Jean R a écrit :
Geopolis a écrit :
En réalité, car la traite africaine, exploitation d'esclaves en Afrique subsharienne par des Subsahariens, doit avoir surpassé les traites orientale (vers les pays musulmans) et atlantique.
Surpassé en quoi ?
Surpassé en ce que les estimations d'esclaves parvenus à destination sur une période comprise entre le Moyen-Âge et la Renaissance, si tant est qu'il ait été initié par la traite orientale puis détourné par la traite atlantique, tournent en moyenne autour de 14 millions d'esclaves parvenus à destination (contre une estimation moyenne de 18 millions d'esclaves parvenus à destination avec la traite orientale entre les VIIe et XXe siècles et de 12 millions avec la traite atlantique entre 1451 et 1870).
Or :
1. les estimations moyennes du taux de mortalité (nombre de morts sur le nombre total de capturés) de la traite africaine (80 %) sont sensiblement supérieures à celles des traites orientales (71 %) et atlantiques (73 %), ce qui donnerait des estimations moyennes de 55,6 millions de morts pour la traite africaine contre 45 pour la traite africaine et 34,4 pour la traite atlantique ;
2. les estimations portant sur la traite africaine, toutes fragiles qu'elles soient (la traite atlantique étant la mieux documentée grâce aux livres de comptes des négriers occidentaux et aux témoignages locaux après la capture et après l'arrivée) ne concernent qu'une période débutant entre le "Moyen-Âge" et la "Renaissance" et s'interrompant à la "Renaissance. Or il est probable que cette traite africaine remonte à l'Antiquité et peut-être même à des temps préhistoriques, et l'on sait que, même tarie durant les colonisations européennes, elle s'est probablement prolongée jusqu'au XIXe siècle et qu'elle persiste aujourd'hui. Le nombre d'esclaves et de morts dus à cette traite est donc probablement supérieur aux seules estimations faites entre le "Moyen Âge" et la "Renaissance".
Jean R a écrit :
Quoi qu'il en soit Tidiane Ndiaye (Le génocide voilé, Gallimard, 2008), tout en dénonçant l'atrocité de la traite trans-saharienne, bien pire que la transatlantique (notamment avec la production massive d'eunuques avec une mortalité effroyable, ce qui justifie pour lui la qualification de "génocide"), soutient que l'esclavage traditionnel africain était bien plus humain. C'est peut-être "pro domo" quelque part, mais a-t-on des données concrètes pour le contredire ?
Les seules données qualitatives et quantitatives qu'on possède sur la traite africaine jusqu'à la Renaissance proviennent des témoignages des explorateurs, commerçants et négriers occidentaux.
Pour ce qui est des XXe et XXIe siècles, les témoignages et démonstration de cruauté ne manquent pas, à l'instar du reportage "Moi Moussa, enfant esclave" relatant des meurtres d'enfants esclaves maliens fuyant les bananeraies ivoiriennes qui les exploitaient, et le dos de Moussa était parsemé d'indélébiles plaies dues au fouet. (C'est bien, un Moussa de 17 ans qui déclare vouloir aller à l'école et vouloir apprendre et travailler devant vos petits élèves nantis du 93 alléguant que "l'école, c'est trop dur". Je n'ai plus reçu aucune plainte jusqu'à la fin de l'année.)
Dans un autre genre, j'avais entendu parler d'élèves originaires du Mali présentant une réussite scolaire remarquable, d'autant plus notable qu'en général les élèves originaires du Mali ne brillent guère à l'école. Ces élèves en réussite avaient pour point commun de provenir de familles et lignages d'esclaves au Mali. Parvenus en France, il repoussaient avec véhémence leurs origines culturelles et géographiques pour épouser le projet républicain et individuel français. J'ai rencontré une ancienne institutrice malienne devenue ATSEM en France, issue d'une de ces familles. Son grand-père avait été affranchi et son père occupait un poste de notable (maire de village) au Mali, mais aucun Malien n'acceptait de mariage avec sa fratrie en raison de leurs origines esclaves. Ce rejet matrimonial est décrit dans un ouvrage consacré à l'histoire espagnole (au sujet de l'esclavagisme wisigothique) comme une preuve de mépris fondamental et essentiel des esclaves, considérés comme des sous-hommes ou des infra-humains. Un racisme de classe, social, dirait-on en France.