit par la colonisation britannique : il n'existe pas avant.


Cette explication me parait on ne peut plus parlante, merci à vous !


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Message Publié : 25 Août 2008 1:15 
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Philippe de Commines
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Inscription : 05 Jan 2008 16:29
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Basarab a écrit :
En ce qui concerne l'ethnie dominante chinoise, les Han, qui représentent 91% des 1 400 000 millions de Chinois, ils peuvent se voir appliquer à eux seuls ma question.


Certes, mais qu'est-ce que ces Han ?

Je cite un extrait de l'article wikipedia sur la Chine :
Wikipedia a écrit :
Cinquante-six « nationalités »


La République populaire de Chine est un État-nation composé de cinquante-six « nationalités » (définissant une identité ethnique et/ou culturelle, et non une nation au sens occidental du terme) dont l'ensemble forme la « Nation chinoise » (中华民族 zhonghua minzu). L'égalité en devoirs et en droits de toutes ces nationalités est inscrite dans le droit constitutionnel de la République populaire de Chine[24],[25].

La nationalité « han »

La nationalité han, largement majoritaire (92 % de la population) est elle-même relativement hétérogène, et peut être également appréhendée comme un vaste ensemble de coutumes partageant des caractéristiques culturelles et linguistiques proches (en particulier la grammaire).


Je me demande si Han n'est pas équivalent à ce qu'en Europe on nommerait Latin, ou Germanique, ou Slave (à part que les Han partagent une même langue, ce qui, j'en conviens, est un ciment culturel puissant).

Basarab a écrit :
- des minorités ethniques ? En France il y a plusieurs ethnies, plusieurs cultures, et même plusieurs langues (Breton, Basque, etc.) certes "soumises" au jacobinisme.

Je ne pense pas que l'on puisse comparer ainsi.
En France, tous les français parlent français, en tout cas tous les français nés et éduqués en France.
Parfois, ils parlent en plus une langue régionale. C'est rare, mais ça existe.

En Inde, ou en Chine, c'est différent. Il n'y a pas de langue que tout le monde parlerait.

Par ailleurs, cette notion de minorités ethniques en France me surprend. Je n'ai jamais vu nulle part cette notion, en tout cas en métropole. Je doute que les bretons, les basques, les alsaciens, et même les corses, puissent être qualifiés d'ethnies distinctes.

Il me semble plutôt que s'il existe une ethnie, il s'agirait d'une ethnie "des français", qui incluerait la métropole, et déborderait des frontières de la France sur un certain nombre de territoires francophones d'Europe et même d'Amérique.
Toute l'histoire de la constitution de la nation française a consisté en tout cas à assimiler et faire disparaître d'éventuelles distinctions de nature ethnique sur son territoire. Ce qui me semble-t'il a été accompli, en dehors de certains territoires d'outre-mer comme la Nouvelle-Calédonie, et peut être la Polynésie.

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Message Publié : 25 Août 2008 2:40 
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Polybe
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Inscription : 11 Juin 2008 0:38
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Donc on ne peut parler de minorité ethnique que dans le cas où les individus conservent la langue et la culture spécifique à celle-ci ? Ou peut-être juste la conscience d'en faire parti ? Ce qui expliquerait pourquoi on ne peut en parler en France, puisque les individus se définissent par leur région et ignorent pour la plupart si ils descendent de Gaulois, de Latins, de Burgondes ou de Francs, qu'en pensez-vous ?

Je reviens sur le message de Zunkir :

Citer :
Et en cela, l'Inde est un opposé de la Chine plus qu'un jumeau. La Chine est le plus vieil Etat au monde qui ait une telle continuité historique. Le plus ancien Empire chinois est formé en 221 av. J.-C. Il y a certes eu des périodes de divisions depuis, mais il n'en reste pas moins qu'une tradition impériale avec la volonté d'unifier le peuple chinois dans un même ensemble politique est très forte depuis ce temps. Et elle a une tradition politique spécifique très ancienne (puisée dans les idées confucianistes et légistes avant tout), qui se voit encore de nos jours. Bien que l'Etat chinois actuel comprenne des ethnies diverses, il y a ici clairement une domination des "chinois" (les Han) par rapport aux autres (Tibétains, Ouïghours, Mongols, Miao et cie). Ces derniers méritent donc le qualificatif de "minorités ethniques", qui n'est pas vraiment pertinent en Inde. En ce sens l'Etat chinois, malgré sa diversité ethnique, fonctionne autour d'un noyau très fort qui s'apparente bien à un Etat-nation. Cela fait longtemps que cet Etat repose sur les Chinois, leur langue, leur écriture. Aujourd'hui les Han sont d'ailleurs en train d'achever de dominer complètement le territoire de l'Etat chinois, puisqu'ils sont majoritaires dans les territoires périphériques où se trouvent les plus fortes minorités (Tibet, Mongolie intérieure et Xinjiang).


Donc la Chine doit son unité nationale à l'hégémonie durable des Han, mais qu'en est-il de ces gens ?

- Sont ils un groupe qui aurait étendu son influence sur la Chine par une démographie galopante et des réussites militaires de la part d'un groupe de souche, et qui aurait diffusé son identité simplement parce que le groupe original s'est développé ? Ou au contraire, ont-ils englobé et "convertis" les autres peuples de la Chine, en faisant des Han ?

- Est ce simplement le fait de l'arrivée au pouvoir de la fameuse dynastie Han qui aurait réalisé, d'une certaine façon, ce que firent beaucoup plus tard les Jacobins avec la langue française ? Dans ce cas comment, compte tenu de la taille du territoire et du nombre de personnes concernées, ont ils pu imposer leur modèle avec les moyens de l'époque ? Simple question de temps ?


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Message Publié : 25 Août 2008 2:50 
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Philippe de Commines
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Inscription : 05 Jan 2008 16:29
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Peut-être faudrait-il définir les termes, pour savoir de quoi nous parlons, cela permettrait de mieux cadrer le débat.

Le TLFi donne la définition suivante du terme "ethnie" :

TLFi a écrit :
ETHNIE, subst. fém.
Groupe d'êtres humains qui possède, en plus ou moins grande part, un héritage socio-culturel commun, en particulier la langue :

La plus répandue des confusions est celle qui substitue la race à l'ethnie et réciproquement. (...) L'ethnie étant le groupement naturel pour la détermination duquel entrent en ligne de compte surtout la culture et la langue. Tandis que la race est un groupement déterminé par les savants.
Tiers monde, 1956, p. 112.
Rem. La docum. atteste a) Ethnisme, subst. masc., sing. Ensemble de liens qui réunissent des groupes d'individus ayant un patrimoine socio-culturel commun, particulièrement la langue. L'ethnisme roman, l'ethnisme germain. Il y a une autre unité, infiniment plus importante [que l'unité de race], la seule essentielle, celle qui est constituée par le lien social : nous l'appellerons « ethnisme ». Entendons par là une unité reposant sur des rapports multiples de religion, de civilisation, de défense commune, etc., qui peuvent s'établir même entre peuples de races différentes et en l'absence de tout lien politique (SAUSSURE, Ling. gén., 1916, p. 305). b) Ethnos, subst. masc., synon. didact. de ethnie.
Prononc. : []. Enq. : /etni/. Étymol. et Hist. 1896 (VACHER DE LAPOUGE, Sélections Sociales ds Vie Lang. 1964, p. 224). Dér. sav. du gr. (où -os est considéré comme suff.), proprement « toute classe d'êtres d'origine ou de condition commune »; suff. -ie*. Fréq. abs. littér. : 2.


Wikipedia et le Petit Robert nous disent ceci :
Wikipedia et le Petit Robert a écrit :
Une ethnie est un groupe humain possédant un héritage socio-culturel commun, comme une langue, une religion ou des traditions communes. Elle diffère en ceci du concept de race qui partage des caractéristiques biologiques et morphologiques liée à des ancêtres communs.

Le mot dérive du grec ancien εθνος qui signifie « peuple, nation ». Il a été employé pour désigner une peuplade primitive ou une tribu mais désigne, plus généralement, tout peuple, toute nation qui se reconnaît comme tel(le). Selon le dictionnaire le petit Robert : « l'ethnie française englobe notamment la Belgique wallonne, la Suisse romande, le Québec francophone ».


Sur ces bases, j'aurais tendance à privilégier une conception restrictive de la notion d'ethnie, comme étant un groupe socio-culturel se définissant comme exclusif de tout autre, et inclu dans aucun.
Avec cette définition, il n'y a en effet pas d'ethnies en France.

Par ailleurs, dans notre monde occidental pétri d'universalisme romain, quel est le vrai sens de cette notion d'ethnie, en dehors d'avoir supplanté la notion dépassée de race ?

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Message Publié : 25 Août 2008 10:31 
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Jules Michelet
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Inscription : 29 Déc 2003 23:28
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Basarab a écrit :
- Sont ils un groupe qui aurait étendu son influence sur la Chine par une démographie galopante et des réussites militaires de la part d'un groupe de souche, et qui aurait diffusé son identité simplement parce que le groupe original s'est développé ? Ou au contraire, ont-ils englobé et "convertis" les autres peuples de la Chine, en faisant des Han ?


Sans doute un peu des deux, comme on le voit à l'heure actuelle. Il est manifeste que tous les peuples qui ont soumis la Chine (Mongols, Mandchous) à un moment donné ont fini sinisés. Pour retourner plus loin en arrière, avant même l'unification, qui est le fait des Qin et non des Han, il est remarquable de noter que le royaume Qin est considéré au début de l'époque des Printemps et des automnes comme étant presque "barbare" par les royaumes du noyau culturel chinois (la moyenne vallée du Fleuve jaune). Mais il se sinise progressivement, notamment grâce à des réformes administratives et juridiques apparemment très volontaristes, voire même musclées, attribuées au "prince" Yang, un temps le premier ministre du royaume, porteur des idées légistes. A partir de son noyau, la "sinisation" se répand aussi bien par émulation culturelle, conquête, migrations, apparemment dès la dynastie Shang/Yin. C'est un processus très ancien. Le problème est comme souvent de distinguer entre ce qui est dit dans les discours et ce qu'il en est réellement. Une appartenance à un peuple est avant tout quelque chose de perçu, construit, et on peut exclure de son peuple des gens qui sont en fait très proches par la langue et la culture.

Citer :
Est ce simplement le fait de l'arrivée au pouvoir de la fameuse dynastie Han qui aurait réalisé, d'une certaine façon, ce que firent beaucoup plus tard les Jacobins avec la langue française ? Dans ce cas comment, compte tenu de la taille du territoire et du nombre de personnes concernées, ont ils pu imposer leur modèle avec les moyens de l'époque ? Simple question de temps ?


L'existence d'un Empire chinois est évidemment pour beaucoup dans le phénomène de sinisation du territoire chinois. En ayant le "mandarin" comme langue de l'administration, avec en plus le phénomène des examens impériaux qui créent une classe dirigeante très unie dès les débuts de la dynastie Han, tout cela constitue un appui solide à la progression de la sinisation. Mais attention, la dynastie Han a certes joué un rôle dans le processus, mais le territoire qu'elle domine est encore très divers ethniquement, bien plus que la Chine actuelle. La région du Yang-zi est encore vue comme semi-barbare avant d'être progressivement sinisée depuis les Tang, et surtout sous les Song. Il y a encore beaucoup de Thaï, ou de Viets dans l'actuelle Chine méridionale à cette période. Les lettrés envoyés dans un poste aux marges de l'Empire sous la dynastie Tang (au sud, à l'ouest) se sentent en pays étranger, isolés. Tout ça prend du temps, énormément de temps.

Citer :
des minorités ethniques ? En France il y a plusieurs ethnies, plusieurs cultures, et même plusieurs langues (Breton, Basque, etc.) certes "soumises" au jacobinisme.


Comme l'a dit Huyustus, ça n'a absolument rien à voir. Parler de minorité ethnique en France pour les groupes populations peuplant le territoire français depuis plusieurs siècles ne se fait pas, même par des personnes aux idées régionalistes/autonomistes à ma connaissance. La réalité est bien qu'en France il y a un peuple français très largement dominant, les variantes sont justes régionalistes, locales, rien qui n'entrave l'unité nationale autour d'un peuple de nos jours. Absolument rien à voir avec la grande diversité ethnique de l'Inde, ou même avec celle de la Chine.

Huyustus a écrit :
à part que les Han partagent une même langue, ce qui, j'en conviens, est un ciment culturel puissant


Il y a certes une langue dominante, le mandarin "standard", mais les Han parlent plusieurs langues vernaculaires. Les locuteurs du cantonais sont Han. Mais bon, ils sont très peu face à ceux qui parlent un dialecte du mandarin.


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Message Publié : 26 Août 2008 21:58 
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Eginhard
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Inscription : 01 Déc 2007 12:34
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Vos échanges sont passionnants.

Je me permet simplement d'intervenir afin de noter que la sinisation des régions périphériques est intervenue de manière réellement active que depuis quelques décennies concernant le Tibet, le Xinjiang, la Mandchourie...

Par la seule volonté du gouvernement central basé à Pékin, il n'y'a qu'à voir la colonisation impressionnante aux cours de ces 10 dernières années au Xinjiang avec l'exemple d'Urumqi, sa capitale adminitrative ou du Tibet mais plus longue et surtout moins récente sur le temps pour celui-ci par rapport au Xinjiang. Une colonisation un peu sur le modèle du Far West américain qui vise à submerger ces minorités ethniques.

Il y'a un très bon site qui traite des minorités nationales en Chine: les non-Han à travers des dispositions juridiques en matière de protection linguistique, des dispositions constitutionnelles mais en apparence seulement...

http://www.tlfq.ulaval.ca/axl/asie/Chin ... orites.htm

Comme on peut le noter via ce passage se trouvant sur le site en question:

Citer :
L'Etat chinois pratique une politique linguistique apparemment assez libérale à l'égard de ses minorités nationales. Mais la législation chinoise est trompeuse car elle correspond davantage à une façade juridique destinée à maquiller les pratiques réelles. Dans ce pays, il n'y'a pas beaucoup de place pour ceux qui refusent de se mouler dans le confucianisme chinois. C'est l'assimilation ou la sinisation tant linguistique que culturelle des uns (Miao, Zhouan, etc.) et la colonisation massive des autres (Mongols, Tibétains, Mandchous, etc.)


Partie 7 du site intitulée Les systèmes d'écriture pour les minorités, paragraphe 4.

On peut consulter L'Atlas des minorités dans le monde de Roland Breton chez Autrement, pour les cartes concernant des minorités dans le monde, notamment en Chine et en Inde.

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Message Publié : 27 Août 2008 0:52 
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Philippe de Commines
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Inscription : 05 Jan 2008 16:29
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A ce sujet, Artigas, je vous soumets un des nombreux aspects de mon ignorance : je n'ai jamais compris pourquoi il existe aujourd'hui un état indépendant de Mongolie, entre la Russie et la Chine.

Qu'est-ce qui fait que cet état existe, plutôt qu'une frontière Russie-Chine ininterrompue ?

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Message Publié : 27 Août 2008 11:27 
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Eginhard
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Inscription : 01 Déc 2007 12:34
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C'est la Révolution de 1911 avec l'instauration de la première République à partir de 1911 par les nationalistes du Guomindang qui explique en partie l'autonomie puis l'indépendance en 1924 de l'actuelle Mongolie. Mettant par là-même fin à la dynastie des Qing.

Le pouvoir central de l'époque était fortement instable, en pleine guerre civile et surtout l'URSS a en sous-main favorisé l'indépendance de ce pays afin d'en faire un Etat vassal ainsi qu'un Etat-tampon entre lui et la Chine des nationalistes puis de Mao avec la victoire de ce dernier sur les nationalistes en 1949, instaurant la République populaire de Chine.

Les nationalistes puis Mao n'ont pas eu vraiment le choix...Face à la volonté du puissant voisin soviétique.

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Message Publié : 27 Août 2008 15:02 
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Fustel de Coulanges
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Inscription : 15 Nov 2006 17:43
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Localisation : Lorrain en exil à Paris
Il me semble que la région du Tannu-Touva a été indépendante quelques années non?

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"Les bijoux du tanuki se balancent
Pourtant il n'y a pas le moindre vent."


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Message Publié : 27 Août 2008 20:09 
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Eginhard
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Inscription : 01 Déc 2007 12:34
Message(s) : 899
Votre intuition est bonne Alfred Teckel.

Citer :
Après avoir été temporairement un protectorat de l'Empire russe, peu après la Révolution russe de 1917, les troupes communistes prennent le contrôle du Touva en janvier 1920. Le chaos qui suit cet épisode permit aux touvains de proclamer leur indépendance, et ce le 14 août 1921. La république populaire bolchevique touvaine (soutenue par Moscou) est née avant d'être renommée république populaire de Tannou-Touva en 1926 [...] Un traité de 1926 entre l'Union soviétique et la république mongole reconnaît l'indépendance du pays. Aucun autre pays n'en reconnaît l'existence[...]

Le Tannou-Touva entre en guerre aux côtés des alliés le 25 juin 1941, soit trois jours après l'Union soviétique. Le 11 octobre 1944après l'approbation du petit khural(parlement touvain), Le Touva fut annexé par l'URSS, intégré sous le nom d'Oblast autonome de Touva, bien qu'il n'y'ait pas eu de consultation à l'échelle du pays sur la question


Issu de l'article sur le Tannou-Touva en tant que république de la Fédération de Russie sur Wikipedia

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Message Publié : 27 Août 2008 21:41 
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Eginhard
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Inscription : 01 Déc 2007 12:34
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Le présent ouvrage semble répondre à la question de l'auteur du topic; Basarab concernant la Chine:

Colin Mackerras, China's Minorities. Integration and Modernization, in the Twentieth Century, Oxford University Press, New York, 1994, 355 p

Avec un très bref résumé d'une page seulement mais assez éclairant via le site suivant:

http://www.jstor.org/pss/1534564

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Message Publié : 28 Août 2008 14:30 
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Eginhard
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Inscription : 01 Déc 2007 12:34
Message(s) : 899
Il y'a un article intéressant tiré de la revue Critique internationale, numéro 24-juillet 2004 sous la forme d'un compte-rendu d'un ouvrage de Dru C. Gladney intitulé Dislocating China: Reflections on Muslims, Minorities, and Other Subaltern Subjects, Chicago, University of Chicago Press, 2004.

L'auteur de cet ouvrage remet en question le modèle de construction et d'identification nationale de la Chine au cours des dernières décennies par les élites chinoises et la nette majorité han.

Par Rémi Castets*

Citer :
Au cours du XXe siècle, les élites chinoises acquises au nationalisme culturel1 ont tenté de donner au pays la cohésion qui lui permettrait de retrouver sa puissance. Ce processus fédérateur s'est appuyé sur la diffusion d'un système de représentations objectivant la nation chinoise en lui attribuant une continuité historique et un noyau culturel, tous deux largement situés dans ce qu'on appelle de nos jours "le monde han". Aujourd'hui encore, les sinologues se réfèrent souvent à ces stéréotypes sans les soumettre à examen. Dans la mesure ou les minorités nationales se situent en dehors du noyau, la plupart d'entre eux les considèrent comme des sujets secondaires, des groupes par définition en marge du processus de construction nationale. L'ouvrage de Dru Gladney, qui s'inscrit dans la lignée des Subaltern Studies 2, rompt clairement avec cette tendance. Il souligne en effet que l'analyse des rapports entre ces "sujets subalternes" et l'Etat chinois permet de révéler les logiques qui sous-entendent les processus de construction de la nation et des identités en Chine.

Comme l'indique le titre de son ouvrage, D. Gladney procède à une véritable déconstruction du système chinois de catégorisation nationale et de son corollaire: la dichotomie majorité han 3/minorités nationales. Via l'étude des Hui 4 mais aussi des musulmans turcophones du Xinjiang, voire des groupes infranationaux du Sud de la Chine 5, il dévoile le caractère historiquement construit et, pour tout dire, contingent de ces catégories. En révélant ainsi l'hétérogéneité de la Chine à travers ses minorités, il remet en question le mythe de l'homogéneité nationale et de l'immanence historique de la majorité han. Ainsi fait-il apparaître les logiques qui guident le processus de construction nationale et la façon dont la nation chinoise et en particulier la majorité han se sont définies en posant certaines minorités comme un Autre culturel, primitif ou antithétique.

A cet égard, l'ouvrage de D. Gladney s'inscrit dans le prolongement des nombreux travaux sur les identités nationales qui, au cours des dernières décennies, ont mis l'accent sur leur dimension relationnelle, prenant ainsi leurs distances avec les conceptions primordiales ou culturalistes. C'est à cette condition qu'il est alors possible de répondre aux questions suivantes: Pourquoi les Hakkas ou les Cantonais n'ont-ils pas été reconnus en tant que minorités nationales tandis que les Hui l'ont été? Pourquoi certains groupes disposant d'un héritage historique et culturel clairement distinct refusent-ils d'être détachés de la majorité han? Pourquoi un nombre croissant d'individus, autrefois labellisés han, se retournent-ils vers une ancestralité parfois assez vague pour obtenir le statut de minorité nationale (chap. 2)? En effet, la référence à une identité permet généralement d'accéder à un capital symbolique ainsi qu'à des avantages matériels. Transposant au terrain chinois les analyses d'Evans-Pritchard sur les sociétés prémodernes africaines, D. Gladney souligne notamment que la formation et l'expression de ces identités sont avant tout conditionnées par des logiques relationnelles, éventuellement oppositionnelles. En resituant les communautés hui, ouîghoures ou kazakhes dans leurs contextes socio-historiques et leur environnement politico-culturel, il fait ressortir l'existence d'une pluralité d'identités simultanément mobilisables par un même individu, pluralité qu'occulte la politique de catégorisation nationale chinoise. Il montre, par exemple, que réduire l'identité Hui à son statut national revient à nier une grande partie des référents identitaires qu'il peut être amené à utiliser en fonction des différents contextes dans lesquels il se trouve: musulman; citoyen chinois; Hui; membre d'un réseau soufi; résident d'un village; descendant d'un lignage...

Parallèlement à cette mise en évidence de la multiplicité des identités subjectives, D. Gladney s'attache à l'impact des politiques et des contextes étatiques sur les identités en question. A cet égard, les destins divergents des lignages anciennement musulmans situés de chaque côté du détroit de Formose offrent un exemple particulièrement instructif. A Taiwan, l'Etat ne les distinguant pas des Han, les communautés déisislamisées du Sud de la Chine ont été complètement assimilées, alors que de l'autre côté du détroit elles ont obtenu la nationalité hui et peuvent prétendre aujourd'hui à la réaffirmation de leur identité islamique. Cependant, les catégorisations opérées par la politique des nationalités en Chine ont tendance à fondre dans un même moule des commmunautés parfois hétérogènes. Au sein même de la communauté hui, D. Gladney constate ainsi des disparités culturelles entre les lignages hautement assimilés du Sud de la Chine, qui ont maintenu une identité ethnique dont le contenu n'est plus islamique, et ceux du Nord-Ouest pour lesquels la culture islamique et les lignes de segmentation entre réseaux soufis demeurent particulièrement vivaces (chap. 8). En mettant en relief l'existence de niveaux d'identification différents dans les communautés musulmanes de Chine et dans les diasporas à l'étranger (chap.8 et 9), il montre bien que les identités mobilisées en dernier ressort sont le produit des interactions entre la subjectivité des individus et des contextes socio-politiques qui, aujourd'hui, sont généralement ceux des Etats-nations modernes.

D'après l'auteur, fidèle à la logique téléologique propre à l'idéologie nationaliste, l'Etat entreprendrait alors de consolider ces identités en les adossant à un certain nombre de stéréotypes. L'analyse des clichés véhiculés par les parcs ethniques chinois (chap.3), l'école de peinture du Yunnan (chap. 4) et les films de la cinquième génération (chap.5) 6 montre ainsi comment l'affirmation de la modernité des Han et de leur vocation à guider la nation chinoise sur la voie du progrès est sous-entendue par la dichotomie qui les oppose à des minorités nationales elles-mêmes conçues comme irrémédiablement primitives. Et D. Gladney d'illustrer son propos par la métaphore herméneutique des chaînes câblées (chap. 3). De même que les sociétés de diffusion fournissent le moyen de décrypter les programmes grâce à un système de décodage, de même l'Etat delivre la version "décryptée" d'une situation initialement illisible, vouée à recueillir progressivement l'assentiment des populations.

Tout au long de l'ouvrage, il apparaît en filigrane que, en dépit de leur identité culturelle partiellement musulmane, les Hui font partie intégrante de la société chinoise. Même s'ils tendent, comme les autres minorités musulmanes, à se sentir de plus en plus solidaires du reste de l'Umma à mesure que de nouveaux liens se tissent (chap. 14), les Hui ont également su tirer avantage de la politique extérieure chinoise à l'égard du monde islamique. Profitant de la politique d'ouverture engagée par Deng Xiaoping, ils sont parvenus à retourner en leur faveur les stigmates mercantilistes dont ils étaient porteurs et ont ainsi pris place parmi les bénéficiaires de la croissance économique. Cette relative prospérité leur a alors permis de renforcer leur identité musulmane, notamment à travers le développement d'infrastructures religieuses et éducatives (chap. 12 et 13).

Si la résurgence du nationalisme chinois en tant qu'idéologie unifiante a bien pour fonction de contrebalancer le déclin du communisme, D. Gladney souligne qu'un tel projet politique est également de nature à susciter des réactions identitaires, voire une montée du nationalisme séparatiste chez les sujets subalternes des marges géographiques du pays (Tibet, Xinjiang) 7. Cependant, il se garde bien de prédire la dislocation ou l'éclatement de la Chine et s'inscrit en faux contre les théories contemporaines qui posent l'homogéneité culturelle, civilisationnelle, voire raciale de la Chine comme la condition sine qua non de sa survie.

Ceux qui ont suivi les travaux de Dru Gladney depuis la fin des années 1980 reprocheront peut-être à l'auteur de puiser abondamment dans certains de ses articles ou chapitres d'ouvrages déjà publiés par ailleurs. Fondé sur une excellente connaissance du terrain, Dislocating China a néanmoins pour vertu de démontrer avec une grande finesse les construits idéologiques qui occultent la réalité anthropologique et politique. En cela, il offre une grille de lecture précieuse et innovante qui restitue toute la dimension multiculturelle de la sicité.


Notes de bas de page

1. D. Gladney définit le nationalisme culturel comme un processus par lequel des éléments culturels sont utilisés dans des buts nationalistes à la fois par l'Etat-nation et par les peuples qui le composent.

2. Partant du constat que l'écriture de l'histoire en Inde avait été largement soumise à des logiques colonialistes ou élitistes, l'école des Subaltern Studies a entrepris de restituer toute la diversité de la société indienne en élaborant une nouvelle historiographie qui soulignerait le rôle jusqu'alors délibérément négligé des groupes considérés comme marginaux.


3. Les populations labellisées "han" représentent plus de 92% de la population chinoise.

4. La communauté sinophone de religion musulmane

5. Cantonais, Hakkas, Min du Fujian

6. De plus en plus nombreux, les parcs thématiques consacrés aux minorités ethniques, tel le Parc des cultures ethniques de Chine à Pékin, diffusent un folklore et un discours historique caricaturés servant des buts nationalistes. Ce type de cliché est également véhiculé de façon plus insidieuse par divers courants artistiques. Ainsi, l'école picturale du Yunnan (Yunnan buapai), née dans les années 1980, a privilégié la représentation des minorités du Sud de la Chine mais en leur attachant une image érotisante proche de celle que les Occidentaux attribuaient aux "bons sauvages". De même, à partir de la même époque, les films des cinéastes chinois comme Tian Zhuanghuang, qui ont utilisé le prisme des minorités pour dénoncer des problèmes touchant l'ensemble de la société chinoise, ont eu tendance eux aussi à donner une image primitive de ces populations.

7. A cet égard, D. Gladney se réfère aux analyses de Michael Hechter dans Internal Colonialism: The Celtic Fringe in British National Development, 1536-1966, Londres, Routledge et Kegan Paul, 1975

Rémi Castets est doctorant à l'IEP de Paris, rattaché au CERI (Paris) et au Centre d'études français sur la Chine contemporaine (CEFC, Hong Kong). Ses thèmes de recherche portent sur le nationalisme, l'islam politique et les questions internationales en Chine et en Asie centrale. Il a publé dernièrement "le mal être ouîghour"

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''L'histoire, je le crains, ne nous permet guère de prévoir, mais, associée à l'indépendance d'esprit, elle peut nous aider à mieux voir.'' Paul Valéry


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