jovien a écrit :
A propos de Boulanger, de Gaulle, sous la IVème, comme chef du Rpf n'a pas été particulièrement efficace...
Il a même été très mauvais. Pour différentes raisons, dont la première était son refus du "système des partis". Refus carrément illusoire. (En 1958 ce sont ses lieutenants qui vont monter en urgence un parti gaulliste - l'UNR, je crois : il a changé tellement souvent de nom depuis... - sans qu'il s'y oppose, mais sans s'y intéresser vraiment, alors qu'il s'agissait pourtant d'avoir une majorité à la Chambre.)
Un de ses lieutenants, j'ai oublié lequel, disait : en 1951, si nous avion su négocier un minimum, nous étions au pouvoir.
Citer :
N'oublions pas les limitations de sa culture, par rapport à un ministre moyen : aucune culture économique, aucune culture juridique, pas de culture constitutionnelle... Le personnel politique l'aurait jugé fort dans sa partie, il n'aurait pas particulièrement été impressionné par lui...
Là par contre je ne vous suis pas.
C'est au contraire sa capacité à passer du militaire au politique qui a assuré la réussite de son pari de fou. Comparez par exemple avec la perception des choses d'un Giraud en 43 : là vous avez un militaire-militaire dont la perception politique des enjeux pour la France est affligeante.
De Gaulle a montré en 1943-44 à Alger qu'il n'était pas inculte s'agissant d'institutions, d'autant plus qu'il s'agissait d'en créer à partir de rien.
Il a même géré avec une certaine finesse la transition entre le Commissariat Civil et Militaire de Giraud et le gouvernement provisoire, mettant en place progressivement tous les éléments sans effaroucher les Alliés, mais en faisant apparaître clairement sa représentativité. (Le GPRF n'a pris ce nom que le 1er juin 44 : à la veille du débarquement, il n'était plus temps de mégoter la souveraineté nationale.)
Dans les faits le CFLN et l'assemblée consultative ont tous les attributs d'un gouvernement et d'une assemblée provisoires, sauf le nom. Et les ministres s'appellent des "commissaires"...
le "personnel politique" de cette assemblée relevait d'un dosage que n'auraient pas renié les politiques les plus chevronnés - et il y en avait un certain nombre parmi eux.
Aucun n'a jamais eu l'impression de faire partie d'une institution d'opérette dirigée par un général inculte. (De Gaulle avait travaillé pendant 3 ans au SGDN - Secrétariat Général à la Défense nationale - où on traitait des sujets tels que "la mobilisation économique en temps de guerre", ce qui n'a rien de trivial - où il a beaucoup appris sur le fonctionnement gouvernemental - quitte à en critiquer l'instabilité.)
Lorsque à Alger en 44 l'un de ces ci-devant ministres de la 3ème république, et désormais commissaire - j'ai oublié lequel *- fait remarquer en séance de l'assemblée que telle disposition envisagée pourrait bien être inconstitutionnelle (ce qui revient à se référer à la constitution de la 3ème république) l'Oracle tranche avec une pointe d'humour à froid : "Monsieur le commissaire s'est-il seulement déjà avisé qu'il faisait partie d'un gouvernement insurrectionnel ?"
Limité au domaine militaire ? C'est le contraire. Il fait preuve d'une maîtrise politique qui n'est pas sans limite mais qui est très réelle. (comme limite on peut mentionner cette lubie de ne pas vouloir être chef d'un parti, même de loin, qui lui vaudra le vote d'une constitution imitée de celle de la 3ème République, fin 45, et finalement son départ - on ne l'y prendra plus...)
On peut ajouter qu'il a su s'entourer, ce qui s'est souvent révélé bien utile pour gérer les "trous d'airs" provoqués par son caractère infernal. (loustaunau-Lacau le décrivait comme un homme "dont l'ascenseur ne s'arrête jamais à l'étage" !) A sa décharge, partant de si bas et visant si haut, il n'était pas simple de savoir où fixer progressivement le curseur.
* Edit : Il s'agit de Henri Queuille.