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 Sujet du message : L'esprit de croisade
Message Publié : 13 Mars 2014 15:53 
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Philippe de Commines
Philippe de Commines
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Localisation : région de Meaux
Après la chute de Constantinople en 1453, les papes ( Pie II notamment en 1464) ont tenté d'organiser la résistance à l'expansion ottomane en appelant à la croisade.Les Ottomans se sont jetés à l'assaut de l'Europe centrale, et ont largement été les maîtres de la Méditerranée pendant une bonne partie du XVI e siècle, harcelant les côtes Italiennes ou Espagnoles notamment.
Les princes et monarques concernés leur ont fait la guerre pour arrêter cet expansion. Mais pourquoi avoir abandonné la bannière des croisés, et l'argument traditionnel des croisés pour fédérer leurs efforts et monter des expéditions comme celles des XIe-XIIIe siècles ?

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 Sujet du message : Re: l'esprit de croisade
Message Publié : 13 Mars 2014 16:50 
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Pierre de L'Estoile
Pierre de L'Estoile

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Localisation : Lyon-Vénissieux
Peut-être parce que les croisades ayant été un cuisant échec final, les européens ne voulaient pas se mettre sous de mauvais auspices.

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Le souvenir ne disparait pas, il s'endort seulement.
Epitaphe trouvée dans un cimetière des Alpes

La science de l'histoire est une digue qui s'oppose au torrent du temps.
Anne Comnène, princesse byzantine (1083-1148)

Le passé fait plus de mal que le présent
Proverbe Albanais


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 Sujet du message : Re: l'esprit de croisade
Message Publié : 14 Mars 2014 0:01 
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Philippe de Commines
Philippe de Commines
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Localisation : Armorique
Peut être le changement d'époque, le changement des rapports par exemple face aux papes. Une certaine évolution.
Le message ne "prend" plus ou du moins plus de la même manière, il n'y a plus l'espoir de se faire un nom, une réputation, d'amasser gains et terres.
Les Royaumes sont structurés et la diplomatie s'essaie à remplacer les lourds conflits. La foi du charbonnier ne suffit plus. Il y aura des sursauts face à l'avance ottomane mais est-ce plus pour "l'Eglise" ou pour préserver les possessions voire s'agrandir (je songe au siège de Vienne). Les pays concernés font passer leur politique intérieure en priorité et la politique extérieure au sein de l'Europe est en équilibre à ce moment, au sein de presque tous les royaumes pour différentes raisons.
Peut être que l'Eglise est devenue une entité plus matérielle que spirituelle et en ceci traitée comme telle. On peut prendre les armes en son nom mais on peut aussi mettre Rome à sac. L'Eglise n'est plus celle qui détient tous les pouvoirs et puis la Réforme est là. Pourquoi se croiser au nom d'un verbe qui bat la breloque ? Peut être que "le coeur" n'y est plus et peut être que ce n'est pas plus mal...

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 Sujet du message : Re: l'esprit de croisade
Message Publié : 14 Mars 2014 10:44 
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Philippe de Commines
Philippe de Commines
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Inscription : 23 Avr 2008 9:32
Message(s) : 1809
Localisation : région de Meaux
Philippe III de Bourgogne a fait le voeu de partir en croisade en 1454 après la prise de Constantinople. Que sait on de cette décision (avortée suite à la mort du pape, je crois), et des réactions qu'elle a suscité ?

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 Sujet du message : Re: l'esprit de croisade
Message Publié : 14 Mars 2014 19:04 
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Grégoire de Tours
Grégoire de Tours
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Inscription : 09 Déc 2013 19:33
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Localisation : Mon blason devrait vous en donner une petite idée...
Cet épisode est connu sous le nom de "vœu du faisan", parce que Philippe de Bourgogne avait convié en 1454 tous les grands seigneurs de l'époque encore attachés aux valeurs féodales les plus archaïques à un immense banquet écœurant de luxe et de prodigalité dont le clou était un superbe faisan farci et reconstitué avec toutes ses plumes. Les convives étaient soi-disant là pour faire le vœu officiel de partir en croisade, mais prêter serment sur un faisan farci était clairement ridicule et dès cette époque même leurs contemporains avaient tous compris qu'aucun d'entre eux n'était vraiment sérieux (dans le sens où, oui, ils auraient aimé se couvrir de gloire en croisade mais, non, ils n'étaient pas prêts à payer une fortune pour constituer une armée pour y aller...) et cette fête a été immédiatement critiquée et raillée, notamment par le roi de France Charles VII. Je vous raconte tout cela de tête, vous en saurez plus ici.

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 Sujet du message : Re: L'esprit de croisade
Message Publié : 14 Mars 2014 23:54 
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Il y a un livre sur le sujet : Géraud Poumarède, ''Pour en finir avec la croisade : Mythes et réalités de la lutte contre les Turcs au XVIe et XVIIe siècles'', PUF 2004. J'avoue ne l'avoir pas (encore) lu, mais il semblerait qu'il ait fait date dans l'historiographie de la question.


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 Sujet du message : Re: L'esprit de croisade
Message Publié : 15 Mars 2014 8:47 
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Pierre de L'Estoile
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Localisation : Nanterre
En fait, l'esprit de croisade s'est éteint... 5 ans avant la chute de Constantinople. On n'en parle peu en France, car le maître d'œuvre fut la chrétienté orientale, et que les expéditions se soldèrent par des échecs.

Quatre expéditions majeures furent entreprises pour délivrer la cité de Constantinople de l’encerclement ottoman et chasser du continent européen ce nouvel adversaire coriace arrivé de l’Asie :
  • l’expédition de Nicopolis (1396),
  • la longue campagne (sept.1443-janv.14443,
  • l’expédition de Varna (1444)
  • l'expédition de Kossovopolje (1448).

Vous pouvez en lire une étude sur ce site : Les Croisades de Nicopolis (1396) et de Varna (1444) : une comparaison

La chevalerie française, commandée par le fils du duc de Bourgogne Philippe le Hardi, participa à l'expédition de Nicopolis. Autant en 1396 qu’en 1444 on enregistre la participation de Bourguignons, des Vénitiens, des Allemands, des Autrichiens, des Polonais, des Tchèques, des Hongrois, des Croates, des Byzantins et des Roumains de Transylvanie et de Valachie.

Après ces défaites, les papes changeront de stratégie et tenteront de regrouper les puissances chrétiennes en "saintes ligues", pour des projets ponctuels. Citons notamment celle de 1571, qui aboutira à la victoire de Lépante.

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Qui contrôle le passé contrôle l'avenir.
George Orwell


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 Sujet du message : Re: L'esprit de croisade
Message Publié : 15 Mars 2014 13:03 
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Philippe de Commines
Philippe de Commines
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Inscription : 05 Juil 2011 14:39
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Localisation : Armorique
Merci pour ce lien très intéressant. :wink:
Le "ponctuel" papal est en effet la meilleure option ; il faut croire que Dieu était du côté des "croyances superstitieuses" turques plutôt que du "carpe diem" chrétien... Rien que cette évidence donne à réfléchir pour d'éventuels besoins de se retrouver à Jérusalem : tant pis pour le lait et le miel... C'est ahurissant de constater l'immobilisme chrétien à un moment aussi décisif que celui où l'empire ottoman se trouve affaibli : arrivée d'un nouveau chef qui semble laisser l'entourage un peu dubitatif et politique intérieure chaotique. Pourquoi ne pas avoir poussé l'avantage à se moment ? Est évoqué le souvenir assez "chaud" de la précédente défaite. J'ai du mal à y croire (cf. : en France, après Crécy -raclée historique s'il en fut-, ceux qui regagneront leurs pénates lanceront la mode du "retour sur gazon" à Azincourt)... :P

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 Sujet du message : Re: L'esprit de croisade
Message Publié : 15 Mars 2014 13:11 
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Georges Duby
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Inscription : 27 Juil 2007 15:02
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Localisation : Montrouge
Il existe de nombreux facteurs d'explication de la fin des croisades au 16è siècle, en tête la puissance ottomane et le fait que le monde n'est plus centré autour de la Méditerranée depuis la découverte de l'Amérique et par ailleurs que depuis le contournement de l'Afrique pour commercer avec l'Asie, le commerce ne passe plus par le fond de Mare Nostrum. Un double détournement de trafic qui va ruiner Venise et enlever au Monde musulman, qui va perdre son commerce, son rôle d'intermédiaire entre l' Europe et l'Asie.
Sur le plan religieux, la catholicité romaine a des soucis tels, que partir en croisade n'est plus d'actualité: la Renaissance a introduit en occident l'humanisme et ses valeurs laïques, l'individualisme et d'autre part le protestantisme a entrepris sa propre "croisade" contre Rome. Des régions entières passent à la Réforme ou s'éloignent de Rome comme la GB.

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 Sujet du message : Re: L'esprit de croisade
Message Publié : 15 Mars 2014 19:45 
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Pierre de L'Estoile
Pierre de L'Estoile

Inscription : 14 Avr 2005 10:11
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calame a écrit :
Il y a un livre sur le sujet : Géraud Poumarède, ''Pour en finir avec la croisade : Mythes et réalités de la lutte contre les Turcs au XVIe et XVIIe siècles'', PUF 2004. J'avoue ne l'avoir pas (encore) lu, mais il semblerait qu'il ait fait date dans l'historiographie de la question.

Il est en effet la référence sur le sujet.

http://www.observatoiredesreligions.fr/ ... artsuite=0
Un résumé très rapide sur le site de l'observatoire des religions qui colle avec mon souvenir de lecture.

Citer :
A un moment où l’éventuelle entrée de la Turquie dans l’Union Européenne agite encore les esprits, et pas souvent avec raison, le livre savant de l’historien Géraud Poumarède tombe à pic en ce qu’il nous montre que le long conflit qui a opposé l’Europe à l’Empire ottoman aux 16e et 17e siècles n’a pas évité un certain décalage entre les mots et la réalité.

Depuis la prise de Constantinople en 1453, la progression des Turcs semblait inexorable. Le sac d’Otrante, perpétré en 1480, a fait 800 victimes, que l’on a tôt fait de transformer en martyrs, avec beaucoup de miracles à la clef. Belgrade est tombée aux mains de l’Islam en 1521, Bude en 1526. Vienne est assiégée en 1529. Elle le sera de nouveau en 1683. Chypre tombe en 1570. Le sultan s’attribue une tiare à quatre couronnes, alors que celle du pape n’en a que trois. Depuis qu’il a investi Byzance, il se croit l’héritier des Césars, sans rien renoncer à sa foi dans Allah. Ce mélange de césarisme et d’islamisme jette l’effroi en Europe. L’idée se propage d’une destruction totale de la chrétienté.
Côté européen, c’est donc une véritable croisade qu’il s’agirait de mener contre la Porte. Le pape s’en proclame lui-même le chef, comme s’il se croyait encore au Moyen-Age. Toute une rhétorique se met en place. Le Turc est présenté comme l’Infidèle, l’ « ennemi commun », le sauvage. Le cruel potentat, assoiffé du sang de sa propre race, le barbare destructeur de culture, l’animal dominé par ses sens. Tous ces traits prêtés à l’Ottoman confluent dans la notion d’immanitas.

Un joli mot, somme toute, que cette « immanité ». Il s’oppose, bien sûr, à « humanité », sans pour autant que soit contesté le dogme chrétien de l’unité du genre humain. L’origine étymologique d’immanitas est la même que celle du grec mania, qui signifie folie. Traduisons ici immanitas par monstruosité. « Le mythe de la barbarie et de l’inculture des Turcs est une forgerie de la Renaissance, ne craint pas d’écrire M. Poumarède, et sa diffusion dans le milieu des lettres, qui atteindra jusqu’à Montaigne, y révèle une mobilisation durable au nom de la défense d’une civilisation commune. »

Pourtant, les « Saintes Ligues » que le Souverain Pontife réussit à mettre en place ne réunissent le plus souvent que les Etats directement confrontés au Turc, c’est-à-dire, outre les Etats pontificaux, les Habsbourg d’Allemagne, la Hongrie, la Pologne et Venise. Même quand Vienne est assiégée par les cavaliers d’Allah, la France tient trop à son alliance de revers avec la Sublime Porte pour se porter au secours de la maison d’Autriche. Quant aux puissances protestantes, la papauté les récuse a priori en tant que partenaires – comme si elle voulait limiter elle-même son rayon d’action.

Les contemporains ne sont pas dupes de cette pieuse logorrhée. En témoigne ce jugement de Blaise de Monluc dans ses Commentaires (1570) : « Il ne faut pas renouveler les guerres de Terre sainte, estime-t-il, car nous ne sommes pas si dévotieux que les bonnes gens du passé ». A quoi fait écho un siècle plus tard cette dépêche d’Arnaud de Pompone, secrétaire d’Etat des affaires étrangères de Louis XIV, à un ambassadeur de France : « Je ne vous dis rien sur les projets d’une guerre sainte, mais vous savez qu’ils ont cessé d’être à la mode depuis saint Louis ».

Louis XIV lui-même aurait envoyé secrètement des subsides au sultan pour qu’il puisse remporter enfin le siège de Vienne. Le Roi-soleil, le Très-Chrétien champion de l’alliance avec les Turcs, soupçonnait le pape de la même trahison. Aussi faisait-il écrire par ses libellistes que le pape s’était mis à la tête des Mahométans pour nuire au « fils aîné de l’Eglise ». Autrement dit, le vieillard borné qui occupait le trône de saint Pierre préparait le double triomphe des Turcs et des Protestants, Louis XIV devenant le seul défenseur du catholicisme ! On alla jusqu’à raconter à Versailles que le vicaire du Christ avait mal accueilli la révocation de l’Edit de Nantes…L’auteur nous offre quelques pages instructives et savoureuses sur le prétendu « destin oriental » de la monarchie française, dont se réclame encore aujourd’hui une certaine diplomatie de notre République.

L’improbable thèse lancée en sous-main par Louis XIV d’une collusion entre le pape et le Turc, notamment pour des raisons économiques, a été soutenue en 1946 par un historien allemand, H. Pfeffermann, qui la situe dans la première moitié du XVIe siècle. Plus personne n’y croit aujourd’hui, mais il n’en reste pas moins que les Etats pontificaux avaient de profitables relations commerciales avec l’Empire ottoman, comme on vient de le voir, qui apportaient de l’eau au moulin de ceux qui dénonçaient le double jeu du successeur de Pierre.

Cette mise en évidence des intérêts marchands, au cœur même et à la tête de la chrétienté, signale bien que la page de la croisade est définitivement tournée. « Le temps n’est plus à une sainte et lointaine lutte contre l’Infidèle, commente M. Poumarède, mais à la guerre contre les Turcs, voisins puissants et menaçants d’une Europe qui prend progressivement conscience de son unité culturelle ». Si donc la « République chrétienne » s’est enfoncée dans les oubliettes de l’Histoire, si une ébauche d’Europe commence à prendre sa place, ce serait grâce à la pression de l’Empire ottoman. L’Europe n’aurait pas existé, et encore si peu, sans la menace turque. Un paradoxe dont l’actualité nous fait goûter toute la saveur.

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 Sujet du message : Re: L'esprit de croisade
Message Publié : 16 Mars 2014 10:36 
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Eginhard
Eginhard

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Citer :
l’expédition de Nicopolis (1396),
la longue campagne (sept.1443-janv.14443,
l’expédition de Varna (1444)
l'expédition de Kossovopolje (1448).


Ces deux croisades furent des échecs cinglants pour les chrétiens d'occident, on peut comprendre dès lors que la façon de concevoir les croisades, ou du moins la manière d'appréhender la lutte contre les musulmans fut totalement différente par la suite. Le banquet du faisan n'a d'ailleurs pas eu les conséquences souhaitées. En outre, il faut savoir au sujet de Constantinople que les tensions entre catholiques et orthodoxes étaient très fortes, n'oublions pas cette phrase de Lucas Notaras : "Plutôt le turban turc que la mitre romaine".


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 Sujet du message : Re: L'esprit de croisade
Message Publié : 16 Mars 2014 15:22 
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Philippe de Commines
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Inscription : 05 Juil 2011 14:39
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Localisation : Armorique
Je viens de lire un article concernant Louis IX et ses envies de croisades. Là où un ex voto eut suffi, à l'époque on se croisait. Au départ, une vilaine maladie (l'homme est de constitution faible) et le roi s'en remet à dieu (dommage que les Cathares n'aient pas eu le monopole du cataplasme qui remet sur pied). Il guérit et il s'y tient : il met ses affaires intérieures en ordre et personne dans l'entourage (pas même sa mère) ne l'incite à songer à la prochaine maladie. Que fera-t-on si guérison ? C'est donc bien des décisions personnelles ahurissantes dès le XIIIème et pour la France. Le pape n'a rien demandé, occupé qu'il est avec Frédéric II. En Ibérie, on reconquiste, Gênes et Venise commercent et manifestement le bénéfice est tel qu'on oublie un peu les patenôtres, pour l'Angleterre la tension entre Capétiens et Plantagenêts est toujours palpable. Manifestement "l'esprit de croisade" a existé mais la croisade n'est plus dans tous les esprits. Louis est seul mais le contexte est favorable :
- anarchie féodale autour des lieux saints,
- razzia musulmanes ingérables (c'est le but), cette fois ce sont les Korasmiens.
Ce que j'ai du mal à comprendre est que Jérusalem ne compte plus ses mises à sac ainsi que le massacre en règle de sa population, cependant les réactions tant du pape que de ses ouailles est très variable. Là par exemple, il se tait.
Louis IX part d'un bon sentiment : les hommes à la guerre, les femmes aux affaires (ce qui tranche dans la mentalité moyenâgeuse ; le porte parole en est Thomas d'Aquin).
Résultat de cette B/A : c'est une première, un roi est captif, une rançon exigée et réglée par les Templiers (un moins pour le "bel" petit Philippe qui l'aura oublié...). Si c'est un échec militaire, 4 années se passeront à remettre une cohérence politique dans les lieux. On quitte car la France a perdu sa régente depuis quelque temps déjà.
Pour la 8ème croisade, c'est le sac d'Antioche (qualifié de "sommet dans l'horreur" ce qui me laisse dubitative quant à la hauteur du sommet et la notion "horreur"). Urbain IV donne de la voix mais -évidemment- la France est la seule à entendre. On sort la couronne d'épines car il semble que la ferveur soit moindre et les Musulmans plus dans le ton. La croisade ne fait plus recette stricto sensu.
Alain l'évoque bien : dès le XIIIème les bourgeoisies marchandes ont tilté qu'il fallait mieux s'accommoder d'une nouveauté bien ancrée. Louis IX en fait un geste "expiatoire" ( 8-| ). Ceci m'interpelle. Et si les raisons de Louis IX étaient ailleurs ?
La suite est connue. Pour la 9ème, c'est l'Angleterre qui s'y collera... Grégoire X donnera de la voix suivi de Nicolas IV avec la chute de Tripoli. Etrange silence à l'époque ou Gengis Khan explicite sa politique d'expansion très bon enfant : "Quand une ville me résiste, je tue tout le monde. Je détruis tout et je mets le feu."
Un plus pour les Capétiens : Louis IX est à l'origine d'une transaction gagnant/gagnant. La monarchie capétienne tient son saint et l'Eglise montre qu'il est aisé pour un laïc d'accéder à la sanctification à travers ses actions.
Qu'est donc "l'esprit de croisade" ? Pas le "saint", c'est certain. Lorsque s'ouvrira aux yeux éblouis un continent qui semble transpirer l'or, on n'osera tout de même pas employer le mot "croisade" pour les conversions brutales des autochtones et pourtant, évangélisateurs et aventuriers partageront le même navire. Où donc est la différence ?
Je trouve que l'incohérence du moment n'a pas été optimisée. Ceci aurait pu être la base d'une force face à une Eglise en pleine controverse dans sa pensée et ses écrits. Il faut croire que quel que soit le sens du mot "canon", les tirades sont toujours de mise via le droit, mèche excessivement sensible dès l'allumage. ;)

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 Sujet du message : Re: L'esprit de croisade
Message Publié : 16 Mars 2014 16:59 
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Pierre de L'Estoile
Pierre de L'Estoile

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Message(s) : 2082
L'esprit de croisade tel que mentionné dans ce fil me parait surtout concerner ce que furent les "tentatives" d'une reconquête de Constantinople par la Chrétienté latine.

Quant aux différences entre croisades et conquêtes de l'Amérique, elles sont évidentes dans leur motivation. On lira les fils sur PH quant aux motivations des croisades médiévales qu'elles sont religieuses bien plus que commerciales alors que les proportions sont très largement renversées.

On le voit d'ailleurs dans la place prise par le commerce dans les relations avec la porte dés la prise par cette dernière de Constantinople.

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 Sujet du message : Re: L'esprit de croisade
Message Publié : 16 Mars 2014 17:30 
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Georges Duby
Georges Duby
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Inscription : 27 Juil 2007 15:02
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Localisation : Montrouge
Citer :
http://www.observatoiredesreligions.fr/spip.php?article131&artsuite=0
Un résumé très rapide sur le site de qui colle avec mon souvenir de lecture.

Ce résumé d'un site de religion est axé sur l'aspect uniquement religieux de l'histoire de l'est de la Méditerranée. L'analyse, centrée sur la guerre entre chrétiens et musulmans, perd de son intérêt lorsque l' histoire de l'Europe se déplace vers l'Europe du Nord, l'Amérique, et l'Asie par la route directe.
Le contexte économique et politique fait que maintenant, au 16è siècle, l'Europe tourne le dos à la Méditerranée-Est et que, un point essentiel, tout ce qui est religieux n'a plus la même importance. L'Europe a de nouvelles priorités, de nouveaux buts et ce qui va dominer les esprits est, de surplus, la lutte entre les puissances qui viennent de s'affirmer et qui va devenir intense.
La religion est loin, sauf comme facteur interne de cohésion. On n'est plus en 1096 quand l'Europe ne pouvait plus supporter que l'accès au tombeau du Christ soit rendu difficile par voie de terre, voire parfois interrompu également par mer.
L'Europe a la tête ailleurs qu'à reconquérir Jérusalem. On peut même dire que la question n'a plus aucun sens au 16è siècle.

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 Sujet du message : Re: L'esprit de croisade
Message Publié : 16 Mars 2014 18:04 
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Pierre de L'Estoile
Pierre de L'Estoile

Inscription : 14 Avr 2005 10:11
Message(s) : 2082
Citer :
Ce résumé d'un site de religion est axé sur l'aspect uniquement religieux de l'histoire de l'est de la Méditerranée

C'est aussi un bon résumé du livre qui se concentre sur l'esprit de croisade et n’aborde pas la conquête de l’Amérique. Une des grandes causes de l'abandon de cet esprit de croisade sera l'affaiblissement de cet élan religieux déjà patent dés la fin des croisades médiévales.

Par contre une solidarité européenne pourra jouer contre le Turc dans certains moments critiques. Ainsi, si je me souviens bien d'une conférence de l'association des historiens, lors du siège de Vienne en 1683 la cours demandait au roi de ne pas affaiblir les Habsbourgs pour que Vienne ne tombe pas. Il n'agit pas ici de commerce bien entendu.

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