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 Sujet du message : La famine de 1817
Message Publié : 13 Août 2017 9:12 
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Marc Bloch
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Le musée local de ma ville de résidence a organisé une petite exposition sur la famine de 1817. J'avoue que j'ai découvert le problème et j'ai compris cette histoire à tiroirs. Tout commence en avril 1815 avec l'éruption du volcan Tambora en Indonésie, de cela j'avais un souvenir lointain. Les projections de particules dans l'atmosphère ont occasionné des perturbations climatiques impressionnantes qui sont décrites ici avec les explications scientifiques afférentes :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Ann%C3%A9 ... %A9t%C3%A9

Par suite de l'absence de récoltes et de nourriture pour le bétail, il s'ensuivit une disette et une flambée des cours des denrées en 1817
Je poste ce fait, d'abord pour le rappeler , mais surtout pour savoir s'il y des traces dans les travaux historiques des bulletins des sociétés d'histoire locale qui décrivent la catastrophe.En tout cas , cela fait au besoin des sujets pour mémoires de maitrise. Mais c'est peut-être là qu'on a le plus travaillé ?

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" Je n'oublie pas le Colonel Arnaud Beltrame "


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 Sujet du message : Re: La famine de 1817
Message Publié : 13 Août 2017 10:15 
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Marc Bloch
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Un grand merci à Faget pour appeler nos esprits sur ce sujet méconnu !

Mais de l'économie à la politique il n'y a qu'un pas. Une des suites de cette crise fut un certain mécontentement du peuple (qui devait aussi supporter l'occupation alliée) et l'apparition de complots bonapartistes et républicains à Lyon et Grenoble qui créérent une grande nervosité à la Cour de Louis XVIII !


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 Sujet du message : Re: La famine de 1817
Message Publié : 13 Août 2017 10:25 
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Marc Bloch
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Jerôme a écrit :
Un grand merci à Faget pour appeler nos esprits sur ce sujet méconnu !

Mais de l'économie à la politique il n'y a qu'un pas. Une des suites de cette crise fut un certain mécontentement du peuple (qui devait aussi supporter l'occupation alliée) et l'apparition de complots bonapartistes et républicains à Lyon et Grenoble qui créérent une grande nervosité à la Cour de Louis XVIII !

Vous limitez au territoire français et je ne disconviens pas des conséquences en politique intérieure, mais il semble que toute l'Europe et une partie de l'Amérique du nord ont été touchés.

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 Sujet du message : Re: La famine de 1817
Message Publié : 13 Août 2017 10:27 
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1816 l'année sans été, ou un début d'hiver volcanique, qui a détruit les récoltes en Europe du nord ainsi que dans le nord de l'Amérique. Des troubles liés à la faim, éclatent en suisse, en France et Angleterre et des migrations s'effectuent en Amérique. deux cent mille morts estimés dans le monde

Accessoirement dans le domaine des arts, une foule de tableaux représentant le ciel rouge des cendres du Tambora


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C'est l'ambition qui perd les hommes. Si Napoléon était resté officier d'artillerie, il serait encore sur le trône.

Mr Prudhomme


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 Sujet du message : Re: La famine de 1817
Message Publié : 13 Août 2017 21:36 
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Pierre de L'Estoile
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Au fait, n'a-t-on pas attribué à cette éruption la défaite de Waterloo (dérèglement climatique et orage de la nuit du 17 au 18 ???)

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il pleuvait, en cette Nuit de Noël 1914, où les Rois Mages apportaient des Minenwerfer


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 Sujet du message : Re: La famine de 1817
Message Publié : 14 Août 2017 9:34 
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Certains l'ont fait ! L'éruption a eu lieu en avril 1815 et waterloo le 18 Juin. Y a t'il lien de cause à effet ?

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C'est l'ambition qui perd les hommes. Si Napoléon était resté officier d'artillerie, il serait encore sur le trône.

Mr Prudhomme


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 Sujet du message : Re: La famine de 1817
Message Publié : 18 Août 2017 18:43 
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Marc Bloch
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Pour revenir à la contestation politique en France, c'est en 1817 que fut composée cette célèbre et magnifique chanson
https://m.youtube.com/v/SZfKUQ6VUQI


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 Sujet du message : Re: La famine de 1817
Message Publié : 19 Août 2017 6:39 
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Jerôme a écrit :
Pour revenir à la contestation politique en France, c'est en 1817 que fut composée cette célèbre et magnifique chanson
https://m.youtube.com/v/SZfKUQ6VUQI


Et ? Le rapport avec le sujet initial me parait bien lointain. Cela parle de l'épopée napoléonienne, mais quel rapport avec une éventuelle famine en 1817 ?

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Une théorie n'est scientifique que si elle est réfutable.
Appelez-moi Charlie


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 Sujet du message : Re: La famine de 1817
Message Publié : 22 Nov 2017 12:47 
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Jules Michelet
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Dernièrement, un très intéressant reportage était passé à la TV sur le sujet (sur ARTE ?). L'on y parlait des conséquences de cette éruption en Europe et en Amérique et... plus particulièrement sur l'Allemagne où il était fait mention d'une forte immigration d'allemands vers les USA, de mouvements sociaux, de mise en place d'organismes de charités publics et de l'invention du pain KK dont la recette daterait de cette époque où il a fallut créer de l'ersatz de pain.

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 Sujet du message : Re: La famine de 1817
Message Publié : 10 Fév 2018 12:01 
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Marc Bloch
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" L’ANNÉE 1817


1817 est l’année que Louis XVIII, avec un certain aplomb royal qui ne manquait pas de fierté, qualifiait la vingt-deuxième de son règne. C’est l’année où M. Bruguière de Sorsum était célèbre. Toutes les boutiques des perruquiers, espérant la poudre et le retour de l’oiseau royal, étaient badigeonnées d’azur et fleurdelysées. C’était le temps candide où le comte Lynch siégeait tous les dimanches comme marguillier au banc d’œuvre de Saint-Germain-des-Prés en habit de pair de France, avec son cordon rouge et son long nez, et cette majesté de profil particulière à un homme qui a fait une action d’éclat. L’action d’éclat commise par M. Lynch était ceci : avoir, étant maire de Bordeaux, le 12 mars 1814, donné la ville un peu trop tôt à M. le duc d’Angoulême. De là sa pairie. En 1817, la mode engloutissait les petits garçons de quatre à six ans sous de vastes casquettes en cuir maroquiné à oreillons assez ressemblantes à des mitres d’esquimaux. L’armée française était vêtue de blanc, à l’autrichienne ; les régiments s’appelaient légions ; au lieu de chiffres ils portaient les noms des départements. Napoléon était à Sainte-Hélène, et, comme l’Angleterre lui refusait du drap vert, il faisait retourner ses vieux habits. En 1817, Pellegrini chantait, mademoiselle Bigottini dansait ; Potier régnait ; Odry n’existait pas encore. Madame Saqui succédait à Forioso. Il y avait encore des Prussiens en France. M. Delalot était un personnage. La légitimité venait de s’affirmer en coupant le poing, puis la tête, à Pleignier, à Carbonneau et à Tolleron. Le prince de Talleyrand, grand chambellan, et l’abbé Louis, ministre désigné des finances, se regardaient en riant du rire de deux augures ; tous deux avaient célébré, le 14 juillet 1790, la messe de la Fédération au Champ-de-Mars ; Talleyrand l’avait dite comme évêque, Louis l’avait servie comme diacre. En 1817, dans les contre-allées de ce même Champ-de-Mars, on apercevait de gros cylindres de bois, gisant sous la pluie, pourrissant dans l’herbe, peints en bleu avec des traces d’aigles et d’abeilles dédorées. C’étaient les colonnes qui, deux ans auparavant, avaient soutenu l’estrade de l’empereur au Champ-de-Mai. Elles étaient noircies çà et là de la brûlure du bivouac des Autrichiens baraqués près du Gros-Caillou. Deux ou trois de ces colonnes avaient disparu dans les feux de ces bivouacs et avaient chauffé les larges mains des kaiserlicks. Le Champ-de-Mai avait eu cela de remarquable qu’il avait été tenu au mois de juin et au Champ-de-Mars. En cette année 1817, deux choses étaient populaires : le Voltaire Touquet et la tabatière à la charte. L’émotion parisienne la plus récente était le crime de Dautun qui avait jeté la tête de son frère dans le bassin du Marché-aux-Fleurs. On commençait à faire au ministère de la marine une enquête sur cette fatale frégate de la Méduse qui devait couvrir de honte Chaumareix et de gloire Géricault. Le colonel Selves allait en Égypte pour y devenir Soliman pacha. Le palais des Thermes, rue de la Harpe, servait de boutique à un tonnelier. On voyait encore sur la plate-forme de la tour octogone de l’hôtel de Cluny la petite logette en planches qui avait servi d’observatoire à Messier, astronome de la marine sous Louis XVI. La duchesse de Duras lisait à trois ou quatre amis, dans son boudoir meublé d’X en satin bleu ciel, Ourika inédite. On grattait les N au Louvre. Le pont d’Austerlitz abdiquait et s’intitulait pont du Jardin du Roi, double énigme qui déguisait à la fois le pont d’Austerlitz et le jardin des Plantes. Louis XVIII, préoccupé, tout en annotant du coin de l’ongle Horace, des héros qui se font empereurs et des sabotiers qui se font dauphins, avait deux soucis, Napoléon et Mathurin Bruneau. L’académie française donnait pour sujet de prix : Le bonheur que procure l’étude. M. Bellart était officiellement éloquent. On voyait germer à son ombre ce futur avocat général de Broë, promis aux sarcasmes de Paul-Louis Courier. Il y avait un faux Chateaubriand appelé Marchangy, en attendant qu’il y eut un faux Marchangy appelé d’Arlincourt. Claire d’Albe et Malek-Adel étaient des chefs-d’œuvre ; madame Cottin était déclarée le premier écrivain de l’époque. L’Institut laissait rayer de sa liste l’académicien Napoléon Bonaparte. Une ordonnance royale érigeait Angoulême en école de marine, car, le duc d’Angoulême étant grand amiral, il était évident que la ville d’Angoulême avait de droit toutes les qualités d’un port de mer, sans quoi le principe monarchique eût été entamé. On agitait en conseil des ministres la question de savoir si l’on devait tolérer les vignettes représentant des voltiges, qui assaisonnaient les affiches de Franconi et qui attroupaient les polissons des rues. M. Paër, auteur de l’Agnese, bonhomme à la face carrée qui avait une verrue sur la joue, dirigeait les petits concerts intimes de la marquise de Sassenaye, rue de la Ville-l’Évêque. Toutes les jeunes filles chantaient l’Ermite de Saint-Avelle, paroles d’Edmond Géraud. Le Nain jaune se transformait en Miroir. Le café Lemblin tenait pour l’empereur contre le café Valois qui tenait pour les Bourbons. On venait de marier à une princesse de Sicile M. le duc de Berry, déjà regardé du fond de l’ombre par Louvel. Il y avait un an que madame de Staël était morte. Les gardes du corps sifflaient mademoiselle Mars. Les grands journaux étaient tout petits. Le format était restreint, mais la liberté était grande. Le Constitutionnel était constitutionnel. La Minerve appelait Chateaubriand Chateaubriant. Ce t faisait beaucoup rire les bourgeois aux dépens du grand écrivain. Dans des journaux vendus, des journalistes prostitués insultaient les proscrits de 1815 ; David n’avait plus de talent, Arnault n’avait plus d’esprit, Carnot n’avait plus de probité ; Soult n’avait gagné aucune bataille ; il est vrai que Napoléon n’avait plus de génie. Personne n’ignore qu’il est assez rare que les lettres adressées par la poste à un exilé lui parviennent, les polices se faisant un religieux devoir de les intercepter. Le fait n’est point nouveau ; Descartes banni s’en plaignait. Or, David ayant, dans un journal belge, montré quelque humeur de ne pas recevoir les lettres qu’on lui écrivait, ceci paraissait plaisant aux feuilles royalistes qui bafouaient à cette occasion le proscrit. Dire : les régicides, ou dire : les votants, dire : les ennemis, ou dire : les alliés, dire : Napoléon, ou dire : Buonaparte, cela séparait deux hommes plus qu’un abîme. Tous les gens de bons sens convenaient que l’ère des révolutions était à jamais fermée par le roi Louis XVIII, surnommé « l’immortel auteur de la charte ». Au terre-plein du Pont-Neuf, on sculptait le mot Redivivus, sur le piédestal qui attendait la statue de Henri IV. M. Piet ébauchait, rue Thérèse, n° 4, son conciliabule pour consolider la monarchie. Les chefs de la droite disaient dans les conjonctures graves : « Il faut écrire à Bacot ». MM. Canuel, O’Mahony et de Chappedelaine esquissaient, un peu approuvés de Monsieur, ce qui devait être plus tard « la conspiration du bord de l’eau ». L’Épingle Noire complotait de son côté. Delaverderie s’abouchait avec Trogoff. M. Decazes, esprit dans une certaine mesure libéral, dominait. Chateaubriand, debout tous les matins devant sa fenêtre du n° 17 de la rue Saint-Dominique, en pantalon à pieds et en pantoufles, ses cheveux gris coiffés d’un madras, les yeux fixés sur un miroir, une trousse complète de chirurgien dentiste ouverte devant lui, se curait les dents, qu’il avait charmantes, tout en dictant des variantes de la Monarchie selon la Charte à M. Pilorge, son secrétaire. La critique faisant autorité préférait Lafon à Talma. M. de Féletz signait A. ; M. Hoffmann signait Z. Charles Nodier écrivait Thérèse Aubert. Le divorce était aboli. Les lycées s’appelaient collèges. Les collégiens, ornés au collet d’une fleur de lys d’or, s’y gourmaient à propos du roi de Rome. La contre-police du château dénonçait à son altesse royale Madame le portrait, partout exposé, de M. le duc d’Orléans, lequel avait meilleure mine en uniforme de colonel général des hussards que M. le duc de Berry en uniforme de colonel général des dragons ; grave inconvénient. La ville de Paris faisait redorer à ses frais le dôme des Invalides. Les hommes sérieux se demandaient ce que ferait, dans telle ou telle occasion, M. de Trinquelague ; M. Clausel de Montals se séparait, sur divers points, de M. Clausel de Coussergues ; M. de Salaberry n’était pas content. Le comédien Picard, qui était de l’Académie dont le comédien Molière n’avait pu être, faisait jouer les Deux Philibert à l’Odéon, sur le fronton duquel l’arrachement des lettres laissait encore lire distinctement : théâtre de l’impératrice. On prenait parti pour ou contre Cugnet de Montarlot. Fabvier était factieux ; Bavoux était révolutionnaire. Le libraire Pélicier publiait une édition de Voltaire, sous ce titre : Œuvres de Voltaire, de l’Académie française. « Cela fait venir les acheteurs », disait cet éditeur naïf. L’opinion générale était que M. Charles Loyson serait le génie du siècle ; l’envie commençait à le mordre, signe de gloire ; et l’on faisait sur lui ce vers :

Même quand Loyson vole, on sent qu’il a des pattes.
— Le cardinal Fesch refusant de se démettre, M. de Pins, archevêque d’Amasie, administrait le diocèse de Lyon. La querelle de la vallée des Dappes commençait entre la Suisse et la France par un mémoire du capitaine Dufour, depuis général. Saint-Simon, ignoré, échafaudait son rêve sublime. Il y avait à l’académie des sciences un Fourier célèbre que la postérité a oublié et dans je ne sais quel grenier un Fourier obscur dont l’avenir se souviendra. Lord Byron commençait à poindre ; une note d’un poème de Millevoye l’annonçait à la France en ces termes : un certain lord Baron. David d’Angers s’essayait à pétrir le marbre. L’abbé Caron parlait avec éloge, en petit comité de séminaristes, dans le cul-de-sac des Feuillantines, d’un prêtre inconnu nommé Félicité Robert qui a été plus tard Lamennais. Une chose qui fumait et clapotait sur la Seine avec le bruit d’un chien qui nage allait et venait sous les fenêtres des Tuileries, du pont Royal au pont Louis XV ; c’était une mécanique bonne à pas grand’chose, une espèce de joujou, une rêverie d’inventeur songe-creux, une utopie : un bateau à vapeur. Les Parisiens regardaient cette inutilité avec indifférence. M. de Vaublanc, réformateur de l’Institut par coup d’État, ordonnance et fournée, auteur distingué de plusieurs académiciens, après en avoir fait, ne pouvait parvenir à l’être. Le faubourg Saint-Germain et le pavillon Marsan souhaitaient pour préfet de police M. Delaveau, à cause de sa dévotion. Dupuytren et Récamier se prenaient de querelle à l’amphithéâtre de l’École de médecine et se menaçaient du poing à propos de la divinité de Jésus-Christ. Cuvier, un œil sur la Genèse et l’autre sur la nature, s’efforçait de plaire à la réaction bigote en mettant les fossiles d’accord avec les textes et en faisant flatter Moïse par les mastodontes. M. François de Neufchâteau, louable cultivateur de la mémoire de Parmentier, faisait mille efforts pour que pomme de terre fût prononcée parmentière, et n’y réussissait point. L’abbé Grégoire, ancien évêque, ancien conventionnel, ancien sénateur, était passé dans la polémique royaliste à l’état « d’infâme Grégoire ». Cette locution que nous venons d’employer : passer à l’état de, était dénoncée comme néologisme par M. Royer-Collard. On pouvait distinguer encore à sa blancheur, sous la troisième arche du pont d’Iéna, la pierre neuve avec laquelle, deux ans auparavant, on avait bouché le trou de mine pratiqué par Blücher pour faire sauter le pont. La justice appelait à sa barre un homme qui, en voyant entrer le comte d’Artois à Notre-Dame, avait dit tout haut : Sapristi ! je regrette le temps où je voyais Bonaparte et Talma entrer, bras dessus, bras dessous, au Bal-Sauvage. Propos séditieux. Six mois de prison. Des traîtres se montraient déboutonnés ; des hommes qui avaient passé à l’ennemi la veille d’une bataille, ne cachaient rien de la récompense et marchaient impudiquement en plein soleil dans le cynisme des richesses et des dignités ; des déserteurs de Ligny et des Quatre-Bras, dans le débraillé de leur turpitude payée, étalaient leur dévouement monarchique tout nu ; oubliant ce qui est écrit en Angleterre sur la muraille intérieure des water-closets publics : Please adjust your dress before leaving.

Voilà, pêle-mêle, ce qui surnage confusément de l’année 1817, oubliée aujourd’hui. L’histoire néglige presque toutes ces particularités, et ne peut faire autrement ; l’infini l’envahirait. Pourtant ces détails, qu’on appelle à tort petits — il n’y a ni petits faits dans l’humanité, ni petites feuilles dans la végétation — sont utiles. C’est de la physionomie des années que se compose la figure des siècles."

VH


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