Je parle bien de l'empire Boussac, mais ce ne sont pas les frères Willot qui l'ont tué. Les frères Willot ne sont pas des tueurs, ce ne sont que des charognards. L'empire Boussac a disparu parce qu'il n'y a plus de place dans les pays les plus riches pour des industries de main d'oeuvre. Il n'est plus possible de fabriquer en France avec le niveaux des salaires français ce qu'on peut fabriquer au Maroc avec la même qualité mais avec le niveau des salaires marocains, à moins que ce ne soit dans des usines où les robots ont remplacé les ouvriers.
BSN, après avoir fusionné avec Gervais-Danone est devenu Danone, dirigée par un membre de la famille Riboud depuis plus de quarante ans.
Alcatel, a été absorbé par le finlandais Nokia et est en train de disparaître.
Thomson est devenue Thalès.
Creusot-Loire a disparu.
Alstom a éclaté. Une partie a été reprise par l'américain General Electric qui avait déjà absorbé Jeumont-Schneider. L'autre partie reste un des leaders mondiaux de la construction ferroviaire. Le passage sous le contrôle financier d'un groupe étranger n'implique pas forcément la disparition de l'entreprise. L'ex-Jeumont-Schneider continue à fournir les turbines des bâtiments à propulsion nucléaire de la Marine Nationale et à en assurer la maintenance.
Inversement des groupes français comme Air Liquide absorbent des entreprises étrangères. Le chiffre d'affaire du groupe Air Liquide est actuellement réalisé majoritairement hors de France, aux USA principalement.
Si vous voulez acheter une automobile, vous pouvez choisir une Renault Clio importée de Roumanie ou préférer une Toyota Yaris fabriquée en France.
Tout cela est devenu bien compliqué.
J'ai un peu franchi la limite technologique : c'est pour décrire une réalité d'aujourd'hui qui a commencé à se dessiner alors que les Trente Glorieuses s'achevaient. Cela nous permet de jeter un regard rétrospectif sur ce qui a été fait ou ce qu'il aurait fallu faire dans les années 1970. Le soutien d'industries condamnées est une erreur, que ce soit de la part de l'Etat ou de la part des actionnaires. Les charbonnages et les mines de fer ont probablement été maintenus trop longtemps en activité. Le souci était bien sûr le maintien de l'emploi sur les bassins du nord et de Lorraine, mais ce n'était que reculer l'échéance. On a aussi probablement sur-investi dans la sidérurgie lors de la construction du site de Fos-sur-Mer. Je suis convaincu qu'on a trop tenté d'éviter l'inéluctable plutôt que de prévoir l'industrie de demain et décider d'y investir. Jugement à nuancer tout de même : c'est à cette époque qu'ont été développées les industries aéronautiques et spatiales européennes.
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