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Message Publié : 18 Oct 2005 11:35 
Dans beaucoup de discussions sur les origines d'un peuple d'une nation, d'un groupe on a l'impression qu'il y a un "début", un instant t=0 où le peuple en question était PUR sorti in extenso d'un modèle unique bien défini et cadré.

Ce qui me gène dans ces classifications c'est qu'on a l'impression que tout a un début dans le mythe des origines et qu'avant un seuil mythique tout était PUR et pas MELANGE. Ce qui me parait faux.

Quid des brassages continus de faibles ou grandes ampleurs sur des millenaires?

Qu'en pensez vous?


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Message Publié : 18 Oct 2005 12:17 
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Jules Michelet
Jules Michelet
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Inscription : 15 Mai 2005 12:40
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Les peuples se sont toujours questionnés sur leurs origines... et bien sûr, généralement celles ci est mythique et provient d'un dieu. L'origine est toujours pure, mythique, sacrée, et nous dériverions vers l'imperfection, la perversion, la dégradation.

Je vous recommande un ouvrage intéressant sur ce sujet qui est :
"Le mythe aryen" de Léon Poliakov

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Message Publié : 18 Oct 2005 12:24 
Ce qui m'interroge c'est la persistance actuelle et il n'y a qu'à voir les discussions du forum, dans des esprits formés scientifiquement, de cette idée, de ce concept (que je qualifie de mythe) de pureté à un instant t, origine ou début comme si un peuple pouvait être d'une "race pure"....

Un modéle mathématique tenant compte de differents flux de populations à partir de lieux dits d'origines à un instant "t" et differentes perméabilités des échanges de génes même s'ils sont très faibles devrait démontrer l'inanité de ce concept.


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Message Publié : 18 Oct 2005 14:35 
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Plutarque
Plutarque

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Prenons un bon exemple : l'origine des Français. Karl ferdinand Werner, historien alsacien, qui au gré des changements de frontière, fut alternativement allemand ou français, a écrit un bel article sur l'origine "franque" ou "gallo-romaine" dont voici la conclusion :

"Il y eut fusion : fusion de cette royauté d'essence romaine avec la royauté germanique, certes assez faible, sans grande tradition, mais héréditaire. C'est de cette fusion qu'est sorti un pouvoir public, à la fois suprême et héréditaire dont les ultilmes implications ("Le roi est mort, vive le roi !") étaient déjà là en germe. C'est bien depuis Clovis qu'il y a eu une "race royale catholique à la tête du royaume dont l'élite reproduisait, avec ses rangs et titres, la hiérarchie de modèle romain. C'est bien là le début de ce qui sera l'Europe dynastique."

Dans la plupart des mythes de fondation, nous retrouvons l'idée d'une fusion de deux peuplades. Dans la mythologie scandinave, nous avons la rencontre de Ases et des Vanes. L'enlèvement des Sabines par les Romains en est un pendant. Dans les légendes irlandaises, un peuple venu de la mer se mêle aux proto-irlandais.

Un double exemple historique montre aussi comment une "nation" peut se constituer au départ d'une rencontre de deux peuples. Les magyars, ayant envahi les plaines de Hongrie, se sont mêlés aux slaves locaux, mais ils ont imposé leur langue finno-ougrienne, tandis que les Bulgares, d'origine turco-mongole ont adopté l'idiome des populations qu'ils ont soumises. Chaque mélange produit un peuple singulier.

Karl ferdinand Werner, "La conquête franque de la Gaule. Itinéraires historiographiques d'une erreur, dans "Bibliothèque de l'Ecole des chartes, t. 154, 1996, p. 7-45 (disponible en pdf sur le site "Persée")


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Message Publié : 24 Oct 2005 11:35 
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Polybe
Polybe
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Inscription : 12 Août 2005 19:18
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Localisation : nulle part
L'auteur de ce sujet en disant cela doit avoir qq idees en tete d'exemples de fausse purete. Ca serait bien qu'ils les donnent en nous precisant pourquoi il pense que c'est un mythe.

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Tout ce qui ne se donne pas se vole.


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Message Publié : 24 Oct 2005 14:00 
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Plutarque
Plutarque

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Prenons deux exemples contemporains.
Au Rwanda-Burundi, les peuplades Utu et Tootsie sont des créations artificielles. La soi-disant opposition entre les pasteurs guerriers Tootsies, grands et fins, face au petits et trapus Utus cultivateurs est une légende inventée par les prêtres blancs qui ont créé une caste dirigeante sur laquelle s'appuyait l'administration coloniale. Lors du premier recensement, dans les années '20, l'appartenance à l'"ethnie" Tootsie ou Utu était déterminée de manière très simple : le fait de posséder 10 vaches vous donnait l'accès à la classe dirigeante Tootsie. De plus, il existait des transferts entre les deux populations, pour raison de mariage, pour pouvoir exercer certains métiers réservés à l'une ou l'autre, en fonction des aléas économiques, les gens changaient d'ethnie...
Autre identité inventée, l'Ivoirité, concept qui risque de mettre à feu et à sang la Côte d'Ivoire. La population de ce pays est fort mélangée. Comme la plupart des pays africains, ses frontières ont été tracées à la latte, au mépris de l'occupation réelle du territoire par les diverses communautés. De plus, la Côte d'Ivoire possède des ressources minières et de grandes plantations. Elle importe des travailleurs à bon marché du Mali et du Burkina-faso. La clique du président Boagbo a inventé l'ivoirité pour justifier sa main-mise sur l'Etat. L'un des ministres, professeur d'histoire, a élaboré la théorie. Il distingue plusieurs statuts. D'abord, les "Ivoiriens de souche multiséculaires", c'est-à-dire ceux dont le quatre grands-parents avaient déjà la nationalité ivoirienne (notons que le IIIe Reich utilisait le même critère pour reconnaître l'aryanité); Ensuite, les "Ivoiriens de circonstances". Puis les étrangers. Malheureusement pour le professeur en question, un de ces élèves doctorants a découvert que sa mère était malienne et que la majorité des membres du gouvernement ne remplissait pas les conditions pour être considérés comme "ivoirien de souche multiséculaire" :lol: ! En réalité, il s'agit surtout d'un prétexte pour enlever le droit de vote aux adversaires du gouvernement en place. Lors des contrôles de police, on confisque la carte d'identité des soi-disant "ivoiriens de circonstance" de telle manière qu'ils ne puissent pas se présenter au bureau de vote. Résultat, l'organisation d'élections non truquées est devenue impossible. Petite anecdote pour terminer, les Burkinabè s'échangent en souriant un message de connivence : "Les historiens ne devraient pas faire de politique" :wink: . Moi qui suis historien et militant politique, j'étais bien pris lors de mon drnier voyage, inutile de dire qu'ils se sont un peu moqué de ma pomme :oops: .
Ceci dit, je ne suis vraiment pas de ceux qui nient l'existence d'identités, bien au contraire, mais je crois que les identités artificielles ou rêvées sont dangereuses. En l'occurrence, le "Connais toi toi-même" prend toute son importance. J'ai eu un grand-père paternel allemand dont je porte le nom, mais je suis belge quarteron germanique qui parle fort mal le germain et possède une culture plus francophone que teutonne... De plus, les identités se superposent, nous pouvons éprouver de l'attachement pour notre région natale, pour celle où nous nous établissons ensuite, pour son pays ou l'ensemble de l'aire culturelle européenne en même temps. Les identités ressemblent aux poupées gigognes.
J'ai un ami sociologue, avec lequel je dispute souvent, qui soutient que les identités collectives n'existent pas, selon lui l'identité n'existerait qu'au niveau de l'individu. Je soutiens la thèse contraire, ce qui ne m'empêche pas de dire que la personne a aussi une identité individuelle et que les deux sont forcément liés. Il existe bien "quelque chose" qui permet aux Bretons ou aux Portuguais de se reconnaître entre-eux.
Pour répondre à Mnémon, je dirais que oui il existe une sorte de temps zéro pour la constitution d'un peuple, mais on peut juste le situer dans une période, ce n'est pas à un instant précis que les membres d'une communauté décident "nous sommes le peuple Untel", en général c'est le résultat d'un long processus historique.

Frédéric


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Message Publié : 24 Oct 2005 14:31 
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Monsieur Kisters mes félicitations. Chapeau bas, vous résumez exactement ce que j'allais dire:
Citer :
Ceci dit, je ne suis vraiment pas de ceux qui nient l'existence d'identités, bien au contraire, mais je crois que les identités artificielles ou rêvées sont dangereuses. En l'occurrence, le "Connais toi toi-même" prend toute son importance. J'ai eu un grand-père paternel allemand dont je porte le nom, mais je suis belge quarteron germanique qui parle fort mal le germain et possède une culture plus francophone que teutonne... De plus, les identités se superposent, nous pouvons éprouver de l'attachement pour notre région natale, pour celle où nous nous établissons ensuite, pour son pays ou l'ensemble de l'aire culturelle européenne en même temps. Les identités ressemblent aux poupées gigognes.

Mais vous l'avez dit, bien mieux que j'aurais pu le faire.


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Message Publié : 24 Oct 2005 14:40 
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Plutarque
Plutarque

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Pour préciser la différence entre nation et peuples, voilà ce que j'écriais en 2000 :cobra: .


LES ETATS DES PEUPLES ET L’EMPIRE DE LA NATION

Il existe une confusion permanente entre le mot « nation » qui désigne une association contractuelle de personnes liées à une constitution et la notion de « peuple » qui renvoie à une identité, c’est-à-dire un fait donné, une appréhension de soi résultant de l’histoire. Le peuple est donc le produit du déterminisme - nous ne décidons pas de notre appartenance -, tandis que la nation est le résultat volontaire d’un choix - nous élisons notre citoyenneté -.

Peuples et Nation

Le peuple est un produit de l’histoire dont les membres ont le sentiment de partager un passé et des valeurs communes. Pour le définir, on utilise généralement quatre critères principaux : la langue, la culture, le territoire, les relations économiques. Isolé, aucun de ces critères ne semble suffisant. Si l’on octroyait le rôle principal à la langue, il faudrait en conséquence accepter que les Français, les Suisses romans, les Québécois ainsi que les francophones de Belgique et d’Afrique forment un peuple. Pareillement, les Flamands et les Néerlandais ne se sentent-ils pas de culture différente ? Dans la culture, nous intégrons la religion qui en est un des aspects. De plus, la culture influe sur la manière de vivre la religion : les Albanais et les Arabes saoudites ont des visions très différentes de la foi musulmane. La plupart des peuples occupent un territoire plus ou moins cohérent; il est en effet difficile de maintenir des liens sans proximité. Il faut toutefois noter quelques exceptions telles que les Juifs avant la création d’Israël ou les tribus nomade. De même, les populations immigrées maintiennent un communauté et conservent des liens étroits avec leur patrie d’origine. Enfin, l’existence d’un peuple suppose des relations économiques privilégiées entre ses membres. L’ensemble de ces traits devrait permettre d’esquisser les linéaments de l’idiosyncrasie d’un peuple; pourtant, son image apparaît souvent floue, parce que critères utilisés pour en préciser les contours ne sont pas assez formels. En réalité, un sujet qui a une histoire ne peut se définir, puisqu’il se modifie sans cesse.
Quant à la nation, selon la définition de SIEYES , elle est une communauté légale qui possède la souveraineté. Si l’expression « la nation est une et indivisible » signifie que l’ensemble de ses membres détient la souveraineté et que chacun se soumet aux mêmes lois, elle n’implique toutefois pas nécessairement que les citoyens habitent dans un territoire circonscrit ou aient des relations économiques. Les étrangers qui n’adoptent pas la citoyenneté de leurs pays d’accueil ne sont pas des citoyens à part entière, même s’ils jouissent d’une partie des droits civiques. Une communauté de langue et de culture n’induit pas non plus une citoyenneté partagée. Enfin, la nation a conscience de son existence et puise dans son histoire les éléments symboliques qui renforcent sa cohésion, expliquent ses avatars et justifient l’intégration d’individus ou de peuples étrangers.

Deux conceptions du nationalisme

Par conséquent, le terme nationalisme possède deux acceptions contradictoires selon qu’il se réfère à l’idée de peuple ou à la notion de nation. Dans le premier cas, il fait appel au sang, au sol, aux ancêtres, au passé , c’est un nationalisme de l’héritage qui se réduit souvent à un fallacieux sentiment de supériorité sur les autres et qui, de plus, porte sur un objet de taille limitée. Par ailleurs, peu de choses distinguent le nationalisme du régionalisme qui désigne un sentiment semblable projeté sur un objet plus restreint. Dans le second cas, il transcende l’individu et l’arrache au déterminisme de son milieu. On adhère de manière volontariste à la nation pour réaliser un projet en commun, mais on appartient au peuple de ses parents. Au contraire, la nation possède une faculté d’extension illimitée, car elle peut toujours accueillir de nouveaux membres en dehors des considérations de naissance. Notons enfin que ces deux formes de nationalisme peuvent plus ou moins se recouper et se renforcer au sein d’un même Etat.

Etat et Empire

Pour accéder à la souveraineté, le(s) peuple(s) doive(nt) constituer une nation et se donner une structure : l’Etat qui arbitre les intérêts contradictoires des citoyens, assure leur sécurité et rationalise le devenir de la société. Dans l’histoire, nous rencontrons deux grands types d’Etats; d’une part, ceux issus d’un peuple qui avait une conscience subjective de sa réalité et qui se sont dotés d’une structure objective - l’Etat français par exemple -; d’autre part, les nations forgées au départ de peuples épars, tel que l’Autriche-Hongrie, qui portent souvent le nom d’Empire. Dans les deux situations, il faut à l’origine une volonté agrégative qui peut être incarnée par un monarque, une institution ou un peuple fédérateur.
En réalité, jamais l’Etat-nation n’a coïncidé dès son origine avec une exacte communauté de langue et de culture. Le préalable n’est pas l’unité culturelle; au contraire, c’est la nation qui unit le(s) peuple(s) et non l’inverse. L’Etat, par l’action de son administration centralisée et de son enseignement, harmonise les idiomes et les comportements sociaux. L’existence d’un territoire unifié sous une même autorité facilite aussi les déplacements et donc les mélanges de populations hétérogènes. Des affinités culturelles peuvent inciter les hommes à se regrouper au sein d’une nation, mais cette dernière entreprend à son tour l’élaboration d’une nouvelle « identité nationale ». Surtout, l’histoire n’a jamais vu une nation se former sur base d’intérêts économiques, c’est pourquoi nous pensons que l’Union européenne emprunte un mauvais chemin.
L’Etat-nation, dont la France est l ’archétype, désire l’égalité, l’uniformité, la centralisation; il établit une loi unique sur l’ensemble de son territoire. Il ne reconnaît pas la diversité des coutumes et tend à la suppression des différences locales. Il suppose que tous les peuples sous son empire adoptent les mêmes moeurs et s’expriment dans sa langue administrative.
Au contraire, l’Empire doit compter avec les différents peuples qui le compose et tolère une relative diversité législative en son sein. De même, il ne jouira pas nécessairement d’une autorité égale sur chacune de ses provinces. Certaines d’entre-elles peuvent être presque indépendantes (comme par exemple les principautés tributaires de l’Empire ottoman), tandis que d’autres sont totalement soumises au gouvernement central. Parfois, l’on vit même des peuples érigés en nations cohabiter dans le même Empire (vers sa fin, l’Empire austro-hongrois comprenaient une nation « hongroise », une nation « allemande » et divers peuples slaves). Notons enfin que, de notre point de vue, il n’existe pas actuellement de souverain européen, mais bien des institutions européennes qui agissent avec le consentement de plusieurs nations.

Droit de vote ou citoyenneté

Par ailleurs, se pose aujourd’hui la question du droit de vote des étrangers. Nos dirigeants disputent pour savoir si nous octroyerons le droit de vote aux seuls Européens, et sous quelles conditions, ou si nous l’étendrons aux ressortissants non-européens. A notre avis, le problème est mal posé. En effet, le droit de vote, réduit aux communales qui plus est, n’est jamais qu’une part de l’indivisible citoyenneté, qu’on la dissèque ainsi en créant des sous-catégories dans la société nous semble malsain, car cela nuit à l’unité de la nation en dégradant le principe d’égalité des citoyens devant la Loi. De plus, la citoyenneté implique aussi des devoirs dont le respect garantit nos droits. Dans le débat, d’aucuns proposent d’accorder la citoyenneté belge plutôt que le droit de vote. Sans hésiter, nous allons plus loin en soutenant un projet de citoyenneté européenne. Dans cette entreprise, nous nous appuyons; d’une part, sur l’oeuvre majeure d’un grand penseur politique, Otto BAUER, le chef de file de l’école austro-marxiste; d’autre part, sur un précédent historique : le concept de double citoyenneté dans l’Empire romain.
Otto BAUER articulait sa thèse autour du concept de « communauté de destin » grâce auquel il donna une nouvelle définition de la Nation. Selon lui, la culture et la psychologie permettent de distinguer un peuple d’un autre, mais ces caractères sont eux-mêmes déterminés par l’Histoire. Suivant ses vues, le peuple ne se définit plus par une appartenance ethnique, une communauté de langue, l’occupation d’un territoire ou en termes de liens économiques, mais bien comme un groupe d’hommes historiquement liés par le sort. Dès lors, dans cet esprit, les habitants d’une cité cosmopolite, issus d’origines diverses mais vivant ensemble, peuvent fort bien, dans certaines circonstances historiques, former une nation. Evidemment, il existe une interaction permanente entre le « caractère » et le destin d’un peuple, puisque le premier conditionne la manière de réagir aux événements extérieurs, aussi la nation est-elle en perpétuel devenir.
Ainsi, BAUER justifiait le maintien d’un Etat austro-hongrois par la communauté de destin qui liait ses peuples depuis des siècles. Une législation fédérale aurait protégé les différentes minorités et garanti l’égalité absolue des citoyens devant la Loi qu’il considérait comme la condition sine qua non de la bonne intelligence des peuples au sein de l’Etat.
Dans cette perspective, la conscience du passé partagé n’exclut pas le désir d’un avenir commun. Pour notre part, nous aspirons à une nation européenne dans laquelle fusionneraient les peuples européens.
Dans l’Empire romain, il existait un principe de double citoyenneté. Jusqu’à l’édit de CARACALLA (212 ap. J.C.), la citoyenneté romaine se surimposait à l’origo, l’appartenance à son peuple. Evidemment la première conservait l’éminence sur la seconde. Néanmoins, le Romain pouvait recourir, selon les circonstances, soit au droit romain soit aux lois locales. Lorsque l’empereur CARACALLA donna la citoyenneté romaine à tous les hommes libres de l’Empire, ceux-ci conservèrent néanmoins leur origo . Aussi pensons-nous, qu’il serait possible de créer une citoyenneté européenne qui, durant une période transitoire, coexisterait avec les citoyennetés des Etats membres. En effet, l’homme n’appartient qu’à un seul peuple, mais il peut élire deux nations, du moins dans la mesure où leurs lois ne se contredisent point et à la condition qu’on établît une hiérarchie entre ses deux citoyennetés et que l’on donnât la prééminence à l’européenne.

Frédéric KISTERS

Sur l’abbé SIEYES cfr BREDIN (Jean-Denis), SIEYES, La clé de la révolution française, Paris, 1988, 604 p.
BAUER (Otto), Die Nationalitätfrage und die Sozialdemokratie, Vienne, 1924, (1er éd. 1907), XXX-576 p. (Marx Studien, IV). Edition française : ID. , La question des nationalités et la social-démocratie, Paris-Montréal, 1987, 2 tomes, 594 p.
JACQUES (François) et SCHEID (John), Rome et l’intégration de l’empire (44 av. J.C. - 260 ap. J.C.), tome 1 Les structures de l’empire romain, Paris, 2e éd. 1992 (1er : 1990), p. 209-219 et 272-289 (Nouvelle Clio. L’Histoire et ses problèmes).

(ARTICLE PUBLIE DANS "DEVENIR" n° 15)


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Message Publié : 24 Oct 2005 15:21 
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Le mythe des origines pures est caractéristique des idéologies d'extrême droite.

On retrouve le mythe d'une race pure chez les extrémistes européens et nord-américains ou chez la nouvelle mode des extrémistes afrocentristes (une Afrique noire belle et pure, dénuée de toute souillure blanche...).

On retrouve le mythe d'une religion pure chez les extrémistes musulmans.

Avec le mythe de la pureté naissent le mythe de la contamination et la panaoïa attenante.

Un peu comme les personnes dérangées psychologiquement qui tentent de se débarrasser des microbes.


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Message Publié : 24 Oct 2005 17:57 
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Jules Michelet
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Citer :
Au Rwanda-Burundi, les peuplades Utu et Tootsie sont des créations artificielles. La soi-disant opposition entre les pasteurs guerriers Tootsies, grands et fins, face au petits et trapus Utus cultivateurs est une légende inventée par les prêtres blancs qui ont créé une caste dirigeante sur laquelle s'appuyait l'administration coloniale.

Je doute fortement que la distinction Utu / Tutsie aient été crée par des prêtres blancs... Le problème africain provient surtout du fait que les pays européens ont crées des pays sans tenir compte des spécificités ethno-linguistiques et des susceptibilités tribales. Sachez également que parmi le commerce triangulaire les castes dirigeantes africaines ont été pour beaucoup dans la traite des noirs... Certains peuples africains avaient la suprématie sur d'autres et ces peuplades dirigeantes se servaient en esclave parmis les peuples "clients".

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Message Publié : 25 Oct 2005 13:37 
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Plutarque
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En fait, les colons ont transformé une distinction de fonction (riches pasteurs contre pauvre cultivateurs) en distinction ethniques.Au moment du génocide, le clivage existait au Rwanda comme au Burundi, mais la situation politiqu était inversée dans les deux pays : un groupe dominait chaque pays.
Pour ce qui est de l'esclavage, sur un autre poste, Florian avait invité les intervenants à lire l'essai de Petre-Grenouilleau sur les traites négrières. Il montre que les traites musulmanes et noires étaient plus importantes que la traite atlantique et qu'en effet, elles étaient impossibles sans la collaboration de tribus ou d'Etats locaux.
Notons qu'un trait caratéristique des idéologie de la pureté, au Rwanda comme au Burundi, est la falsification de l'histoire.

Frédéric


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Message Publié : 25 Oct 2005 19:05 
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Jules Michelet
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Inscription : 15 Mai 2005 12:40
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Après quelques recherches il semble que vous ayez raison. Voilà ce que j'ai trouvé:
Citer :
Le Rwanda aurait été peuplé vers le VIIIe siècle avant notre ère par des Batwas ou Twas, une population pygmoïde (1,52 m de taille moyenne) vivant de chasse dans la forêt; ces ancêtres des pygmées seraient venus de l’Ouest et parlaient une langue bantoue. Quelques siècles plus tard, un peuple d’agriculteurs, les Hutus, auraient cohabité avec les Tutsis, des pasteurs venus du Nord, qui se seraient installés progressivement entre les Xe et le XVe siècles. Ces trois communautés d’origines différentes se sont assimilés les unes aux autres avec le temps et ont fini par partager la même langue bantoue, le kinyarwanda \ kirundi, et la même religion.
[...]
Dans chacun des districts du pays, on trouvait, en principe, un «chef des pâturages» (généralement d'origine tutsie) pour l’élevage des bovins et un «chef des terres» (généralement d’origine hutue); cette «administration» était complétée par une organisation militaire avec des «chefs d'armée» (recrutés généralement chez les Tutsis) et, dans les régiments, des «lignages» tutsis et hutus. En fait, Tutsis et Hutus avaient des terres et du bétail, bien que, si le pouvoir restait aux mains d'une aristocratie tutsie, les deux «ethnies» cohabitaient pacifiquement, car durant plusieurs siècles les Tutsis surent manier habilement la carotte et le bâton. En somme, culturellement homogénéisés et biologiquement mélangés, les deux groupes vivaient dans une certaine complémentarité sociale, certes quelque peu inégale, mais maintenue dans une cohésion nationale dynamique.

Donc Hutus et Tutsis, s'ils ont bien eû des origines différentes, se sont bien assimilés et mélangés et la séparation Hutus / Tutsis ne serait ainsi plus que social...

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Message Publié : 26 Oct 2005 9:01 
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Plutarque
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Localisation : N Belgique / Bruxelles / Bruxelles-Capitale
Cher Skipp,

Ben oui, de plus il est difficile de parler d'ethnies puisque Hutus et Tootsies parlent la même langue, partagent les mêmes légendes fondatrices et sont régis par les d'identiques coutumes.

Frédéric


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Message Publié : 26 Oct 2005 9:20 
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Grégoire de Tours
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Localisation : Liege
Salut

Citer :
e doute fortement que la distinction Utu / Tutsie aient été crée par des prêtres blancs... Le problème africain provient surtout du fait que les pays européens ont crées des pays sans tenir compte des spécificités ethno-linguistiques et des susceptibilités tribales.


J'ai très peu de chose à dire, je sais que l'administration Belge, avant l'indépendance avait favorisé une ethnie plutôt qu'une autre, parce qu'elle était, soi-disant, plus docile et plus apte à gerer les administrations en place, ce qui a certainement contribué à perpétuer des rancoeurs.

Une amie de l'épouse, d'origine rwandaise, j'ignore de quelle ethnie elle faisait partie, et maintenant elle a disparu sans laisser de trace, nous avait dit à peu près ceci, "je préfère et de loin le racisme des blancs, car je sais ou il se trouve et comment il agit, plutôt que le racisme entre ethnies noires qui est bien pire et plus sournoise encore", elle nous avait dit cela bien avant les problèmes qu'on connu cette région.


C'est vraiment triste toute cette histoire, surtout que nos gouvernements, n'ont pas fait grand chose alors qu'ils savaient et auraient sans doute pu.

Le Vieux.

_________________
S'occuper des grands problèmes de ce monde c'est bien, s'asseoir sous un arbre et regarder les nuages passer c'est très bien aussi (L.V.)


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Message Publié : 26 Oct 2005 10:02 
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Plutarque
Plutarque

Inscription : 01 Juil 2003 14:45
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Localisation : N Belgique / Bruxelles / Bruxelles-Capitale
A quoi mène l'idée de pureté, je ne saurais mieux le dire qu'un témoin des faits :

"Jean de Dieu (onze ans) était recroquevillé, une boule de chair en sang, juste un filet de regard sorti droit du néant, un regard sans vision fixant un autre corps: Marie-Ange (neuf ans) lovée sur un tronc d'arbre, les bras ballants, les jambes écartées souillées d'excréments de sperme et de sang, l'anus n'étant plus qu'une plaie béante. Dans sa bouche, un sexe coupé à la machette, celui de son père. Dans un trou d'eau puante gisaient quatre corps découpés, empilés: leurs parents et frères aînés. Nous les avons pris dans nos bras, à la va-vite, pour les installer dans la voiture. A cet instant est passée une voiture tout-terrain chargée d'hommes en armes; ils se sont mis à rire sadiquement. Le fait d'avoir dans les bras des corps d'enfants n'a aucunement modifié leur agressivité, il a fallu palabrer, comme toujours... Une pluie torrentielle a certainement été une providence, ils nous ont laissés allonger les deux gosses dans la voiture, et nous sommes repartis vers l'hôpital en se disant que le mot horreur devra un jour enfanter un autre mot plus terrible pour décrire ce genre de scènes vécues au quotidien par quelques volontaires encore présents à Kigali." (bulletin d'information N°30 de MSF. avril 1994. témoignage d'un médecin, René Caravielhe. repris par "Maudits soient les Yeux fermés" de Françoise Bouchet-Saulnier et Frédéric Laffont. Arte éditions/J.C.Lattès)


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