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Message Publié : 03 Fév 2012 20:49 
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Jean R a écrit :
J'ai seulement voulu montrer, sur un exemple concret, que la répression totale est aussi bien un mythe ou fantasme que le contrôle total. Un régime totalitaire peut toujours faire preuve de pragmatisme. En définitive le "total" de "totalitarisme", exagération rhétorique dès l'origine, n'est pas pertinent à mon sens.

La lecture de l'article Wikipedia sur le totalitarisme m'apporte la même conclusion.

Par exemple, les multiples tentatives de définition :
Citer :
système politique des régimes à parti unique, n'admettant aucune opposition organisée, dans lequel l'État tend à confisquer la totalité des activités de la société.

[...]

Les caractéristiques habituellement retenues pour caractériser le totalitarisme sont : une idéologie imposée à tous, un parti unique contrôlant l'appareil d'État, dirigé idéalement par un chef charismatique, un appareil policier recourant à la terreur, une direction centrale de l'économie, un monopole des moyens de communication de masse et un monopole de la force armée.

Ca me fait penser au génocide. Quand on impose autant de critères exclusifs, on se demande pourquoi ne pas nommer et qualifier tous les autres régimes en modifiant et associant chacun des paramètres cités (parti unique : oui/non ; opposition organisée : admise/non admise, etc.).

On multiplie les critères (idéologie imposée, parti unique dans l’Etat, terreur, centralisme, monopole médiatique et armé) pour exclure ou cibler pas mal de candidats. Dans quel but ? Pour moi, l'entreprise répond à un questionnement philosophique et une dénonciation politique (diabolisation).

Les origines du concept étayent d'ailleur mon opinion :
Citer :
Bien souvent, la genèse du concept de totalitarisme est attribuée à la philosophe Hannah Arendt, alors qu'elle a lieu bien avant, dans l'entre-deux-guerres. L'adjectif « totalitaire » (« totalitario ») apparut en Italie dès le mois de mai 1923 (on prête parfois son invention à Giovanni Amendola, opposant et victime du fascisme). Ce concept fut d'emblée un instrument de lutte politique. Son emploi se répandit de manière péjorative dans les milieux antifascistes italiens. En 1925, les théoriciens du fascisme reprirent de manière opportuniste le terme à leur compte, en lui attribuant une connotation positive, celle d'unité du peuple italien. [...]

La première utilisation du terme de totalitarisme pour désigner dans le même temps les États fasciste et communiste semble avoir été faite en Grande-Bretagne en 1929. Dans les années 1930, le concept fut utilisé sous la plume d'écrivains pro-nazis. [...]

Le pacte germano-soviétique, signé en 1939 entre l'Allemagne nazie et l'URSS, fut présenté par certains comme une illustration de l'apparition d'un nouveau type de régime (l'antithèse du libéralisme) qui ferait le lien entre les idéologies fasciste et soviétique.

La philosophe Hannah Arendt a apporté une définition du concept de totalitarisme dans son livre Les Origines du totalitarisme (1951). Selon elle, deux pays seulement avaient alors connu un véritable totalitarisme : l'Allemagne sous le nazisme et l'URSS sous Staline. Elle distingue toutefois des tendances ou des épisodes totalitaires en dehors de ces deux cas. Elle cite notamment le maccarthisme au début des années 1950 aux États-Unis ou encore les camps de concentration français où furent enfermés les réfugiés de la guerre d'Espagne.

L'Histoire peut alors aborder le totalitarisme sous plusieurs angles :

1. Le totalitarisme est un concept, une opinion littéraire, auquel cas l'Histoire doit l'appréhender dans le seul cadre de l'histoire des idées (modes littéraires ou politiques) et respecter ainsi l'inculture (ou l'hypocrisie) historique (voire politique) de ses créateurs et commentateurs.

2. Le totalitarisme est une tentative de définition philosophique d'une réalité humaine, historique et géopolitique, auquel cas l'Histoire doit s'émanciper des envolées littéraires et, donc, rhétoriques des écrivains (créateurs et commentateurs du concept).

Le second angle ne peut être respecté que dans la mesure où le premier (qui corrompt le second par cette magie même que l'affectif détruit le raisonnement) y est soigneusement écarté. [Totalitaire, non ?]


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Message Publié : 04 Fév 2012 9:24 
Geopolis a écrit :
On multiplie les critères (idéologie imposée, parti unique dans l’Etat, terreur, centralisme, monopole médiatique et armé) pour exclure ou cibler pas mal de candidats. Dans quel but ? Pour moi, l'entreprise répond à un questionnement philosophique et une dénonciation politique (diabolisation).
Non seulement on les multiplie mais on les maximalise, comme si on ne pouvait se détacher du radical "total" (qui garde le même sens en italien, français, anglais...). Par exemple, pour l'embrigadement des enfants, critère largement accepté, pourquoi ne pas parler de façon un peu plus large d'implication des enfants plus forte que la normale (à titre indicatif, on peut peaufiner), sans préjuger de la méthode (organisation ad hoc ou pas) ?


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Message Publié : 13 Avr 2012 12:54 
En passant, on a cité ici Chaka Zulu comme candidat au titre douteux de leader totalitaire. En lisant Tidiane N'Diaye, Le génocide voilé (essentiellement sur la traite négrière arabo-musulmane), je découvre qu'une de ses motivations essentielles était la lutte contre la traite, et qu'il a réussi à chasser les négriers portugais de son empire. Difficile d'y voir une idéologie totalitaire, ou alors il faut redéfinir quelque chose...


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Message Publié : 13 Avr 2012 15:56 
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Inscription : 04 Déc 2011 22:26
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Jean R a écrit :
Non seulement on les multiplie [les caractères de définition du concept] mais on les maximalise, comme si on ne pouvait se détacher du radical "total" (qui garde le même sens en italien, français, anglais...). Par exemple, pour l'embrigadement des enfants, critère largement accepté, pourquoi ne pas parler de façon un peu plus large d'implication des enfants plus forte que la normale (à titre indicatif, on peut peaufiner), sans préjuger de la méthode (organisation ad hoc ou pas) ?

L'embrigadement de la jeunesse, à différencier des enfants, n'est pas un critère universellement caractéristique du totalitarisme.
Il est, pour la plupart des philosophes politiques, une approche d'un régime totalitaire dans sa pluralité, mais il ne peut être un critère de définition.

Geopolis a écrit :
Le totalitarisme est une tentative de définition philosophique d'une réalité humaine, historique et géopolitique, auquel cas l'Histoire doit s'émanciper des envolées littéraires et, donc, rhétoriques des écrivains (créateurs et commentateurs du concept).

J'adhère à ce concept, Geopolis. L'origine de ces envolées littéraires doit, surtout, se comprendre dans la confrontation d'un régime inscrit dans le présent (au moment du développement des questionnements du concept de totalitarisme), le régime soviétique russe, face à deux régimes inscrits dans le passé depuis leur disparition, les régimes fasciste et nazi. Hobsbawm participe à cette subjectivisation du concept, lorsqu'il présente le communisme comme un rempart au libéralisme dans la guerre des démocraties contre le fascisme.

Alain.g a écrit :
Ainsi cette idée que ce qui caractérise entre autres le totalitarisme, c'est que "le dictateur totalitaire gouverne son propre pays comme un conquérant étranger ..", il est bien plus efficace que lui pour dominer, terroriser et exterminer, comme on le voit avec Staline en Ukraine.
Arendt indique aussi, par exemple, que le dictateur totalitaire méprise son peuple

Je vois plus, dans ce passage de Arendt que vous releviez, Alain.g, une manière d'associer au concept de totalitarisme la pensée machiavélienne. Raymond Aron a, par la suite, contribué à cette association de cette philosophie politique au concept.

Geopolis a écrit :
Ainsi, je trouve que limiter le terme à deux régimes ou à un siècle est affectivement, politiquement et philosophiquement réducteur. Réducteur parce que cette limite reflète davantage une limite cognitive (l'ignorance d'autres siècles, le refus d'autres similarités) que sémantique.

Le concept de totalitarisme est, à mon sens (mais cela est discutable), ancré dans une époque, celle du XXème siècle.
Les éléments politiques et sociologiques (et les modalités d'expression de l'Etat), qui sont l'essence de ce concept, ne peuvent être appliqués à d'autres époques, pour des multiples (philosophiques et techniques).

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« But thought's the slave of life, and life's time fool. » (William Shakespeare)


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Message Publié : 13 Avr 2012 16:49 
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Eginhard
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Bernard Bruneteau a écrit un autre ouvrage sur le concept en partant des clichés qui y sont associés (belle collection et méthode intéressante au passage): L'Âge totalitaire. Idées reçues sur le totalitarisme. Une recension est disponible sur le blog:
http://blog.passion-histoire.net/?p=11307

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"Si, dans la pratique démocratique anglaise, l’opposition, selon un mot admirable, remplit un service public, dans les États totalitaires, l’opposition devient crime ", Raymond ARON.


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Message Publié : 13 Avr 2012 18:04 
Jadis a écrit :
Les éléments politiques et sociologiques (et les modalités d'expression de l'Etat), qui sont l'essence de ce concept, ne peuvent être appliqués à d'autres époques, pour des multiples (philosophiques et techniques).
J'avoue ne toujours pas comprendre l'intérêt de ces raisons "techniques" pour un concept relevant de la philosophie politique. Je me demande même si un seul autre concept du même domaine se trouve aussi étroitement limité dans le temps pour ce genre de raisons...


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Message Publié : 13 Avr 2012 19:01 
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Jean-Pierre Vernant
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Il y a trop d'émotionnel et de jugement de valeur dans ce concept. Dès le départ, il était défini pour caractériser des régimes considérés comme parangons du mal. Du coup, il sert avant tout à "noyer son chien". On scrute n'importe quoi pour y voir une "dérive totalitaire". Parfois même la République française est considérée comme totalitaire parce que l'existence d'une Education nationale est considérée comme la preuve d'une "volonté d'endoctriner les enfants".
A quoi cela sert-il d'appuyer un concept sur des termes comme endoctriner/embrigader quand eux-mêmes changent complètement de sens ? Aujourd'hui, le simple fait de professer voire d'exposer une conviction politique ou philosophique est assimilé à une tentative d'endoctrinement ou d'embrigadement. On emploie le terme pour désigner le fait que des parents éduquent leurs enfants en leur transmettant leurs valeurs...
Donc bon, le concept étant appuyé sur des bases qui se promènent comme des wagonnets de chemin de fer...


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Message Publié : 13 Avr 2012 19:13 
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Jean-Pierre Vernant
Jean-Pierre Vernant
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Inscription : 08 Juin 2009 10:56
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Jean R a écrit :
Non seulement on les multiplie mais on les maximalise, comme si on ne pouvait se détacher du radical "total" (qui garde le même sens en italien, français, anglais...). Par exemple, pour l'embrigadement des enfants, critère largement accepté, pourquoi ne pas parler de façon un peu plus large d'implication des enfants plus forte que la normale (à titre indicatif, on peut peaufiner), sans préjuger de la méthode (organisation ad hoc ou pas) ?


Autant commencer par définir cette norme. Qu'est-ce que c'est un embrigadement plus fort que la moyenne? Quelle est donc cette moyenne? Sur quel échantillon de sociétés vous vous fondez pour définir cette moyenne?

Jean R a écrit :
J'avoue ne toujours pas comprendre l'intérêt de ces raisons "techniques" pour un concept relevant de la philosophie politique. Je me demande même si un seul autre concept du même domaine se trouve aussi étroitement limité dans le temps pour ce genre de raisons...


Dans des sociétés sans médias de masse, sans grands effectifs de police, sans capacité de surveiller ses "marges au sens large du terme faire naitre un contrôle des population aussi étroit que dans le régime hitlérien est tout bonnement impensable. Je viens de lire L'année des quatre empereur de Pierre Cosme ; c'est un travail précieux pour comprendre la lenteur de la communication et l'impuissance du leader politique d'avoir la capacité physique de contrôler son espace. En somme ce n'est pas parce que vous avez apparemment de bonne conditions philosophiques que vous aurez de quoi les mettre en application.

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Scribant reliqua potiores, aetate doctrinisque florentes. quos id, si libuerit, adgressuros, procudere linguas ad maiores moneo stilos. Amm. XXXI, 16, 9.


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Message Publié : 13 Avr 2012 20:27 
Pédro a écrit :
Autant commencer par définir cette norme. Qu'est-ce que c'est un embrigadement plus fort que la moyenne? Quelle est donc cette moyenne? Sur quel échantillon de sociétés vous vous fondez pour définir cette moyenne?
Plus fort que la normale, plutôt que la moyenne, ça veut dire au-delà des besoins concrets, réels, de l'état. Je ne vois pas bien comment quantifier ça. Si on n'admet pas que cet embrigadement, ou peu importe le terme, a pu être plus fort en France en 1793 qu'avant ou après (j'ai donné des exemples), je ne vois pas comment continuer.

Pédro a écrit :
Dans des sociétés sans médias de masse, sans grands effectifs de police, sans capacité de surveiller ses "marges au sens large du terme faire naitre un contrôle des population aussi étroit que dans le régime hitlérien est tout bonnement impensable. Je viens de lire L'année des quatre empereur de Pierre Cosme ; c'est un travail précieux pour comprendre la lenteur de la communication et l'impuissance du leader politique d'avoir la capacité physique de contrôler son espace. En somme ce n'est pas parce que vous avez apparemment de bonne conditions philosophiques que vous aurez de quoi les mettre en application.
Le contrôle hitlérien n'était pas aussi étroit que celui exercé par l'Eglise Catholique au temps de sa plus grande rigueur.

Des médias de masse, à partir du moment où on peut mobiliser des gens en quelques jours sur de vastes territoires, et cela a été possible dès l'antiquité, et on devait aussi les motiver même si tout n'a pas été retenu, je ne vois pas bien ce qui manque.


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Message Publié : 13 Avr 2012 21:36 
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Jean-Pierre Vernant
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Jean R a écrit :
Le contrôle hitlérien n'était pas aussi étroit que celui exercé par l'Eglise Catholique au temps de sa plus grande rigueur.


Vous devriez vous penchez sur les pratiques magiques durant l'époque médiévale et moderne ; vous verriez que le catholicisme n'a eu de cesse de composer avec des choses biens peu conforme au dogme. Les transgressions sont très importantes pour comprendre une réalité, plus que le théorique car c'est l'expression du vécu des populations. Au delà, les reprises en main du bas clergé par les autorités ecclésiastiques témoignent de fait que le contrôle était plus qu'imparfait. Imaginez qu'une tournée pastorale prend plusieurs semaines voir mois...
Jamais il n'y a eu de stricte observance des règles canoniques de la foi, on en est bien loin. Par contre les Juifs ayant pu passer à travers les mailles du filet idéologique et répressif hitlérien ne l'ont fait qu'au prix de la fuite ou de la dissimulation absolue.

Jean R a écrit :
Plus fort que la normale, plutôt que la moyenne, ça veut dire au-delà des besoins concrets, réels, de l'état. Je ne vois pas bien comment quantifier ça. Si on n'admet pas que cet embrigadement, ou peu importe le terme, a pu être plus fort en France en 1793 qu'avant ou après (j'ai donné des exemples), je ne vois pas comment continuer.


Il serait intéressant de savoir ce que c'est que ces "besoins concrets, réels, de l'Etat" parce que ce n'est en rien une définition pertinente. Très rapidement ce dont on se rend compte en poussant ce type d'analyse dans leurs retranchement c'est que leur validité n'est fondé que sur le consensus commun ; en somme l'étalon de mesure de la norme de contrôle est forcément celui de notre société, qui paraitrait peut être insoutenable à certains habitants des périodes passées. Or quelle est la recevabilité de cet étalon? N'est-ce pas en faire un idéal absolu qui d’emblée n'est qu'un jugement de valeur personnel ou pus largement pour nous consensuel? Tant que vous ne parviendrez pas à poser des fondations stables à votre paradigme il restera invariablement une projection de votre conviction ou de celle des personnes pensant dans le même sens et donc l'inverse d'une démarche un tant soit peu scientifique. Je rappelle tout de même que dans l'époque romaine la création du principat a été perçu souvent comme une privation des libertés aristocratiques alors que nous sommes dans un proto-Etat en formation, sans police, déléguant complétement son autorité à des cité-Etats pratiquement indépendantes et s'administrant selon leur propre régime politique... Où est la limite, je vous le demande? Si la limite c'est notre perception, votre démarche est idéologique. Si la limite suit une grille de facteurs elle sera imparfaite et sur bien des points arbitraire et donc dogmatique...

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Message Publié : 13 Avr 2012 22:40 
Pédro a écrit :
Jean R a écrit :
Le contrôle hitlérien n'était pas aussi étroit que celui exercé par l'Eglise Catholique au temps de sa plus grande rigueur.
Vous devriez vous penchez sur les pratiques magiques durant l'époque médiévale et moderne ; vous verriez que le catholicisme n'a eu de cesse de composer avec des choses biens peu conforme au dogme. Les transgressions sont très importantes pour comprendre une réalité, plus que le théorique car c'est l'expression du vécu des populations. Au delà, les reprises en main du bas clergé par les autorités ecclésiastiques témoignent de fait que le contrôle était plus qu'imparfait. Imaginez qu'une tournée pastorale prend plusieurs semaines voir mois...
A quoi je répondrai que l'Eglise (et le pouvoir associé) a quand même fait disparaitre le paganisme (en tout cas institutionnalisé) et le Catharisme plus efficacement que le nazisme n'a fait disparaitre les juifs. Question de temps ? Il n'y a encore une fois pas d'équivalent aux génocides hitlériens dans le stalinisme (dont les pires méthodes n'ont pas non plus d'équivalent dans le nazisme). Je n'arrive toujours pas à comprendre qu'on puisse caractériser une catégorie de régime ou de pouvoir (plutôt une tendance d'ailleurs, il n'y a pas plus de totalitarisme parfait que de démocratie parfaite) par ses méthodes et moyens plus que par ses principes et motivations, je n'en vois toujours pas d'autre qu'on caractérise de cette façon. Après, du flou, des marges d'appréciation sur tel cas particulier, il y en a toujours...


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Message Publié : 13 Avr 2012 23:22 
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Jean R a écrit :
A quoi je répondrai que l’Église (et le pouvoir associé) a quand même fait disparaitre le paganisme (en tout cas institutionnalisé)


Qu'est la fête de Noël, si ce n'est la fête du solstice d'hiver des païens. La moitié des symboles de cette fête sont présents avant la chrétienté. Pâques et la Résurrection correspondent très bien avec une fête du Printemps où la vie reprend le dessus après la mort apparente de l'hiver. L’Église n'a pas fait disparaitre le paganisme, elle l'a masqué. De nombreuses chapelles sont aux lieux exacts d'anciens cultes. En célébrant le nouveau saint, on continue à rendre hommage à l'ancien esprit des lieux. Surtout que ce sont souvent des cultes aux même effets.

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Une théorie n'est scientifique que si elle est réfutable.
Appelez-moi Charlie


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Message Publié : 13 Avr 2012 23:56 
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Jean-Pierre Vernant
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Jean R a écrit :
A quoi je répondrai que l'Eglise (et le pouvoir associé) a quand même fait disparaitre le paganisme (en tout cas institutionnalisé) et le Catharisme plus efficacement que le nazisme n'a fait disparaitre les juifs.


Ben pour le paganisme voilà qui ne fut pas très compliqué dans le sens où il n'y eu jamais de paganisme institutionnalisé... mais des traditions locales, au culte local... Et quelle disparition quand on voit l'immense proportion de cultes de fontaines, de sources, de rochers... sur lesquels on a collé littéralement la vénération de saint machin ou de sainte truc... Vous pensez que cela fait parti du crédo nicéen ce genre de bricolage? Quand le christianisme a dû compter et est devenu religion d'Etat il lui a fallu aussi composer avec les réalités sociales du temps. Les populations voulaient bien devenir chrétiennes ; le dogme était compréhensible et expliqué, il existait un service d'aide aux pauvres, on communiait en communauté... mais attention il existait aussi d'antiques traditions dont il n'était pas vraiment question de faire l'économie. Donc on ne sacrifiait plus aux anciens dieux... soit... mais le banquet de célébration et la fête demeurait sous le regard de l'Eglise. Imagiez la tête de la hiérarchie catholique quand les populations de Constantinople venaient adorer la statue de Constantin... le culte des idoles tout ça... Au Moyen Âge peine perdu, les populations de la campagne et même des villes ne cessent de s'adonner à des actes répréhensibles théoriquement comme les rebouteux qui ne cessent de pratiquer leur art à travers les âges... Pour ce qui est du catharisme il fait également avoir en tête l'ampleur du mouvement ; on est face à un mouvement dissident qui menace directement l'unité du royaume. Que s'est-il passé face aux protestants en France durant les guerres de religions puis le règlement du problème sous Richelieu puis Louis XIV? Alors certes point de bûchers mais le groupe dissident est progressivement prié de dégager. Pour ce qui est du génocide hitlérien c'est une action de quelques années seulement... la disparition du paganisme se fit sur 200 ans... vous voulez toujours comparer?

Jean R a écrit :
Je n'arrive toujours pas à comprendre qu'on puisse caractériser une catégorie de régime ou de pouvoir (plutôt une tendance d'ailleurs, il n'y a pas plus de totalitarisme parfait que de démocratie parfaite) par ses méthodes et moyens plus que par ses principes et motivations, je n'en vois toujours pas d'autre qu'on caractérise de cette façon.


Si vous partez du postulat de la motivation et de ses principes vous vous heurtez à plusieurs problèmes. D'une part il existe des écart absolument insondable de perception parmi les populations "soumises" aux régimes politiques ; comme je l'ai dit plus haut l'arrivée du principat et plus encore sous la plume de Lactance l'Empire romain est décrit comme un Etat oppressif et on a trouvé sous la plume de nombreux historiens l'emploie du terme de totalitaire pour le décrire. Or c'est un régime qui n'a que très peu de police, l'armée étant concentré aux frontières, où les groupes humains se gèrent pratiquement comme bon leur semble tant que les impôts sont prélevés, où il existe plusieurs langues... A coté de ce modèle vous avez la cité antique et les sociétés archaïques où l'humain n'est qu'un rouage dans la vie de la communauté, où son destin est complétement guidé par la soumission au fonctionnement de cette société... et dont pourtant, parmi le groupe le plus concerné des citoyens ne souhaite sortir tellement c'est regardé comme un système absolument vertueux... Où est le totalitarisme? C'est vous qui allez poser la sentence? Est-ce qu'il faut passer outre le sentiment des populations concernées et leur substituer notre regard que vous pensez objectif alors qu'il n'est que le prolongement de nos sentiments qui ont eux aussi une histoire? C'est fouler aux pied tous les systèmes adoptés par l'homme pour construire un vivre ensemble sans comprendre les motivations qui ont amené à l'érection de telle ou telle société pour poser dessus une nauséabonde étiquette anachronique, sortie de son contexte pour exalter je ne sais quelle oppression de l'homme par l'Etat à travers l'Histoire.
Dans le même temps critiquer la méthode d'analyse quand elle a de telles faiblesses me semble la base même du travail scientifique. Vous ne vous posez même pas la question de la validité de vos postulats, vous êtes convaincu de perceptions vagues, de quelques à peu près qui selon vous, vous permettent de distribuer le label totalitarisme à votre grès après avoir acquis quelques connaissances maladroites d'une société. Or le minimum là aussi serait d'avoir étudié à font les systèmes et s'être confronté à la bibliographie sur le thème avant de se lancer dans la diatribe.

Jean R a écrit :
En passant, on a cité ici Chaka Zulu comme candidat au titre douteux de leader totalitaire. En lisant Tidiane N'Diaye, Le génocide voilé (essentiellement sur la traite négrière arabo-musulmane), je découvre qu'une de ses motivations essentielles était la lutte contre la traite, et qu'il a réussi à chasser les négriers portugais de son empire. Difficile d'y voir une idéologie totalitaire, ou alors il faut redéfinir quelque chose...


Voilà qui est un début à toute analyse mais pour l'ampleur de votre tâche je peux vous conseillez de multiplier vos études parce que construire une telle perspective diachronique ne s'improvise pas entre la poire et le fromage...

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Message Publié : 14 Avr 2012 1:55 
Pédro a écrit :
Est-ce qu'il faut passer outre le sentiment des populations concernées et leur substituer notre regard que vous pensez objectif alors qu'il n'est que le prolongement de nos sentiments qui ont eux aussi une histoire?
Vous semblez considérer, sur ce point précis, qu'un régime totalitaire est forcément honni par la majorité de la population terrorisée et seulement terrorisée qui lui est soumise. Dans ce cas je comprends mieux votre position, seulement ce n'est pas ainsi que je le vois décrit classiquement, même chez Arendt qui grossit les traits mais n'admet pas moins une certaine adhésion des "masses". Accessoirement, sur ce même exemple, je ne connais pas particulièrement cette époque mais il me semble que pour parler de totalitarisme il manque l'idéal mobilisateur. S'il a pu y avoir un totalitarisme romain, je le verrais plutôt (je n'ai pas approfondi) dans la conquête initiale de l'Italie, aux premiers siècles de la république (guerres samnites, etc.).

Et puis enfin, autant que je sache, personne n'a cherché à restreindre à une période aussi limitée l'usage de concepts comme "démocratie", "dictature", "monarchie", "autocratie", "oligarchie", "ploutocratie", "centralisme", etc. etc. Y en aurait-il un qui m'aurait échappé ? Sinon, pourquoi cette singularité de "totalitarisme" ?


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Message Publié : 14 Avr 2012 3:02 
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Jean-Pierre Vernant
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Jean R a écrit :
Vous semblez considérer, sur ce point précis, qu'un régime totalitaire est forcément honni par la majorité de la population terrorisée et seulement terrorisée qui lui est soumise. Dans ce cas je comprends mieux votre position, seulement ce n'est pas ainsi que je le vois décrit classiquement, même chez Arendt qui grossit les traits mais n'admet pas moins une certaine adhésion des "masses".


Je ne parle pas de totalitarisme ici, j'évoque le sentiment de contrôle ; or on se rend compte que celui-ci est très variable et dépend de la sensibilité des groupes sociaux. Jamais il ne viendrait à l'esprit d'un quidam de l'époque romaine d'avoir les même interrogation sur la perte de liberté que l'aristocrate guindé perdant la possibilité de jouer à être le chef suprême à Rome. Dans un monde aussi pléthorique et aussi vaste pour l'époque que le monde romain voir un marque totalitaire relève de la cécité ou de la mauvaise foi.

Jean R a écrit :
Accessoirement, sur ce même exemple, je ne connais pas particulièrement cette époque mais il me semble que pour parler de totalitarisme il manque l'idéal mobilisateur. S'il a pu y avoir un totalitarisme romain, je le verrais plutôt (je n'ai pas approfondi) dans la conquête initiale de l'Italie, aux premiers siècles de la république (guerres samnites, etc.).


D'une part j'aimerais bien savoir en quoi, et d'autre part quand on voit l'état famélique des institutions de gestion du pouvoir à cette époque il y a de quoi rire.

Jean R a écrit :
Et puis enfin, autant que je sache, personne n'a cherché à restreindre à une période aussi limitée l'usage de concepts comme "démocratie", "dictature", "monarchie", "autocratie", "oligarchie", "ploutocratie", "centralisme", etc. etc. Y en aurait-il un qui m'aurait échappé ? Sinon, pourquoi cette singularité de "totalitarisme" ?


Vous mélangez un peu tout là. Démocratie a une étymologie qui plonge ses racines dans un système ancien ; c'est le régime du peuple littéralement et donc une forme d'exercice particulière du pouvoir. Monarchie ou oligarchie suivent la même logique, de même que autocratie qui est le dérivé grec pour parler de l'empereur. Mais par contre dictature n'est pas un terme invariant dans l'Histoire (en fait les autres aussi ont beaucoup évolué dans la compréhension commune et se sont en général chargé de sens divers ; un exemple au hasard, la monarchie est un régime abominable pour les Romains et les Français alors qu'il est indissociable de la vie politique de certains Etats européens...) et son sens premier est clairement établi ; c'est une magistrature extraordinaire et limitée dans le temps permettant au système romain de faire face à une crise imprévue. Rien à voir donc avec notre emploie quotidien du terme. Pour ce qui est de centralisme il me semble que son histoire est plus récente de même que totalitarisme. Transposer de façon brutale des termes actuels aussi chargés de symboles sur des période passées sans les maitriser c'est donner à nos contemporains une grille de lecture complétement anachronique du passé. De plus on en reste toujours au même point quant à la définition du terme ; au final on ne sait pas ce que c'est que ce concept qui participe surtout à notre compréhension du monde contemporain. Dans la liste vous auriez pu nous glisser tyrannie ; aujourd'hui cela évoque à chacun une dictature sanguinaire alors qu'il s'agissait d'un régime personnel et à prétention populaire dans la Grèce antique (au sens large) qui a eu un succès assez large avant d'être boudé en Grèce à la fin de la période archaïque, alors qu'il fonctionnait à Syracuse encore au IVe siècle av. J.-C. Face à une telle évolution des termes les historiens sérieux préfèrent définir ce qu'ils entendent là derrière et précisent la conception ancienne de la chose. Maintenant si vous construisez une grille de lecture viable de ce fameux terme soit. Mais il faudra encore connaitre profondément les périodes et les sociétés avant de les souiller de la macule totalitaire... Personnellement je trouve cela aberrant dans le sens où cela n'apporte rien à part une satisfaction morbide de voir partout dans l'Histoire ce qui s'est déroulé durant le XXe siècle. Mais bon, comme vous faites allègrement l'économie des moyens et que vous centrez uniquement votre attention sur des indices partiaux effectivement cela semble fonctionner.

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Scribant reliqua potiores, aetate doctrinisque florentes. quos id, si libuerit, adgressuros, procudere linguas ad maiores moneo stilos. Amm. XXXI, 16, 9.


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