Jadis a écrit :
Intéressant, merci ! On pourrait se demander, pour aller plus loin dans l’analyse historique, quelle est la plus vieille grève au monde ?
Et en réponse au message de Barbetorte, quand est-ce qu’on est passé de la répression des grèves à la négociation des fins de grève.
En furetant sur la toile, j’ai trouvé mentions de différentes grèves dans l’antiquité :
- Grève en Eygpte des ouvriers construisant la pyramide de Kheops. Le fait est rapporté par Herodote. Leur revendication : rétablissement de la ration d’ail qu’on leur avait supprimée.
- Grève en Egypte au temps de Ramsès III attestée par un document conservé à la bibliothèque de Turin.
- Grève des gladiateurs à Rome en -71.
Lors des débats au Sénat sur la loi d’abrogation du délit de coalition en 1864 fut évoquée une grève des charpentiers en 1839 ou 1840 : les architectes et entrepreneurs remplacèrent les charpentes en bois par des charpentes en fer.
On a pu allier répression et négociation. Les meneurs de l’Emeute des quatre sous furent condamnés en justice, assez légèrement, mais furent tout de même été entendus puisque les salaires ne furent pas diminués malgré la concurrence des mines belges qui tendait à faire baisser les prix et donc la rémunération des mineurs.
L’interdiction de la grève inscrite dans le code pénal était une mesure édictée dans la logique de la loi Le Chapelier qui interdisait non seulement les corporations mais aussi toute forme d’association y compris les caisses de secours ou de prévoyance. Ce n’était pas l’arrêt du travail qui était réprimé mais la concertation des ouvriers en vue de cesser le travail qui constituait le délit de coalition. L’interdiction des coalitions visait d’ailleurs non seulement les ouvriers mais aussi les patrons qui étaient pénalement sanctionnés s’ils se coalisaient pour forcer l’abaissement des salaires.
On conserve aujourd’hui la mémoire de quelques grandes manifestations ouvrières où la troupe est intervenue. Mais lorsqu’il n’y avait pas de violence, il n’y avait pas de poursuites systématiques et, lorsqu’il y en avait, les tribunaux se montraient cléments. La société dans son ensemble admettait que les ouvriers expriment des revendications au patron par l’intermédiaire d’un des leurs. C’était pour rendre cohérent le code pénal avec la réalité des mœurs que le gouvernement fit voter la loi Ollivier du 25 mai 1864 abolissant le délit de coalition. Cette loi n’autorisait pas la formation de syndicats professionnels. Pour cela il fallut attendre la loi Waldeck-Rousseau du 24 mars 1884.
Des objections avaient bien sûr été élevées contre l’abolition du délit de coalition qui, pour les éléments les plus conservateurs, menaçaient la liberté individuelle, le droit de propriété et l’ordre public.
Menaces contre la liberté individuelleLe patron, livré sans défense à l’exigence des ouvriers sera contraint de subir des conditions inéquitables ou, s’il les repousse, sera paralysé dans l’exercice légitime de son activité commerciale.
Dans les grandes entreprises, le travail est divisé. Si certains cessent le travail, toute la production en sera affectée et les non-grévistes en subiront les effets : si la production est arrêtée, les non-grévistes se trouveront au chômage contre leur gré.
Menaces contre le droit de propriétéLes grèves auront de graves conséquences économiques : après avoir épuisé les fruits acquis du travail accompli, elles en tariront la source pour l’avenir.
Dans les ateliers, ceux qui poussent à la grève sont des hâbleurs paresseux autour desquels viennent se grouper les ouvriers les moins laborieux et qui imposent leurs volontés aux autres qui ne demandent rien. C’est contraire à la liberté du travail et à la liberté individuelle.
Le droit de coalition amènera nécessairement le droit de réunion et le rétablissement de corporations qui sont incompatibles avec la liberté individuelle et par là inconstitutionnelles.
Menaces contre l'ordre public.
Donner le droit de grève est ouvrir la voie à tous les excès. En se mettant en grève, les employés des chemins de fer paralyseront les transports, les boulangers affameront Paris. On risque de laisser le désordre s’installer comme en 1848. D’abord des réformes. Soit. Mais ensuite la république, puis la république démocratique et enfin la république démocratique et sociale. Et quoi encore ? Abolissez le délit de coalition, vous aurez des insurrections qui menaceront l’État.