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On n'a pas besoin de favoriser ce qui est "naturel", puisque çà va de soi.
Exactement: on n'a pas besoin de répéter aux gens qu'ils doivent impérativement boire, manger et dormir, ou à les punir s'il ne le font pas: ils le font tout seuls, car ce sont vraiment des fonctions naturelles.
Et ils meurent s'ils ne le font pas.
La maternité , c'est plus complexe: dans nos sociétés, il y a toute une propagande sociale et médiatique explicitement ou implicitement prescriptive qui présente la maternité comme une norme incontournable pour les femmes, comme indispensable à l'épanouissement féminin, "le plus beau métier du monde" "le plus beau rôle" de telle ou telle actrice etc.
Si on doit constamment répéter aux femmes qu'il n'y a pas de salut hors de la maternité, c'est que ce n'est pas si évident.
Autrefois, les femmes de la bourgeoisie et de la noblesse se débarrassaient tout de suite de leurs bébés en les confiant à des nourrices et à des bonnes d'enfants; elles ne les voyaient que quelques instants par jour , ou même rarement ou pas du tout si elles les confiaient à des nourrices vivant à distance; des fils de famille noble (Talleyrand) racontent avoir été confiés à des domestiques et n'avoir presque pas vu leurs parents jusque vers l'âge de 7 ou 8 ans.
Sous l'Ancien Régime, dans ces familles, on considérait les bébés et jeunes enfants comme de petits animaux sales, exigeants, bruyants, nécessitant des soins fastidieux et pénibles dont un adulte "important" avait autre chose à faire qu'à s'occuper et se débarrassait sur les domestiques.
On ne commençait à s'intéresser aux enfants (tant les femmes que les hommes) que quand ils atteignaient l'âge de raison. Et ceci jusque vers la fin du 19ème siècle.
C'est Rousseau et les Philosophes des Lumières (pas tous) qui ont introduit la notion moderne de la maternité et de l'amour maternel: la mère proche de son bébé, qui s'occupe personnellement de lui donner les soins autrefois confiés aux nourrices.
Ceci sous l'influence de l'importance croissante de la bourgeoisie, qui a eu pour conséquence de renvoyer les femmes des classes dominantes dans la sphère familiale et domestique, de les y confiner et de leur fermer l'accès de certaines fonctions publiques, politiques et économiques, qu'il leur était auparavant permis d'exercer.
Dans certaines sociétés tribales, ce n'est pas spécialement, ou pas uniquement la mère qui se charge du soin de ses enfants, mais la grand mère, les tantes, ou même parfois des hommes de la famille.
Les structures familiales, très variables selon les cultures, ne relèvent donc nullement de ce qui est "naturel".