J'ai recherché dans mes archives, j'ai trouvé ce texte sur la définition actuelle des races, par un généticien:
LES RACES A L'EPREUVE DE LA SCIENCE
Revue L'HISTOIRE N' 214 OCTOBRE 1997
Entretien avec André Langaney
Généticien, André Langaney est directeur du Laboratoire d'anthropologie biologique du Muséum national d'histoire naturelle (musée de l'Homme).
Citer : « Tous parents, tous différents » : c'est en ces termes qu'André Langaney résume ce que nous savons aujourd'hui, grâce à la génétique des populations, de ce qui distingue les individus, sur toute la surface de la planète.
L'Histoire - Est-ce que les races existent ? Il y a entre les individus des différences physiques que chacun peut percevoir. Est-ce que le mot de race » rend compte de cette disparité apparente André Langaney: Je pourrais vous répondre, de façon très hypocrite : oui, les races existent, mais elles ne sont pas ce que l'on croit. En fait, il faut se montrer plus précis, et bien établir que le mot race a deux sens extrêmement différents: le sens du langage courant et le sens scientifique. Dans le langage courant, on considère que les gens sont de races différentes à partir du moment où ils paraissent différents et, dans nos perceptions quotidiennes, on mélange ce qui est diversité physique, couleur de peau, diversité des façons de s'habiller, des façons de se comporter, voire diversité linguistique. Ce qui fait qu'on pourra parler de race woloff, alors qu'il s'agit, au sens strict, d'une ethnie ; de race juive, alors qu'il s'agit d'une religion ; de race française ou allemande, alors qu'il s'agit d'une nationalité, etc. Tout cela n'a rien à voir avec les données scientifiques, biologiques que nous connaissons. L'H. : Quel est le discours que peuvent tenir, précisément, les scientifiques, les biologistes en l'occurrence, sur les races? A. L. ; Il se limite à constater qu'il y a des différences biologiques, et parmi elles certaines qui sont visibles (ce sont les différences d'aspect physique, de taille, de proportions du corps, de traits du visage, de pigmentation, de couleur ou de forme des cheveux), et d'autres qui ne le sont pas. Ainsi, pour parler de celles que connaît le public, les différences de groupe sanguin, ou celles qui vont conditionner la possibilité ou le rejet des greffes d'organes. Ce qui a changé depuis le XIXe siècle, c'est l'appréhension de cette diversité cachée. Mais il faut souligner qu'au XIXe siècle déjà, quand les biologistes voulaient faire des classifications raciales - c'est une démarche naturelle à l'esprit humain que de classer, quand on se trouve devant des objets diversifiés -, ils cherchaient à les établir d'après les caractères les plus apparents, comme la couleur de la peau ou les dimensions du corps, et qu'ils n'arrivaient pas à se mettre d'accord. Certains définissaient deux races, d'autres trois, d'autres quatre, cinq... On est allé jusqu'à quatre cent cinquante ! Tout cela parce qu'il est impossible de classer les hommes selon des catégories simples et consensuelles. L'H. : Pourquoi est-ce Impossible ? A. L. : Pour deux raisons. La première est que, si l'on considère les caractères dans leur singularité, par exemple la couleur de la peau ou la taille des individus, ce que l'on constate c'est qu'à l'intérieur de toute population, chaque caractère est représenté de façon très diversifiée. Ainsi, la taille varie de plus de cinquante centimètres entre les plus petits et les plus grands d'une population. Même chose pour les couleurs de peau, ce que nous savons mal, nous autres Occidentaux, parce que dans les populations à peau foncée, la diversité est beaucoup plus grande que dans les populations à peau claire. La seconde raison est que, si l'on considère plusieurs caractères conjointement, par exemple la couleur de la peau et la taille, on ne constate aucune cohérence entre leurs variations. Je m'explique : il y a des individus très grands et des très petits parmi les plus foncés, les Tutsis et les pygmées par exemple, et des très grands et des très petits parmi les plus clairs, comme les Suédois et les Lapons. Autrement dit, les variations ne se recoupent pas, et si l'on veut pousser ce raisonnement à son terme, il faudrait dire que la classification « raciale » la plus pertinente consisterait à définir une catégorie par individu, parce que tout le monde est différent de tout le monde. L'H. : Comment expliquez-vous le fait qu'il y ait des races au sein du règne animal, ou du règne végétal, et pas parmi les hommes ? A. L. . La situation n'est pas du tout la même. Les races domestiques, d'animaux comme de plantes, ont été sélectionnées par l'homme, pour certaines depuis une dizaine de milliers d'années ! A chaque fois, on a choisi les reproducteurs de façon à obtenir des individus qui auraient tous le même type : ce sont presque des populations de jumeaux. On a fabriqué certaines races par des croisements consanguins extrêmement proches : les dalmatiens, les chihuahuas, les cockers, parmi les chiens, sont des créations artificielles de populations presque composées de clones. Evidemment, les populations humaines, au sein desquelles les gens se marient librement et sans assortir leurs caractères physiques et génétiques, ne correspondent pas du tout à cette situation. Cela ne veut bien entendu pas dire qu'il n'y a pas de variations biologiques, qu'il n'y a pas des populations qui ont des couleurs moyennes très différentes les unes des autres : si vous rassemblez dans un même endroit, comme certaines grandes villes, des Orientaux, des Africains et des Européens qui viennent des trois extrémités de la planète où les humains sont les plus différents, vous discernerez évidemment, au sens commun du terme, des « races ». Parce que vous aurez sélectionné artificiellement des individus qui se situent aux points extrêmes de la variation, sans prendre en compte toutes les populations intermédiaires qui permettent de passer continûment des plus foncés aux plus clairs ou des plus grands aux plus petits.
_________________ "La vie des hommes qui vont droit devant eux, renaitraient-ils dix fois en dix mondes meilleurs, serait toujours semblable à la première. Il n'y a qu'une façon d'aller droit devant soi." (Pierre Mac Orlan)
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