La présentation des fameuse "réductions d'Indiens", les "reducciones", dans l'Amérique du Sud, va de l'hagiographie, telle que celle présentée dans le film Mission, à la description de véritables camps de concentration : selon Felipe Guaman Poma de Ayala (1535-1616), un indigène, auteur de The First New Chronicle and Good Government, les "reducciones" arrachaient les Indiens de leur système ancestral agricole et détruisait l’oganisation de leur agriculture. Les reducciones étaient implantées dans des regions au climat complètement different de leur climat d’orgine, parfois dans de marais ou dans des zones d’inondation ou d’avalanche. La réinstallation détruisait les relations familiales et intervillageoises . Le risque d’épidémie de variole s’en trouva accru, il en résulta un effondrement démographique. Les réducciones visaient à contrôler et exploiter la population indigene, sous le pretexte de leur acculturation et de leur hispanisation. Cf. < http://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9duc ... licisme%29 > et < http://en.wikipedia.org/wiki/Indian_Red ... cite_ref-4>
Quel bilan sur les reducciones ? quel rôle les missionnaires y ont-ils joué ? comment les éléments négatifs et positifs sont-ils répartis ?

Vous n'en avez pas une petite idée ?

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« Étudiez comme si vous deviez vivre toujours ; vivez comme si vous deviez mourir demain. » Isidore de Séville

Il s'agit avant tout de rechercher et de connaître les éléments les plus objectifs en la matière : il y a ce qui est assuré et ce qui est manifestement erroné

Un indice intéressant : la population des réductions s'est maintenue tout au long de cette histoire (Anton Sepp l'évalue à 200.000, mais on pense maintenant plutôt à 110.000) malgré les épidémies de variole. Lorsque les jésuites sont chassés en 1768, la population chute brutalement : 54.400 habitants en 1797, puis 15.000 en 1830.
Les Guaranis ont donc massivement quitté les réductions. Cela veut dire qu'ils auraient pu le faire au temps des jésuites.Beaucoup allèrent dans le Brésil portugais qui venait d’annexer 7 villages. Les Portugais auraient tout fait pour attirer cette main d’œuvre. D’autres Guaranis sont signalés dans des provinces voisines de la Couronne d’Espagne. Un grand nombre ont repris le mode de vie ancestral alors que d'autres, complètement acculturés, se retrouvent dans des grandes villes.
Cela ne veut pas dire que les réductions sont un succès : ils y étaient traités en enfants perpétuels. Aucun Guarani par exemple n'accède à la prêtrise. Cela aurait été pour les jésuites la ruine de leur oeuvre (ou son couronnement...) puisqu'ils auraient alors cédé la place à ce nouveau clergé. De même, les jésuites font le choix d'alphabétiser les Guaranis dans leur langue, donc de les empêcher d'aller vers la société coloniale hispanophone, autant pour les protéger des Espagnols jugés corrompus que pour les maintenir sous leur férule.
Mais la grande différence entre les jésuites et le gouverneur espagnol qui les fait remplacer, c'est la production de richesses. Les réductions fonctionnent en autonomie, alors que le gouverneur les pille. Ce maintien de la richesse produite sur place a probablement conduit les Guaranis à estimer que ces missions étrangères étaient aussi les leurs. Autre élément qui sera beaucoup reproché aux jésuites : ils ont armé les Guaranis pour résister face aux bandes venues du Brésil puis au traité de Madrid (les fameuses guerres guaranitiques).
On a donc un bilan mitigé si ont s'en tient aux faits : les Guaranis ont été traités en éternels mineurs, mais avait une relative assurance matérielle (la population se maintient malgré d'effroyables épidémies, cela n'est pas un camp de concentration) mais l'acculturation a été limitée, probablement à cause du "plafond de verre" imposé par les jésuites qui a découragé les meilleures volontés
Qu’ont pensé les Indiens de cette expérience du « royaume de Dieu »? Il faut admettre qu’on ne le sait pas. La parole des Indiens est toujours médiatisée et instrumentalisée, pour alimenter soit la légende noire, soit la légende dorée des réductions.
Je précise que je résume ici un excellent article paru dans les actes d'un colloque tout à fait passionnant : Jean-Paul Duviols, "Les jésuites et les Indiens du Paraguay : « le joug suave de l’Evangile »" in Annie Molinié, Alexandra Merle, Araceli Guillaume-Alonso (dir.), Les jésuites en Espagne et en Amérique (XVIe-XVIIIe siècles), Jeux et enjeux du pouvoir, Presses Universitaires de Paris-Sorbonne, 2007.
Je conseille à tous ceux qui veulent en savoir plus de l'emprunter dans leur bibliothèque (ou de le faire acheter...)

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"Denken heisst überschreiten" : Penser signifie faire un pas au-delà. Ernst Bloch (1885-1977)