Pédro a écrit :
J'ai trouvé un élément intéressant sur ce point dans un vénérable ouvrage, Histoire contemporaine par E. Maréchal qui cite des propos tenus à la Chambre des Communes par Henry Labouchère : "La politique étrangère de Lord Salisbury est une politique insensée. Lord Salisbury n'a toujours obéi qu'à sa jalousie contre la France et à sa haine pour la Russie. Le gouvernement nous mêle toujours à quelque querelle, afin d'entraver le progrès de la démocratie. Je suis opposé à toute intervention anglaise dans les affaires du continent. Il serait outrageant pour l'Angleterre, si une entente existe entre elle et l'Italie, que cette entente pût rester secrète. Le désir de la France de reprendre ses provinces est très légitime et a toute mes sympathie".
A mon avis, le propos de Labouchère n'est pas caractéristique d'un courant tempéré de la diplomatie britannique. Au moment où Salisbury, qui, sauf erreur de ma part, n'est plus que Marquis en 1886, prend poste en tant que Premier ministre, Labouchère, farouche acteur de l'opposition anti-conservatrice, dit tout et n'importe quoi pour faire tomber le gouvernement. Diplomate au début de sa carrière, il n'a pas eu de fonctions en France et son propos est plus pamphlétique que francophile. Ceci étant, je suis volontiers votre idée que l'animosité franco-anglaise n'est pas partagée par toute la classe politique britannique.
jibe a écrit :
comme dans l'opposition première de Mme Thatcher au tunnel sous la Manche
Il me semble que le frein est surtout économique.
cush a écrit :
En dehors de ces cas précis et peut-être contrairement à une certaine légende, je ne pense pas que l'Angleterre ait jamais eu pour politique de "réguler" les affaires européennes, ou même d'empêcher une des nations continentales de dominer. Il se trouve simplement qu'aucune des nations continentales ayant tenté de dominer ses voisins n'a tenté de le faire sans vouloir aussi dominer l'Angleterre.
Vous faites, à mon humble avis, fausse route : chaque nation cherche à avoir le plus de cartes possibles en main. Se dire que l'Angleterre ne cherchait pas inférer dans les affaires de ses voisins alors que ses propres intérêts (en Europe et par le monde) sont en interconnexions directes avec les dits voisins européens, c'est se leurrer. Je le disais dans mon premier message de cette conversation, l'Angleterre cherche à appliquer la géopolitique britannique et à empêcher la naissance d'une Eurasie puissante et menaçant la stabilité de cet espace géo-politique.
cush a écrit :
Quand au "duel" avec la France, il rentre dans ce contexte mais sans doute pour plus longtemps qu'avec les autres puissances européennes puisqu'on peut quand même dire que la France a, directement ou indirectement, par la menace d'une invasion ou par le développement de sa flotte, été la puissance dominante sur le continent pendant 250 ans (en plus bien sûr des liens quasi "familiaux" qui nous unissent à nos voisins et qui sont eux encore plus anciens).
On pourrait justement s'interroger que, sur l'espace chronologique 1870-1914, l'Angleterre choisisse pas à pas le rapprochement avec la République française contre l'Allemagne impériale, les souverains d'Angleterre et de Prusse étaient parents.
Le bonapartiste a écrit :
Si Guillaume II n'avais pas voulu de cette flotte ni de colonie cela n'aurait pas froissé les anglais. S'il avait voulu uniquement l'hégémonie continentale dans la droite ligne de Bismarck (tout en restant un partenaire commerciale) je me demande s'il y aurait eu une réaction anglaise, d'autant plus que les allemands se seraient présentés comme le rempart à la Russie.
Les Anglais ne sont pas si favorables que ça à la politique bismarckienne. Le "bon vieux Bismarck" a tout de même poussé les Français à jeter leur dévolu sur d'autres territoires que l'Europe centrale et occidentale et les a placés en compétition directe avec les Anglais. Du côté britannique, il a ce sentiment que Bismarck et les empereurs allemands ont cherché à affaiblir la France et l'Angleterre dans une lutte bilatérale pour venir, plus tard, s'imposer sur le continent européen (d'où la France et l'Angleterre se désolidarise par leur "course au clocher") et dans le domaine des colonies (où les luttes franco-anglaises ont déstabilité le partage du monde).
Sir Peter a écrit :
Vous remarquerez qu'il y a aussi une autre constante depuis la création d'une Russie "moderne" :empêcher son accès aux mers "chaudes" donc à la mer libre tout au long de l'année.....
Le refus franco-britannique de l'accès de la Russie aux mers chaudes date même d'avant la naissance de la Russie soviétique. Dans les discussions interalliées du début de la Première Guerre mondiale, les Français et les Anglais veulent empêcher les Russes de mettre la main sur le Bosphore et les Dardanelles.