Yughurtha a écrit :
Pourquoi face aux dérives du programme nazi ces programmes furent maintenus dans beaucoup de pays après la SGM ?
Simplement parce que leurs promoteurs n'avaient pas conscience de jouer dans la même cours. Les nazis euthanasiaient les asociaux, les malades "génétiques", ceux qui ne correspondaient pas à leur idéal. Dans les autres pays ce fut un peu différent, puisqu'il s'agissait de stérilisations.
On mélange souvent 2 choses en ce qui concerne la finalité de ces stérilisations. Dans certains établissements elles furent réalisées pour "éviter les problèmes". Les handicapés mentaux adultes ressentent aussi l'appel de la nature. C'est parfois plus simple pour eux, puisqu'ils n'ont pas besoin de respecter nos codes sociaux. Mais, le résultat est le même : la naissance d'enfants. Quand les maladies ne sont pas transmissibles, la situation est déjà assez pénible à gérer. Quand elles le sont c'est encore pire. Sans compter les familles qui ne comprennent pas comment leur fille si ingénue a pu concevoir un enfant en dehors d'un viol. Bien entendu, il "suffit" de mettre le nombre de surveillants adéquats et le risque diminue. Mais, ces cliniques ont aussi un but commercial : générer du bénéfice. Actuellement, dans certains édifices, la contraception est pratiquement obligatoire. Ce n'est qu'avec l'accord des familles que l'on accompagne les couples stables vers le désir de paternité et maternité. Quand on écoute certains témoignages, les gens qui ont pratiqué ces stérilisations pensaient souvent œuvrer pour le bien des patients et de leurs familles.
Dans d'autres établissements, il y a eu une volonté manifeste de ne pas permettre à "ces gens-là" de se reproduire pour qu'ils ne "contaminent" pas la société. Là, il s'agissait bien d'eugénisme. Quand on écoute certains témoignages, les gens qui ont pratiqué ces stérilisations pensaient souvent œuvrer pour le bien des patients et de leurs familles. Dans ces établissements, on pensait œuvrer pour le bien de la société.
J'ai vu il y a au moins 10 ans, un documentaire sur un cas dans un état américain. La femme qui racontait son histoire avait souffert dans les années 50-60 d'une maladie du comportement assez sévère. Elle avait été stérilisée (avec l'aval de ses parents si j'ai bon souvenir). Il se trouve qu'on a essayé ensuite sur elle un traitement qui s'est révélé bénéfique et qu'elle fut une des premières femmes à guérir de ce type de maladies (désolé, je ne me souvient plus du nom exact de la maladie). Et elle a pu reprendre une vie presque normale. Presque, à part qu'elle souffre énormément du fait qu'elle ne sera jamais mère.
Ce reportage était construit en séquences entremêlées. Dans la première séquence, elle racontait une partie de son histoire. Dans la séquence suivante un ou des témoins de l'époque racontait comment il avait vécu l'évènement. Donc, il y avait une séquence où l'une des infirmières (quelqu'un d'assez important dans l'organigramme de la clinique) racontait qu'elle était convaincue à l'époque ils faisaient le mieux pour les malades. Comment une jeune femme qui n'avait pas toute sa tête, qui était très belle de surcroit, aurait pu vivre une maternité. Elle n'aurait jamais pu s'occuper de son enfant. Elle aurait même pu être un danger pour son enfant. Bref, cette dame avait un tas de bonnes raisons. Oui mais voilà, la malade incurable des années 50-60 a été guérie dans les années 70 et maintenant, elle souffrait de cette décision qui avait été prise "pour son bien".
Ce documentaire montrait très bien comment ces programmes avaient survécus. Ils avaient souvent été mis en place durant les années 30. Dans certains établissements, les enfants qui y étaient placés étaient systématiquement stérilisés à l'age de la puberté. Certains de ces établissements étaient pourtant de simples orphelinats. On a donc, dans certains cas, stérilisés des enfants tout à fait sains dont le seul tort était que les vicissitudes de la vie les avait privés de leurs parents !
Ensuite, la stérilisation était souvent présentée comme une opération prophylactique qui devait permettre de mieux gérer les patients au moindre coût pour la société, puisqu'il s'agissait souvent de programmes financés par les autorités légales des états. Les termes utilisés étaient souvent les plus anodins possibles : on ne parlait pas de programmes de stérilisations forcés des populations. Et souvent, ces gens avaient très bonne conscience : eux ne tuaient pas les inadaptés de la vie, ils leur permettaient de vivre en ayant un problème de moins à gérer. Je tient à préciser que ce n'est pas ma manière de voir, mais la leur.
Il est intéressant de savoir aussi comment ces choses-là furent découvertes. Des anciens patients guéris ne comprenaient pas pourquoi ils n'arrivaient pas à avoir des enfants. Quand ils sont allés consultés, ils ont découvert qu'ils avaient été stérilisés. Et quand ils ont cherché à se renseigner, dans un premier temps, les autorités les ont envoyé paitre. Mais, face aux questions de plus en plus nombreuses, ces programmes furent découverts. Parfois, il y eut des scandales. D'autres fois, on arrêta les faits mais personne n'a été poursuivi et ces victimes se virent déniées de droit d'être des victimes.