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Je ne vois aucun génocide au XXè siècle, hormis la Shoah et le génocide des Arméniens.
Il faudrait tout de même ajouter le cas des Tutsi au Rwanda en 1994. Le caractère génocidaire me paraît ici incontestable, compte tenu de l'intentionnalité des massacres (en atteste la propagande développée dès 1990 en faveur de l'élimination de la "race tutsi"), des tueries affectant tout aussi bien les hommes que les femmes et les enfants, et de la systématicité/organisation rationnelle des massacres.
Pour le reste, il est vrai que le qualificatif de génocide ne saurait s'appuyer sur le nombre de morts ou l'horreur des massacres, mais bien sur des critères "qualitatifs".
En revanche, je ne vois pas pourquoi l'historien devrait s'interdire d'utiliser (et donc d'interroger) ce terme. S'il est vrai que l'usage exponentiel de la notion dans le cadre de la concurrence des mémoires fait problème, l'historien ne me paraît pas devoir s'interdire d'utiliser un terme sous ce seul prétexte. Par ailleurs, ma lecture date certes de plusieurs années et ma mémoire peut donc me faire défaut, mais je n'ai pas saisi chez Jacques Sémelin un refus radical d'utiliser la notion de génocide. Son propos me semble bien plus centré sur l'analyse comparée des massacres et sur la distinction, justement, entre ce qui pourrait être qualifié de génocides et ce qui ne le pourrait pas.
Pour le reste, je suis assez d'accord avec ce qui a été dit ci-dessus : le terme de "génocide" doit être utilisé dans une acception restrictive et surtout avec parcimonie, notamment pour les massacres précédant le XXème pour lesquels il me paraît bien anachronique. En effet, un génocide repose également sur des techniques nécessaires à sa réalisation (armes, instruments de propagande), techniques qui n'existaient pas avant une époque récente (sur cette question, voir le magnifique ouvrage de Zygmunt Bauman,
Modernité et Holocauste).