Je trouve dans Historia de mars 2002, l’histoire de l’espionnage industriel ayant permis aux anglais de voler des plans de thé à la Chine :
Dans les années 1840, la Chine est le principal producteur de thé au monde.
L’East India Compagny perd son monopole sur le commerce du thé chinois en 1834, et cherche à produire elle même son thé en Inde.
Le botaniste Robert Fortune va se lancer dans l’aventure en 1848 et 1849. Il dirigera trois expéditions, depuis Shanghai, Ningbo, et Fuzhou.
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Diane Perelsztejn et Joëlle Kilimnik ont retrouvé dans les archives de l'illustre compagnie commerciale, conservées à la British Library, l'ordre de mission adressé à Fortune le 3 juillet 1848 par le gouverneur des Indes orientales, le marquis de Dalhousie, sur les conseils du docteur Jameson, botaniste en charge des plantations expérimentales dans l'Himalaya: « Vous devrez sélectionner des plants et des graines de l'espèce des meilleurs théiers, du thé vert en provenance des meilleures régions productrices, puis les transporter sous votre responsabilité de Chine à Calcutta et de là, dans l'Himalaya. Vous devrez également diriger tous vos efforts pour engager des cultivateurs de thé expérimentés et de bons manufacturiers sans lesquels nous ne pourrons pas développer nos plantations dans l'Himalaya. » Fortune endosse le rôle d'espion sans hésitation. Autant par goût de l'aventure que par appât du gain: la couronne britannique lui offre 550 livres par an pour cette mission censée durer vingt-quatre mois, alors qu'il est rétribué 100 livres par an au Chelsea Physic Garden.
L’article décrit ensuite les expéditions en chine, pour conclure :
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De retour en Angleterre, il publie le récit de son voyage qu'il prend soin d'expurger de tous les détails relatifs à sa mission d'espionnage, et en tire un certain profit. Il partira de nouveau en Chine de 1853 à 1856 afin d'affiner ses connaissances sur les thés parfumés et d'enrôler d'autres manufacturiers pour une culture à grande échelle en Inde. Fortune passera le reste de sa vie dans la discrétion. Point de distinction honorifique décernée par la couronne britannique ni de pourcentage sur la manne commerciale qu'il a offerte à son pays. Il terminera toutefois ses jours loin du besoin, une sacrée chance pour un botaniste.
Dans le même temps, sur les versants embrumés de l'Himalaya, et notamment dans les désormais célébrissimes jardins de Darjeeling réputés pour produire le « champagne des thés », la production est en augmentation constante. En 1866, 4 % du thé consommé par les Anglais provient des Indes. En 1903, ce chiffre passe à 59 %. Les Chinois, qui ne comprennent pas comment les secrets du thé ont pu leur échapper, ne fournissent plus qu'un piteux 10 % des ventes aux Occidentaux. la Chine a remonté la pente puisqu'elle est aujourd'hui deuxième producteur mondial avec 19 % derrière l'Inde, 34 %.
De nos jours, au Centre de recherche du thé de Hangzhou, le jardin d'Eden où pousse le thé vert, est le seul endroit en Chine où l'on peut trouver les livres de Robert Fortune. Personne ne sait en revanche qu'il a opéré en tant qu'espion au service de Sa Majesté. Il se pourrait qu'un jour, le documentaire retraçant l'aventure épique de Robert Fortune, le voleur de thé, réalisé par Diane Perelsztejn en 2001, soit projeté en Chine. Alors, les Chinois comprendront avec un siècle et demi de retard dans quel piège ils sont tombés. Nul doute qu'ils en souriront, faisant preuve de toute leur sagesse confucéenne, envoûtés par les volutes d'un Yin Zhen, le plus délicat des nectars, dont ils sont les heureux propriétaires.