Jean R a écrit :
Exemple emblématique (repenti par la suite), Jean-Paul Sartre
http://bouquinsblog.blog4ever.com/nekrassov-jean-paul-sartreCiter Sartre d'entrée comme "idiot utile" risque d'obscurcir la notion.
Pour moi un "idiot utile" est un opérationnel, utilisé pour l'atteinte d'un objectif concret. (Je crois que Lénine est supposé avoir utilisé la première fois cette expression pour désigner les SR - socialistes révolutionnaires - qui ont aidé les bolcheviks dans leur conquête du pouvoir avant d'être écartés.) Et le plus souvent il n'est pas communiste, mais pense que c'est un bon objectif, sans se rendre compte qu'il leur rend service ou qu'il leur ouvre la route.
Sartre fait plutôt partie des intellectuels et des artistes - trop nombreux - qui ont longtemps formé un environnement de prestige autour du PCF, et qu'on désignait comme "compagnons de route", parce que leurs sympathies communistes étaient connues. Les communistes ne les considéraient pas comme des "idiots utiles", au contraire ils en faisaient grand cas et considéraient que leur soutien, parfaitement affiché, augmentait l'aura du parti.
Je citerais volontiers Georges Bidault, président du CNR, le Conseil National de la Résistance, qui a servi de vitrine honorable, qu'on classerait aujourd'hui dans la droite modérée, pour un organisme où les communistes étaient majoritaires de fait. (Il me semble, sans pouvoir l'assurer, que cette majorité tenait à la présence de "crypto-communistes" c'est à dire de gens qui cachaient leur appartenance au PCF et s'affichaient sous une autre étiquette. Elle n'a été acquise que progressivement, par noyautage, le CNR d'origine, créé en 43, n'étant pas majoritairement communiste.)
Et Bidault a bien rempli son rôle "d'idiot utile" puisqu'on lit encore aujourd'hui dans Wiki :
Citer :
Le Conseil national de la Résistance (CNR) était l'organe qui dirigea et coordonna les différents mouvements de la Résistance intérieure française pendant la Seconde Guerre mondiale, toutes tendances politiques comprises. Ce conseil était composé de représentants de la presse, des syndicats et des membres de partis politiques hostiles au gouvernement de Vichy à partir de la mi-1943.
Il n'est pas fait mention de la majorité communiste de cet organisme, qui est donc présenté comme un rassemblement d'hommes de bonne volonté, représentant toutes les tendances résistantes. Pourtant, aucun doute, les objectifs sont communistes. Wiki note plus loin :
Citer :
Adopté le 15 mars 1944 après plusieurs mois de négociations, le programme du Conseil national de la Résistance est très empreint de rénovation sociale et suit des principes communistes (économie planifiée), notamment sous l'impulsion de Pierre Villon, représentant le Front national de lutte pour la libération et l'indépendance de la France.
Front National qui était, lui, explicitement communiste.
De Gaulle, pas dupe, a certes appliqué le programme du CNR (Sécurité sociale et nationalisations) mais s'est totalement refusé à donner à cet organisme le moindre rôle officiel.
Bidault, devenu inutile dans son rôle de caution politique, est remplacé dès le 15 septembre 44 par André Colin, dirigeant de la CGT et communiste bon teint : là les communistes se mettent à jouer ouvertement, dans le cadre d'un rapport de force qu'ils mettent en place face à De Gaulle.
J'allais citer comme "idiot utile" lors du coup de Prague en 1948 Zdenek Fierlinger, membre éminent du parti social-démocrate, qui a poussé les ministres sociaux-démocrates à démissionner en bloc, provoquant une crise ministérielle qu'ils envisageaient de résoudre en créant un nouveau gouvernement dont les communistes seraient exclus. Fausse manoeuvre, puisque les communistes tchèques ont profité de la vacance du gouvernement pour prendre le pouvoir définitivement - avec les conseils techniques d'un spécialiste envoyé de Moscou pour l'occasion, je ne sais plus si c'était Zorine ou Dimitrov...
Mazaryk suicidé (défenestré !) et Bénès, malade du coeur, mis à la retraite, La Tchécoslovaquie passait pour 40 ans sous la tutelle de Moscou.
Mais je m'aperçois, à la lecture du parcours ultérieur de Fierlinger, qu'il était sans doute déjà bien branché sur les communistes, de sorte qu'il a pu provoquer la crise en sachant parfaitement où il allait. Rien d'un "idiot utile" dans ce cas, mais un agent communiste infiltré, conscient et discipliné. (Joli coup du NKVD, dans ce cas, qui réussit à installer un pseudo "social-démocrate" dans la direction de ce parti, mis en place de longue date pour ce coup politique unique.)
https://fr.wikipedia.org/wiki/Zden%C4%9Bk_FierlingerIl aurait été plus discret et plus élégant, par la suite, de faire de Fierlinger un honnête fonctionnaire anonyme, de sorte que son rôle exact ne soit pas dévoilé, au lieu de lui confier de hautes fonctions dans le nouveau pouvoir communiste. En même temps, pourquoi se gêner ? Ils avaient gagné. (Mais ce n'était pas très malin non plus de mettre ainsi un coup de projecteur sur les méthodes communistes d'infiltration, dont on n'imaginait guère, à l'époque, qu'elles puissent aller jusque-là.)
Mettre ainsi la main sur un pays entier pratiquement sans tirer un coup de feu, du travail bien fait.