La discussion qui suit a été divisée du sujet "la démission en politique", car elle aborde longuement un cas particulier (qui n'est pas une démission) dans un sujet qui se veut général. (P.M.) Et le Président de la République Albert Lebrun ?
Bonjour à toutes, et bonjour à tous,
Vous oubliez l'irrégularité la plus flagrante de l'histoire constitutionnelle française : le refus du Président du Gouvernement Provisoire de la République Française (GPRF), Charles de Gaulle de réinstaller, même provisoirement, Albert Lebrun dans ses fonctions présidentielles à l'automne 1944, pour lui transmettre officiellement ses pouvoirs.
Rappelons quelques dates essentielles :
* Albert Lebrun est élu Président de la République Française (suite à l'assassinat de Paul Doumer) le 10 mai 1932, pour sept ans (donc jusqu'au printemps 1939), par l'Assemblée Nationale (réunion de la Chambre des Députés et du Sénat) à Versailles.
* Albert Lebrun est réélu Président de la République Française le 5 avril 1939, pour de nouveau sept ans (donc jusqu'au printemps 1946), par l'Assemblée Nationale (réunion de la Chambre des Députés et du Sénat) à Versailles.
* c'est le 12 juillet 1940 que le Maréchal Pétain le démet verbalement de ses fonctions, sans qu'il ait démissionné. Il se réfugie chez son gendre à Vizile (Isère). Où il sera arrêté en août 1943 par les Allemands et incarcéré dans le Tyrol.
* le 25 août 1944 à l'Hôtel de Ville de Paris Georges Bidault, le Président du "CNR" (Conseil National de la Résistance), presse Charles de Gaulle de proclamer la République. Celui-ci refuse, arguant qu'elle n'a jamais cessé d'exister !…
* en septembre 1944 Albert Lebrun, est libéré à Vizile (Isère). Il rencontre en octobre 1944 le général de Gaulle (Président du GPRF) et lui propose, puisque c'est lui le seul et véritable Président de la République française de lui transmettre solennellement ses pouvoirs. De Gaulle refusera de lui donner satisfaction…
Voir :
http://pagesperso-orange.fr/freysselina ... Lebrun.htmD'ailleurs le général de Gaulle cherchera à salir Albert Lebrun dans ses "Mémoires de guerre" en disant de lui : « Comme chef de l'État, deux choses lui avaient manqué : qu'il fût un chef ; qu'il y eût un État ».
Et pourtant, c'est bien de Gaulle qui était dans l'illégalité car la Troisième République ne pendra officiellement fin que le dimanche 21 octobre 1945 où le peuple français est appelé aux urnes, d'abord pour un référendum, puis pour une élection de députés. Cette élection fut unique dans les annales des votations nationales française car elle s'est déroulée en trois temps :
* 1°) il fallait répondre OUI ou NON à la question suivante : voulez-vous que l'Assemblée élue ce jour soit constituante ?
* 2°) en cas de réponse positive à la première question, il fallait répondre à une deuxième question : voulez-vous que les pouvoirs de l'Assemblée constituante soit limités ? (sept mois pour faire une constitution qui sera soumise à référendum).
* 3°) enfin il fallait élire les députés pour la première fois depuis 1936.
Si, comme le parti Radical (dirigé par Edouard Herriot) le demandait, la réponse à la première question avait été NON, les députés élus ce jour auraient été élus à une assemblée législative de la TROISIÈME RÉPUBLIQUE, qui aurait alors continué son existence…
Si, comme le demandaient les autres partis, la réponse à la première question avait été OUI, les députés élus ce jour auraient été élus à une assemblée constituante chargée de préparer la constitution de la QUATRIÈME RÉPUBLIQUE.
Voici le choix des principaux partis aux deux questions de ce référendum :
* général de Gaulle (Président du GPRF) : OUI - OUI ;
* Mouvement Républicain Populaire (MRP) et parti socialiste (SFIO) : OUI - OUI ;
* Parti Communiste Français : OUI - NON ;
* parti Radical et mouvements de droite : NON - OUI ;
Verdict du peuple français : OUI à la première question à 96,37 % et OUI à la deuxième question (à laquelle le Parti Communiste appelait vigoureusement à répondre NON) à 66,49 %. Voir le site :
http://www.denistouret.fr/conshistoire/1940-1946.htmlDonc ce n'est que le 21 octobre 1945 que la TROISIÈME RÉPUBLIQUE a officiellement cessé d'exister selon le vœu de 96,37 % des citoyens français.
Roger le Cantalien.