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 Sujet du message : Re: Les traitres par devoir
Message Publié : 07 Déc 2009 22:56 
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Pierre de L'Estoile
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Tonnerre a écrit :
il y a quelques exemples: Caligula, Héliogabale, et quelques autres tyrans cruels et dérangés.
Exemples contestables et contestés, dignes de Gladiator : lisez : Elagabal: fou, incompris ou révolté? et Suétone, "Vies des douze césars".
En fait, on peut poser le précepte : assassiner un prince rend le monde plus beau... si ceux qui écrivent l'Histoire sont d'accord avec nous ! :wink:

pierma a écrit :
Encore que les premiers caressent le pouvoir établi (celui du maréchal) dans le sens du poil, alors que les seconds se rebellent et prennent un vrai risque. Vichy, la trahison ce n'était pas d'y entrer, mais d'y rester.
Qualifier le gouvernement de Vichy de trahison me paraît inapproprié. Je sais que vous en avez déjà parlé dans le sujet sur la pétainolâtrie.
Nous serions plutôt selon moi dans le cas du prince qui prend de mauvaises décisions, et de fait, justifie que ses sujets estiment de leur devoir de le trahir.

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Qui contrôle le passé contrôle l'avenir.
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 Sujet du message : Re: Les traitres par devoir
Message Publié : 08 Déc 2009 8:18 
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Jean Mabillon
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Bon, je n'ai que le quart du dizième du courage nécessaire donc je vais me contenter de quelques petites remarques.

Ce que je voulais dire, cher Pierma, c'est que votre projet va très vite ressortir à de l'histoire morale ou de la morale historique. Et les divers commentaires qui ont suivi notre discussion l'ont illustré: les traîtres cités le sont par rapport aux valeurs de notre XXIème siècle commençant (démocratie, liberté etc.). Or, je pense que cette démarche de jugement (car c'est bien de ça qu'il s'agit) est par définition anti-historique. Et puis les valeurs actuelles ne seront peut-être plus d'actualité dans le futur et votre travail en dira plus long sur notre époque que sur leur objet d'étude.

A propos de Mussolini, Castro ou Franco, je ne plaisantais pas. Je n'ai pas de sympathie particulière pour leur régime (c'est le moins que l'on puisse dire) mais ils sont à replacer dans le contexte de leur époque et non pas à juger (encore!) selon nos critères. Mussolini I (jusqu'en 38) était admiré par plusieurs dirigeants ou responsables politiques de l'époque (dont Churchill) et était plus ou moins vu comme l'un des arbitres de l'Europe. Evidemment, est venu Mussolini II ensuite... Castro a remplacé Batista (dont la dictature n'était pas beaucoup plus douce), il a mis fin au bordel-casino que constituait Cuba pour les mafieux états-uniens, son régime a fait d'énormes pas en avant dans la santé publique et l'éducation. Evidemment, la dictature... Franco a fait ce qu'il a fait. Est-ce que ses adversaires de l'époque, marionettes du NKVD, auraient été plus "doux"? Sans doute pas... (D'ailleurs, en disant tout cela, je juge aussi d'une certaine façon selon nos critères actuels). Est-ce que ces trois régimes entrent dans la catégorie des "fous" dont vous parlez? Comment pouvons-nous en juger (encore et toujours!)?

Bon, voilà, c'était (trop) rapide mais je n'ai vraiment pas eu le courage de tout réécrire. :oops:

Cordialement!


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 Sujet du message : Re: Les traitres par devoir
Message Publié : 08 Déc 2009 11:51 
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Jean Mabillon
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Exemples contestables et contestés, dignes de Gladiator : lisez : Elagabal: fou, incompris ou révolté? et Suétone, "Vies des douze césars".


J'ai lu la Vie des douze Césars il y a très longtemps--très divertissante lecture--, et ce que l'on reproche à Suétone, c'est justement d'avoir forcé le trait et calomnié certains empereurs pour des raisons politiques.
Tout de même, comme il n'y avait pas beaucoup d'autres moyens de s'en débarrasser, assassiner un empereur dangereusement incompétent pouvait être utile.
Vous connaissez la formule sur l'empire romain: "une tyrannie tempérée par l'assassinat".


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 Sujet du message : Re: Les traitres par devoir
Message Publié : 08 Déc 2009 13:11 
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Tonnerre a écrit :
Tout de même, comme il n'y avait pas beaucoup d'autres moyens de s'en débarrasser, assassiner un empereur dangereusement incompétent pouvait être utile.
Vous connaissez la formule sur l'empire romain: "une tyrannie tempérée par l'assassinat".


Dangereusement incompétent, ou simplement trop engagé dans un rapport de force avec les sénateurs nostalgiques de leurs prérogatives passées. Ce n'est pas pour rien si Suétone fait passer Caligula pour un dément ou Néron pour un mégalomane, tandis qu'entre eux deux Claude hérite, si vous me passez l'expression, du rôle du "bon con", méprisable mais modéré à l'égard du Sénat.

Pour revenir à vos projets, pierma, vous connaissez l'adage : "L'histoire est écrite par les vainqueurs". C'est assez vrai mais ça ne doit pas nous empêcher d'essayer de faire la part des choses. D'ailleurs à qui la doit-on, cette phrase ? A Brasillach, guère le profil de vos traîtres vertueux... Non, il serait je pense plus fécond de vous passer d'une vision a posteriori. Avant d'être des régimes criminels, vaincus et unanimement condamnés, les régimes de Mussolini et d'Hitler ont fasciné beaucoup de leurs contemporains, y compris à l'étranger. Vouloir en faire émerger des traîtres louables car visionnaires, c'est trop simple.
L'avantage de ne pas s'en tenir au XXe siècle en tout cas, c'est que cela désamorce davantage les passions !


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 Sujet du message : Re: Les traitres par devoir
Message Publié : 08 Déc 2009 14:18 
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Jean Mabillon
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Citer :
Dangereusement incompétent, ou simplement trop engagé dans un rapport de force avec les sénateurs nostalgiques de leurs prérogatives passées.


Subjectivement, ça revient au même, les sénateurs nostalgiques de leurs prérogatives passées pensaient qu'un empereur qui portait atteinte à leur pouvoir était dangereusement incompétent.
Les meurtriers politiques tuent leur victime parce qu'à leurs yeux, elle menaçait des valeurs et des intérêts (les leurs), qu'ils identifient à l'intérêt général.
Et le meurtre politique a son utilité même à l'époque moderne: Robespierre.


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 Sujet du message : Re: Les traitres par devoir
Message Publié : 09 Déc 2009 7:50 
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Elgor a écrit :
pierma a écrit :

Plus amusant, j'ai un oncle, prêtre de son métier, qui y caserait volontiers Judas !


permettez à un mécréant d'être, une foi n'est pas coutume B) , d'accord avec un prêtre de la religion catholique, apostolique et romaine.
Judas était en effet apôtre de J.C, mais il était avant tout Zélote. Les zélotes étaient une secte juive qui préparait, entre autres, la révolte contre les romains. Des nationalistes avant l'heure, en somme. Or, alors que les zélotes avaient besoin de gens déterminés à se battre, d'une population acquise à cette idée, voilà t'il pas qu'un quidam, prêche la soumission, le pardon des insultes, déclare "donnez à césar ce qui appartient à césar". Il fallait le faire taire ! Et judas en fut chargé. Il remplit, certes, sa mission, mais, suivant l'évangile, se pendit pour avoir été obligé de trahir son ami.


L'Evangile de Thomas abonde dans le sens de l'Oncle Elgor et va même encore plus loin:
Ce serait Jésus lui même qui aurait incité Judas à le trahir pour que les prophéties s'accomplissent.

Pour ce qui est de Brutus, c'est un fait que le complot dont il s'est rendu complice ne visait absolument pas la sauvegarde de la république... mais lui même ne le savait peut-être pas.


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 Sujet du message : Re: Les traitres par devoir
Message Publié : 09 Déc 2009 13:40 
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Vestitudo a écrit :
Pour revenir à vos projets, pierma, vous connaissez l'adage : "L'histoire est écrite par les vainqueurs". C'est assez vrai mais ça ne doit pas nous empêcher d'essayer de faire la part des choses. D'ailleurs à qui la doit-on, cette phrase ? A Brasillach, guère le profil de vos traîtres vertueux... Non, il serait je pense plus fécond de vous passer d'une vision a posteriori.

là j'avoue que je nage un peu...

Un historien m'explique que je devrais me passer d'une vision à postériori.

Mais c'est le terme de "traître par devoir" qui brouille tout. Peut-être devrait-on dire "rebelles positifs ?"

A moins de se garder des jugements de valeur, et de présenter les conditions historiques où sont apparus ces "traîtres par devoir" (positifs ou négatifs) ce qui permet d'illustrer le choix historique auquel ils étaient confrontés, en se remettant dans les conditions et les valeurs de l'époque.

Citer :
Avant d'être des régimes criminels, vaincus et unanimement condamnés, les régimes de Mussolini et d'Hitler ont fasciné beaucoup de leurs contemporains, y compris à l'étranger. Vouloir en faire émerger des traîtres louables car visionnaires, c'est trop simple.

Là il me semble que vous citez précisément un contre-exemple.

Cette période des totalitarismes a vu apparaître un certain nombre de figures lumineuses, qui ont, dès le départ, pressenti - ou tout bonnement constaté - la nature criminelle du régime qui se mettait en place.

Evidemment, parmi les combattants de la 2e DB qui entrent à Paris, il y a le fils de Walter Rathenau. Il n'avait pas grand mérite à avoir su distinguer le caractère criminel du nazisme : les nazis avaient assassiné son père.

Mais il y a d'autres "traîtres par devoir" qui ont eu simplement le "bon réflexe", parce qu'ils avaient des valeurs solides et distinguaient vers quoi tendait l'utilisation de la violence revendiquée explicitement par ces nouvelles idéologies. (L'éternel "la fin justifie les moyens" - qui autorise toutes les folies - intégré comme faisant partie constitutive du mode de gouvernement, et comme socle de la doctrine officielle.)


Citer :
L'avantage de ne pas s'en tenir au XXe siècle en tout cas, c'est que cela désamorce davantage les passions !

Les passions sont évidemment plus violentes sur certains sujets du 20ème siècle (l'Algérie, typiquement) mais on s'aperçoit que de vieilles polémiques sont encore bien chaudes. (Typiquement : la Vendée pendant la Révolution.)

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Les raisonnables ont duré, les passionnés ont vécu. (Chamfort)


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 Sujet du message : Re: Les traitres par devoir
Message Publié : 09 Déc 2009 15:11 
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Citer :
Mais il y a d'autres "traîtres par devoir" qui ont eu simplement le "bon réflexe", parce qu'ils avaient des valeurs solides


Il y a un jugement de valeurs inhérent à votre projet: pour les nazis, le rebelle positif qui a eu le bon réflexe, c'était Leo Schlageter.
Rebelle positif: tout dépend pour qui.


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 Sujet du message : Re: Les traitres par devoir
Message Publié : 09 Déc 2009 17:12 
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J'ai été surpris par l'animosité de certains napoléonophiles, ou napoléonolâtres, à l'égard de Bernadotte, pour lequel ils n'avaient pas de mots assez durs pour qualifier sa "traîtrise". Cela se passait sous d'autres lieux forumiques, et tous les arguments que j'ai pu donner en faveur du futur souverain n'ont rien changé.

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Il n'est pas nécessaire d'espérer pour entreprendre, ni de réussir pour persévérer (Guillaume le Taciturne)


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 Sujet du message : Re: Les traitres par devoir
Message Publié : 09 Déc 2009 18:03 
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Je me suis peut-être mal exprimé. Il s'agit plutôt d'éviter un jugement a posteriori.

Votre réponse indique justement le type de jugements qui me semble préjudiciable à votre étude : si je vous suis, on admet aujourd'hui (et à raison bien sûr) que le régime nazi était criminel, donc tout individu qui, quels qu'aient été ses intérêts dans l'affaire, estime à l'avance qu'il faut s'élever contre ce régime, est un traître par devoir / un rebelle positif ?

Non, positif ? Ce terme-ci n'est, je pense, pas très historique. Il ne s'agit pas d'éviter la consensualité, car louer encore le rôle de tels hommes le serait aussi. C'est plus une question de méthode. Cela dit je fais peut-être fausse route !


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 Sujet du message : Re: Les traitres par devoir
Message Publié : 09 Déc 2009 19:08 
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Tonnerre a écrit :
Il y a un jugement de valeurs inhérent à votre projet: pour les nazis, le rebelle positif qui a eu le bon réflexe, c'était Leo Schlageter.
Rebelle positif: tout dépend pour qui.

Je dois confesser à mon grand regret que j'ai un jugement de valeur sans appel sur les nazis : je me vois mal pousser le relativisme historique jusque-là.

Vestitudo a écrit :
Je me suis peut-être mal exprimé. Il s'agit plutôt d'éviter un jugement a posteriori.

Votre réponse indique justement le type de jugements qui me semble préjudiciable à votre étude : si je vous suis, on admet aujourd'hui (et à raison bien sûr) que le régime nazi était criminel, donc tout individu qui, quels qu'aient été ses intérêts dans l'affaire, estime à l'avance qu'il faut s'élever contre ce régime, est un traître par devoir / un rebelle positif ?

Non, positif ? Ce terme-ci n'est, je pense, pas très historique. Il ne s'agit pas d'éviter la consensualité, car louer encore le rôle de tels hommes le serait aussi. C'est plus une question de méthode. Cela dit je fais peut-être fausse route !

Je pense que vous avez raison. Je dois intégrer le fait qu'il y a eu des "traitres par devoir" y compris parmi ceux qui ont fait fausse route.

Ils ont fait fausse route, on peut en juger à postériori (et encore, certains font débat encore aujourd'hui) mais ce n'était pas évident dans le contexte de l'époque. C'est à la lumière de l'époque en question qu'il faut examiner leur dilemme, leur choix, leurs doutes...

Il y a un sujet qui est passé inaperçu, y compris dans cette discussion : le dilemme entre nationalisme et loyalisme, lancé par Fabien de Stenay ICI :
viewtopic.php?f=55&t=3813

Il illustre son propos par un extrait de Chateaubriand assistant - de très loin - à la bataille de Waterloo, et partagé entre son aversion pour Napoléon et l'éventualité d'un retour de Louis XVIII taché par le sang des soldats français.
Fabien de Stenay a écrit :
(...)
Ce conflit entre patriotisme et loyalisme (ou légitimisme) n'est-il pas typique de l'époque contemporaine ?
J'ai du mal à en trouver trace avant la Révolution. (...)

En revanche, l'époque contemporaine semble pleine de ces dilemmes auxquels je trouve une saveur assez grandiose.
Je pense à Robert E. Lee, qui ne se résigna à se dresser contre l'Union que quand les troupes fédérales menacèrent sa petite patrie virginienne (conflit entre la fidélité au gouvernement fédéral, jugé légitime par Lee, et l'amour de la patrie).
Je pense au colonel von Stauffenberg, qui en s'en prenant à Hitler (c'est-à-dire en suivant ses convictions de chrétien) avait douloureusement le sentiment de devenir un traître à sa patrie.
Je pense au général Vlassov, qui pour débarrasser sa patrie russe de la tyrannie de Staline, accepta de collaborrer avec l'envahisseur allemand.

Il me semble qu'une des caractéristique de la période qui commence avec la Révolution est celle-ci : les Etats constitués s'appuient sur l'idée qu'ils représentent le bien. (la démocratie, le progrès, la nation, la défense des prolétaires...)

Dès lors, trahir l'Etat en place situe le traître - aussi bonnes soient ses motivations - comme un individu détestable qui doit être mis au banc de la société.

Cette prétention de l'Etat à incarner le bien collectif, l'intérêt général, il me semble qu'elle naît avec la démocratie.

Evidemment, elle existe sous une forme plus aigüe lorsque la démocratie est pervertie, ou fait carrément naufrage dans le totalitarisme.

Mais même une démocratie moderne peut mettre des individus devant l'obligation - pour eux - de devenir des traîtres par devoir : par exemple, dans le cas de la guerre d'Algérie, on peut mettre dans cette catégorie aussi bien le général Challe (traître par devoir, au nom de l'Algérie française) que Francis Jeanson (traître par devoir, au nom de l'indépendance algérienne.)

En clair : il me semble qu'une problématique nouvelle est apparue avec les Etats modernes.

On voit bien que la "tolérance à la trahison" n'est plus celle des époques antérieures, où l'on admettait comme honorable qu'un homme trahisse lorsque le pouvoir mettait en cause son honneur, celui de sa famille,... Voire même ses intérêts particuliers, si on examine l'époque féodale.

Je vois un indice de cette ancienne "tolérance à la trahison" dans le fait que Brutus est resté vivant. Personne n'a jugé indispensable d'exécuter l'assassin de César. Au delà des circonstances particulières de ce cas, imagine-t-on pareille compréhension des motivations de celui s'en prend à l'Etat, à compter de 1789 ?

D'autant que les Etats qui pervertissent la démocratie sont ceux qui revendiquent au maximum l'intérêt général, fût-ce au prix de millions de morts.

Allez donc savoir s'il faut s'opposer à Staline, lorsque celui-ci se drape dans le drapeau de Koutousov pour défendre la Sainte Russie...

Est-ce qu'il n'y a pas là une problématique moderne, voire toujours actuelle : Celle de l'homme face à l'Etat ?

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 Sujet du message : Re: Les traitres par devoir
Message Publié : 10 Déc 2009 10:45 
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Je dois confesser à mon grand regret que j'ai un jugement de valeur sans appel sur les nazis : je me vois mal pousser le relativisme historique jusque-là.


Là n'est pas la question, moi aussi j'ai un jugement de valeur sans appel sur les nazis. C'est facile de juger quelle était la bonne cause maintenant, a posteriori,parce que la victoire des Alliés a tranché mais vous semblez poser qu'il suffit d'avoir de solides principes moraux pour faire le bon choix sur le moment, et c'est là-dessus que j'achoppe, car ce n'est pas si simple. Le choix est relativement clair pour le nazisme, Hitler ayant dévoilé ses batteries dès "Mein Kampf": le nazisme était fondé sur des principes intrinsèquement immoraux.
Mais il n'en est pas ainsi, en fait au contraire, pour le communisme par exemple: et donc des gens ayant une éthique exigeante ont pu s'engager (et trahir) pour une cause qui leur paraissait profondément morale et qui à l'usage s'est avérée aussi oppressive et sanglante que le nazisme. Ce n'est pas qu'ils étaient des salauds sartriens ou sont restés passifs devant l'iniquité, c'est juste qu'ils se sont trompés/ont été trompés.
Votre approche pose qu'il existe une frontière toujours parfaitement claire et absolue entre le bien et le mal et que l'on peut distinguer les deux facilement; or je maintiens (sans sombrer dans le relativisme) que le jugement moral que l'on porte dans la confusion du moment face à certaines situations peut dépendre des informations dont on dispose, du camp auquel on appartient et plus tard de la victoire ou de la défaite de ce camp.
Un exemple, Kim Philby, l'espion de Cambridge, qui est considére en GB comme un archi-traitre, puisqu'il a collaboré pendant des décennies avec les services secrets soviétiques, leur communiquant des renseignements qui ont côuté la vie à des dizaines d'agents anglais et de "combattants de la liberté" dans les pays de l'Est.
A vos yeux, Philby serait donc un méchant; or il s'est engagé dans le communisme parce qu'il était scandalisé par la situation des travailleurs en GB après la crise de 29, voulait se battre pour un monde plus juste etc. Des préoccupations très morales donc. Aux yeux des Russes, il est (encore) un héros, qui a défendu leur patrie et leur a permis, de pair avec son accolyte McLean et grace aux renseignements communiqués, de mieux combattre les nazis et d'obtenir l'arme atomique plus tôt.
L'intention de Philby était généreuse, mais il se trouve que l'union soviétique ne s'est pas avéré être un paradis pour les travailleurs et que que le communisme a perdu, donc nous pouvons poser 50 ans plus tard qu'il a misé sur le camp du mal. Mais c'est un jugement a posteriori ne reflètant pas les conditions réelles de son choix au moment où il l'a fait et de plus pouvant impliquer des postulats politiquement discutables (le bien serait du côté capitaliste).
L'histoire comporte beaucoup plus de cas confus que de situations éthiquement claires, cas où on se trouve en présence de deux revendications relativement légitimes, par exemple le cas d'Israel et de la Palestine, ou même de la décolonisation algérienne (la terre appartenait aux Algériens incontestablement mais on pouvait considérer que les revendications des colons n'étaient pas totalement abusives non plus).
Et donc, celui qu'on consacre "rebelle positif" est finalement celui qui a soutenu le camp qui a gagné--ce qui en soi n'est pas très éthique.


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 Sujet du message : Re: Les traitres par devoir
Message Publié : 10 Déc 2009 12:59 
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pierma a écrit :
On voit bien que la "tolérance à la trahison" n'est plus celle des époques antérieures, où l'on admettait comme honorable qu'un homme trahisse lorsque le pouvoir mettait en cause son honneur, celui de sa famille,... Voire même ses intérêts particuliers, si on examine l'époque féodale.

Je vois un indice de cette ancienne "tolérance à la trahison" dans le fait que Brutus est resté vivant. Personne n'a jugé indispensable d'exécuter l'assassin de César. Au delà des circonstances particulières de ce cas, imagine-t-on pareille compréhension des motivations de celui s'en prend à l'Etat, à compter de 1789 ?


Hum, votre raisonnement mérite l'examen, mais cet exemple le dessert franchement ! :oops:
D'une part, Brutus et les autres conjurés ont assassiné un homme qui, lui-même, avait flirté plus d'une fois avec l'illégalité pour en arriver jusque là. On est dans le contexte des guerres civiles et en dépit de ses charges exceptionnelles mais bien réelles, César a pu passer aux yeux de la plupart des sénateurs non comme l'Etat, mais comme celui qui l'usurpait.
D'autre part, vous oubliez que Brutus et les autres ont dû... quitter Rome très rapidement, car ça risquait fort de mal tourner pour eux ! Antoine chauffait la plèbe à blanc... Et dans l'absolu Brutus n'est mort que deux ans et demi après César, face aux armées des triumvirs, c'est-à-dire en représailles de son acte. Bref, Brutus n'a pas été un Ravaillac ou un Jeronimo Caserio. Il n'a pas agi seul, loin s'en faut, et on en a surtout fait le visage symbolique d'une cabale qui a impliqué beaucoup de sénateurs, c'est-à-dire à Rome de militaires, qui avaient toujours jusqu'alors tenu la République.

Ensuite je ne sais pas si l'on peut si facilement dater le phénomène que vous décrivez à 1789. Il me semble qu'au contraire ce fut progressif, et que c'était un corollaire logique de l'affirmation de l'Etat, dès l'époque moderne et avant. C'est simplement le fantasme de tout pouvoir central qui se veut fort que de pouvoir se présenter légitimement comme le garant du bien commun. En définissant le Français non plus par son ordre, son rang ou ses privilèges (métiers, bourg, paroisses et j'en passe), mais comme un simple citoyen ayant passé un contrat implicite et individuel avec l'Etat, 1789 a pu éventuellement achever ce processus.


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 Sujet du message : Re: Les traitres par devoir
Message Publié : 11 Déc 2009 2:20 
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Tonnerre a écrit :
Mais il n'en est pas ainsi, en fait au contraire, pour le communisme par exemple: et donc des gens ayant une éthique exigeante ont pu s'engager (et trahir) pour une cause qui leur paraissait profondément morale et qui à l'usage s'est avérée aussi oppressive et sanglante que le nazisme. Ce n'est pas qu'ils étaient des salauds sartriens ou sont restés passifs devant l'iniquité, c'est juste qu'ils se sont trompés/ont été trompés.
Votre approche pose qu'il existe une frontière toujours parfaitement claire et absolue entre le bien et le mal et que l'on peut distinguer les deux facilement; or je maintiens (sans sombrer dans le relativisme) que le jugement moral que l'on porte dans la confusion du moment face à certaines situations peut dépendre des informations dont on dispose, du camp auquel on appartient et plus tard de la victoire ou de la défaite de ce camp.

Je me suis rangé à ce point de vue.

Juger à postériori n'a guère d'intérêt,mieux vaut examiner comment la question se posait pour les acteur de la période considérée.

L'exemple que vous donnez - le communisme - est le plus convaincant en ce sens.

Le communisme était le pire mensonge du XXème siècle, et il a trompé une foule d'honnêtes gens.

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 Sujet du message : Re: Les traitres par devoir
Message Publié : 11 Déc 2009 9:55 
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Philippe de Commines
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Bonjour

L'important, n'est-il pas, de ne pas devenir 'traîte' à soi-même ???

et par la même de devoir 'changer de camp' lorsque l'on est plus en phase avec celui-ci.

Bien à tous.

_________________
Hugues de Hador.


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