Huyustus a écrit :
Lorsqu'on massacre des gens pour ce qu'ils sont, et non pour ce qu'ils ont fait, c'est un génocide.
M'oui et non.
La religion est une forme d'idéologie philosophique. Elle ne répond à aucune essence, puisqu'on peut en changer ou ne pas en avoir. Répondant à un choix conscient et volontaire, elle correspond à un acte (de profession de foi) et ce choix peut devenir une faute volontaire pour ceux qui veulent éradiquer cette religion.
Je pense que l'adjonction de la
religion à l'
"ethnie" pour les génocides vient de la Shoah. Les nazis ont exterminé les juifs sur une base ethnique/raciale et revendiquée comme telle. Or l'Onu de 1948 ne reconnaissait pas vraiment les "juifs" comme une ethnie mais comme une minorité religieuse partagée dans plusieurs "ethnies" ou "nations" (Allemand juif, Polonais juif, Arabe juif, etc.).
Et comme il fallait dénoncer la base raciale de la haine nazie, il a fallu la remplacer par une base religieuse. C'est ainsi que je m'explique l'adjonction du critère religieux pour qualifier un génocide. Mais entre l'idéologie religieuse et l'idéologie politique ou mystique, il n'y a que la croyance en l'existence de divinités qui établit une différence. Le reste est affaire de choix et de conviction.
C'est pourquoi la distinction est litigieuse entre :
- d'une part, le massacre des juifs (sur un choix religieux, alors qu'il s'agissait d'un choix racial pour les opérateurs) ;
- et, par exemple, le massacre planifié et systématique d'opposants politiques dans une soi-disant "République démocratique" communiste (sur un choix annoncé comme politique ("lutte des classes") mais répondant en réalité à à des bases sociales (haine du bourgeois ou de l'aristocrate), géographiques (haine du paysan en URSS ou du citadin au Cambodge), voire nationales et ethniques (Ukrainiens en URSS, minorités ethniques au Cambodge).
Huyustus a écrit :
Au Cambodge, il me semble que les massacrés l'ont été pour ce qu'ils étaient, sur la base d'une intention claire du pouvoir, je qualifierai donc cela de génocide.
C'est clairement un "démocide". Quand ils l'ont été sur des bases géographiques (habitants des villes), professionnelles ("intellectuels" et porteurs de lunettes) ou politiques, on ne peut l'intégrer au génocide qui ne correspond qu'aux "démocides" basés sur des critères religieux, ethniques ou nationaux.
Huyustus a écrit :
Même chose pour l'Arménie.
Ce massacre visait la nation arménienne, pas les "gènes" d'une ethnie ou d'une nation, puisque des femmes et des enfants ont été intégrés à la nation turque. Pas un juif ou un Tsigane n'aurait été intégré par les nazis.
Huyustus a écrit :
Lorsqu'il y a un objectif qui est utilitariste (autre que de se débarrasser des gens), et donc lorsque le massacre "n'est qu'un moyen" pour atteindre ce but, c'est alors un démocide.
Par exemple, une épuration politique c'est différent d'un génocide : il y a une intention utilitariste, supprimer l'opposition pour sécuriser l'avenir (ce qui peut inclure de massacrer des enfants, pour éviter qu'ils ne viennent plus tard venger leurs parents).
Une répression pour "maintenir l'ordre", c'est pareil.
Tout massacre est utilitariste. Je n'en vois aucun qui n'ait d'arrière-pensées à court ou long terme.
Le "démocide" qualifie tout massacre planifié et systématique d'un groupe "out" (nuisible, pas comme les autres, pas accepté) par les autorités légales d'un groupe "in" (groupe de référence, "normal").
La Saint-Barthélémy, la croisade contre les Albigeois, certains épisodes des croisades en Orient, le massacre des Romains dans le royaume du Pont constituent des génocides et des démocides.
Les "génocides" arméniens et cambodgiens revêtent des caractères génocidaires (plannification, purge sans échappatoire) et sont des "démocides", tout comme les purges des "ci-devants", des "anti-bolcheviques" ou des "anti-maoïstes".
Les nettoyages ethniques ou religieux ne sont des génocides que lorsque les agresseurs ôtent toute chance de survie (fuite, conversion, soumission, rançon, esclavage...) aux victimes. C'est le caractère "systématique" du génocide : aucune survie n'est tolérée.
Huyustus a écrit :
Avec cette distinction, on pourrait alors classer le Cambodge, la Shoah, le Rwanda, Srebrenica, l'Arménie parmi les génocides. Et classer les massacres coloniaux (à l'exception peut-être du Congo belge), le Timor, et les répressions politiques en général, parmi les démocides.
Au Cambodge, les victimes avaient une maigre chance de se convertir politiquement et de passer du côté des bourreaux. En Turquie, des Arméniens ont survécu comme esclaves ou concubines. Le génocide ne marchande pas la survie. [Et quand on le qualifie de partiel, c'est qu'il ne vise pas tous les "out"
de la planète mais systématiquement tous les "out" d'une zone délimitée : tous les juifs d'Europe, tous les Tutsis du Rwanda, tous les Haïtiens de la République dominicaine, tous les non-Serbes de Sebrenica, etc.]
Pour vos exemples de démocides, je vous donne raison. Et l'on peut y inclure le désastre du Congo belge puisqu'il avait l'agrément éclairé du responsable légal des lieux, le souverain belge Léopold II.
Huyustus a écrit :
Mais franchement, comme vous dites, cette distinction est un peu capillotractée. Dès lors qu'il y a massacre de populations sur la base d'une intention et d'une organisation issues d'un pouvoir central, qu'on appelle ça démocide ou génocide ne change pas grand chose.
C'est exact, ça ne change rien pour les victimes. Un massacre n'a nul besoin d'être génocidaire pour être ignoble et/ou démesuré.
C'est seulement que le génocide est une qualification pénale prêtant à des condamnations plus lourdes.